Une approche basée sur la rétro-ingénierie de l’exit vous permet de définir un profil d’entreprise et un rythme de croissance adaptés à vos objectifs à moyen ou long terme. Cette planification à rebours s’applique à tous les entrepreneurs car elle permet à la fois d’anticiper des événements de liquidité requis par vos investisseurs ou de gérer des transmissions déterminées par des circonstances dramatiques ou prévues de longue date.
Un des principaux mérites de la formulation d’un business plan tient dans la clarification de vos objectifs à long terme. En partant de ces finalités et de l’horizon de sortie de certains actionnaires et/ou dirigeants, vous pourrez pratiquer une forme de rétroplanning stratégique pour atteindre ces objectifs de la manière la plus efficace possible.
Je me réfère à la notion rétro-ingénierie pour décrire un processus qui clarifie de nombreux dilemmes stratégiques et financiers. Cette approche consistant à « se placer dans le futur pour observer le présent » est analogue à cette métaphore de Bernard Charlès, président du conseil d’administration de Dassault Systèmes, coauteur de « La Renaissance de l’industrie » et cofondateur d’une chaire de recherche sur la modélisation des imaginaires. C’est bien de ce type de modélisation qu’il s’agit.
Si l’on se réfère à la « logique startup », une entreprise financée par des fonds de capital-risque a pour vocation de dérisquer une offre innovante et de se développer suffisamment vite pour devenir à la fois une opportunité positive d’acquisition pour un grand groupe voire une sérieuse menace au cas où un autre grand concurrent jetterait son dévolu sur votre entreprise.
Cette stratégie de dérisquage peut également s’effectuer en quasi-autofinancement, en mode « bootstrapping », métaphore faisant référence aux aventures du baron de Münchhausen. Pour autant, sans recours à des fonds de capital-risque, l’accélération ne sera pas la même et l’exit sera plus lointain.
D’après la banque d’affaires Avolta (2022), 60% des « exits » sont le fait d’entreprises non financées par des fonds de capital-risque. Ces entreprises mettent cependant davantage de temps à être vendues : le délai médian est ainsi de 15 ans contre 9 ans pour des entreprises financées par le capital-risque.
La rétro-ingénierie appliquée à la formulation de votre business plan
En adoptant cette logique de planification à rebours, quelle sera votre propre trajectoire de développement ?
Si vous souhaitez accélérer via des fonds d’investissement, vous aurez tout intérêt à vous livrer à un exercice de rétro-ingénierie à partir de cet objectif d’exit, encore appelé « événement de liquidité ». Ce type de sortie constitue l’objectif essentiel de vos investisseurs et, pour y répondre, votre stratégie de développement consistera à optimiser ces délais et la plus-value de cession. Voici donc la démarche à effectuer ainsi que les principaux paramètres de l’équation :
- Anticipez vos différents tours de financement de la création jusqu’à l’exit et estimez vos besoins en fonds propres.
- Afin de répondre aux exigences de rendement des investisseurs et des dirigeants, à quel prix votre entreprise devra-t-elle être cédée ou cotée en bourse ?
- En fonction des critères de valorisation qui s’appliqueront à vous, quel devra être le profil de votre entreprise au moment de l’exit ? Décrivez ce profil en termes de degré de maturité technologique, de chiffre d'affaires, d’audience, d’impact, de résultat d’exploitation, de couverture géographique…
Rappelons que le délai médian de sortie d’une startup financée par des fonds de capital risque est de 9 ans : 3 années pour parvenir à lever des fonds en amorçage et 6 ans de plus jusqu’à l’exit, pour un montant médian de 38 M€ sur la base d’un multiple de CA de 4,1 (source Avolta). Pour en arriver là, notre « startup médiane » aura levé 4 M€ et réalisera un CA de 38/4,1 = 9,3 M€. Pouvez-vous « faire mieux », plus vite et avec un montant de capitaux levés plus ou moins élevé ?
Rétroplanning stratégique : entre art, science et circonstances
Un tel exercice de planification à rebours est à la confluence de l’art et de la science mais il dépend également des circonstances. Il faut être en mesure de justifier vos choix et de partager vos objectifs à moyen et long terme avec vos principales parties prenantes. Dans des circonstances exceptionnelles, il s’agira d’un cercle très restreint d’interlocuteurs.
Cette réflexion n’est pas seulement l’apanage des startups : elle s’impose à tous les entrepreneurs, ne serait-ce que parce qu’aucun de nous n’est éternel et qu’un jour ou l’autre, il faudra bien préparer la transmission de votre entreprise, fût-ce dans un cadre familial.
Retraite, changement de vie ou ennuis de santé
Si un de vos associés souhaite « changer de vie » et céder sa participation d’ici deux à trois ans, cela va forcément impacter votre stratégie de développement et vous inviter à réfléchir sur la manière dont vous voyez votre propre rôle à terme dans l’entreprise.
Un tel questionnement sur le moyen terme a parfois permis de révéler que des associés qui s’entendaient au demeurant très bien pouvaient opter pour des chemins très différents. L’impact sur votre business plan est évident mais encore faut-il s’emparer du sujet. Dans un registre plus dramatique, des enjeux de santé peuvent également impacter votre stratégie de croissance et de votre propre horizon de sortie.
Il m’est arrivé d’être mis dans la confidence de situations où le dirigeant devait d’urgence lever le pied sous peine de mettre sa santé en danger. Dans ce cas, vous pouvez oublier l’hypercroissance et la pression qui va avec, ou alors vous devrez vous organiser différemment afin de ne pas porter l’essentiel de la charge managériale sur vos épaules. Or cette pression quotidienne est l’apanage de la plupart des entrepreneurs.
Bonne chance pour cet exercice de rétro-ingénierie de l’exit de votre entreprise ainsi que pour le choix crucial d’avoir recours à des fonds d’investissement pour accélérer votre développement !