Les entrepreneurs peuvent parfois se sentir très seuls. C’est en tout cas ce que beaucoup nous confient. Et notamment pendant des roadshows pour lever des fonds auprès d’investisseurs professionnels. Aguerris à la négociation, à l’évaluation de projets, de business plans, les rendez-vous avec des VC peuvent être de véritables épreuves pour les entrepreneurs pas formés à ce type d’exercice. Alors un interlocuteur peut faciliter les mises en relation mais aussi les discussions et les négociations : les leveurs de fonds. 

Didier Bernard a fondé le cabinet Rainmakers qui accompagne des entrepreneurs dans toute la France. Sa mission : révéler le potentiel de chaque projet et l’amener vers ses “investisseurs naturels”. Zoom sur ce métier méconnu : leveur de fonds. 

Qu’est-ce qu’un leveur de fonds ? 

Il y a, à mes yeux, deux types de leveur de fonds. Le premier est “un activateur de réseau”. Il opère simplement des mises en relation. 

Le deuxième type, auquel Rainmakers appartient, est un tiers de confiance entre les startups et les investisseurs. C’est vraiment notre conception du métier. Nous intervenons sur quatre sujets. D’abord, évaluer la faisabilité et le niveau d’investissement et le type d’investisseur envisageable pour un projet. Le deuxième sujet, lorsque on décide de travailler sur un projet, est de révéler sa valeur. Souvent, nous rencontrons des entrepreneurs passionnants, passionnés, mais qui ne racontent pas très bien leur histoire. Nous les accompagnons à retranscrire leur projet dans les attentes des investisseurs. Et enfin, nous faisons bien sûr la promotion du dossier, nous faisons jouer notre réseau et sollicitons les bonnes personnes. 

Nous sommes à la fois des accompagnants dans le processus de levée et des "égaliseurs" pendant les négociations, en tenant compte des besoins de chaque partie ainsi que des « bonnes pratiques » du marché. Ce dans un contexte où les investisseurs négocient des deals tout le long de l’année alors que l’entrepreneur ne mènera le plus souvent que quelques négociations dans sa vie. Bref, permettre que la relation entre les deux soit féconde et équilibrée.  

Prenons une métaphore sportive : nous sommes d’abord des sélectionneurs, puis des entraîneurs, pour le projet, et enfin des préparateurs sportifs pour le dirigeant. Et enfin, on devient agent de joueur. 

Quel est le business model ? 

Nous avons un modèle économique qui repose sur trois piliers. D’abord le plus important, des honoraires variables, fixés en général autour de 6% du montant de la levée et qui actent notre engagement et notre prise de risque. Également à la marge et en amont, des honoraires fixes, nommés "retainers". Enfin et le cas échéant, des honoraires discrétionnaires qui sont attribués par notre client, par exemple en cas de super valorisation ou autre motif de satisfaction particulier.

Qui sont les entrepreneurs qui viennent vous voir ? À quel stade est-ce pertinent de se tourner vers un leveur de fonds ?

Notre cœur de métier, ce sont des levées ou des adossements compris entre 1 et 15 millions. c’est-à-dire des post seed, séries  A ou petites séries B pour lesquels nous sommes « full stack ». le plancher résulte surtout du modèle économique car nous passons beaucoup de temps sur chaque dossier et il faut qu’il y ait une opération suffisamment conséquente pour le rémunérer. 

Nous proposons également des offres plus légères, soit de coaching pour les opérations inférieures à 1 M€, soit d’accompagnement ante-levée pour des missions courtes, souvent d’ailleurs cofinancées par les écosystèmes, permettant de retravailler un discours, une roadmap financière ou une vision. 

Qu’est-ce qui vous différencie de vos concurrents voire de banques d’affaires classiques?

Ce qui nous différencie, au risque de paraitre un peu fiers, c’est la valeur ajoutée dans le travail du projet ! D’une part parce que nous sommes tous des séniors directement à la manœuvre, à revers du modèle classique de la banque d’affaire, d’autre part parce que nous sommes « bilingues » : nous savons parler à la fois le langage des investisseurs et celui des entrepreneurs. Les investisseurs ont un état d’esprit qui leur est propre : ils sont stratégiques, financiers, ils sont multi-projets, ils travaillent sur le ROI, ils sont dans une temporalité plus courte, ils ont des limited partners… Les entrepreneurs, au contraire, sont souvent des dirigeants itératifs, mono -projets, passionnés, quelque part les mains dans le cambouis et la tête dans les étoiles, …c’est une autre mentalité. Nous faisons en sorte que les deux parties puissent ensemble créer de la valeur.

Nous sommes 6 associés dans toute la France, tous spécialistes des startups et  et donc “bilingues” . Nous avons aussi des spécialités sectorielles, Anne-Laure Naveos est à Brest et est très reconnue dans le secteur des Fintechs, mais aussi de l’Insurtech.Thibaut Mercey, à Paris, est un professionnel de la deeptech et de la biotech. Christophe Tezenas du Montcel, à Grenoble, est un spécialiste de l’industrie et des medtechs. Olivier Lambert à Lyon est reconnu dans les mobilités, le SAAS, l’entertainment. Et enfin, Guillaume Ripault, à Marseille, est spécialiste de l’intelligence artificielle, de la cyber.  De plus nous sommes en cours de recrutement sur d’autres verticales. 

Comment sélectionnez-vous les projets que vous accompagnez ? 

Notre enjeu initial, lors des premiers rendez-vous, est de comprendre le potentiel de la startup et le type d’investisseurs qui sera intéressé. Il y a très peu de mauvais projets en réalité !! La question est surtout celle de la cohérence entre son niveau de maturité business, technologique,  le type de financement dont le projet a besoin et celui auquel il peut prétendre.

En ce moment par exemple, nous travaillons avec un entrepreneur formidable avec un très beau projet, mais il y a un décalage entre son projet et le type de financement qu’il espère avoir. Notre enjeu est donc de travailler sur le promesse investisseur, de souligner les points positifs mais aussi les points d’attention, le tout en accord avec notre connaissance des investisseurs. 

Il s’agit donc pour nous d’évaluer la faisabilité d’une levée de fonds en vue de maximiser le succès d’une opération. Notre but, c’est de mener un projet vers son investisseur naturel avec le dossier qui lui correspond le mieux. 

Notre premier concurrent, c’est le “do it yourself”. Beaucoup d’entrepreneurs lèvent seuls, mais pour certains, c’est un moment très compliqué à vivre, car lever des fonds est un acte technique. Ils apprennent plus, mais ils n’optimisent ni leurs chance de succès, ni leur bande passante.

Et, très important, nous apportons aussi de la valeur ajoutée aux investisseurs : des dossiers mieux adressés et plus complets, leur permettant de prendre leurs décisions plus rapidement et sans gaspiller un temps précieux, un processus piloté, efficient, loyal. Enfin un échange facilité, "pédagogisé" avec les dirigeants. 

Finalement, nous faisons gagner du temps et de l’argent à toutes les parties prenantes !