72% des startups industrielles françaises interrogées dans le baromètre annuel de Start Industrie prévoient de lever des fonds dans les douze prochains mois et 69% des dirigeants se disent optimistes quant à l’avenir de leur entreprise. Mais dans le même temps, 85% des entrepreneurs estiment que se financer est devenu encore plus difficile ces derniers mois​… Malgré ce pessimisme, vers quels acteurs du capital-risque peuvent-ils se tourner ?

Bpifrance, acteur incontournable ?

Sans surprise, Bpifrance occupe une place centrale dans le financement des startups industrielles françaises, que ce soit via ses fonds de capital-risque (Bpifrance Société de projet industriel, Bpifrance Large Venture et Bpifrance Green Venture, notamment) ou ses dispositifs de prêt, mais aussi par l'intermédiaire du Fonds National de Venture Industriel (FNVI), doté de 350 millions d'euros. 

Créé dans le cadre du plan France 2030, ce fonds de fonds est destiné à souscrire au capital des fonds de capital innovation nationaux et régionaux, d’une taille comprise entre 80 et 250 millions d’euros. Celui-ci est par exemple souscripteur du fonds Green Tech d'Axeleo Capital, dont le closing de 125 millions d'euros a été annoncé début novembre. 

“Bpifrance est effectivement très bien positionnée dans la filière : elle intervient à différents niveaux de maturité”, confirme Nicolas Cruaud, cofondateur de Néolithe et vice-président de Start Industrie, l’organisation qui assure la représentation des startups et scale-ups industrielles françaises. Mais ce n’est - heureusement - pas le seul acteur dans le paysage : Néolithe, qui a levé un total de 83 millions d’euros depuis sa création, s’est d’ailleurs financé sans Bpifrance à son capital.

Un family office, l’“investisseur idéal”

Nicolas Cruaud conseille généralement aux entrepreneurs industriels de se tourner en priorité vers les fonds d’infrastructure - dont certains commencent à intégrer davantage de risque à leur portefeuille en se positionnant sur l’early-stage - et les family office. “Un family office, c’est un peu l’investisseur idéal, mais malheureusement il n’y en a pas 150 dans l’écosystème et leurs capacités de déploiement sont quand même limitées”, souligne-t-il. 

En fonction de leur origine, les family office ont en effet souvent des horizons d’investissement plus long que les fonds de capital-risque classique et, surtout, davantage la connaissance des particularités de l’industrie. Car, comme le rappelait en début d’année à Maddyness l’auditeur à la Cour des comptes Louis-Samuel Pilcer, les startups industrielles ont “un modèle de développement spécifique, qui rend complexe le financement de leur développement par l'industrie du capital-risque”. 

Des fonds “historiques” et quelques nouveaux fonds

Quelques fonds VC sont toutefois historiquement engagés sur ce terrain, comme Demeter IM, pionnier de l'investissement dans la transition écologique, qui a investi notamment dans Ynsect, Sweetch Energy, NOODDIS ou NawaTechnologies ; le fonds Supernova Invest, issu d'un partenariat du CEA (Aledia, Alice&Bob, Afyren, Vulkam, Soitec...) ; le fonds franco-italien 360 Capital Partners (Aerleum, C12, Exotrail…) qui a repris une partie des activités du fonds Robolution Capital, ou encore Innovacom de Turenne Capital (Aura Aéro, CAILabs, Exotrail…).

Plus récemment, 2050, le fonds créé par Marie Ekeland, a adopté une approche “evergreen” pour ne pas se trouver limité par les horizons d’investissement traditionnels du capital-risque, tandis que le Crédit Mutuel Impact, via son fonds Révolution Environnementale et Solidaire a commencé à investir dans de nombreuses startups du secteur - dont Néolithe. “On les voit en ce moment à l’action dans beaucoup de levées de fonds, mais c’est un cas un peu particulier”, souligne Nicolas Cruaud. 

Les fonds financés en partie par des régions - comme Yotta Capital, qui compte les Pays de la Loire parmi les LPs de son fonds Yotta Smart Industry, doté de 101 M€ - sont aussi particulièrement intéressés par les entreprises industrielles - qu’il s’agisse de startups ou non. Certains fonds de corporate venture investissent aussi dans l’industrie, “mais généralement avec de petits tickets”, regrette le fondateur de Néolithe.

Reste un éléphant dans la pièce : la déroute récente d’Ynsect, qui avait pourtant levé 160 millions d'euros en 2023. Comme le reconnaît Nicolas Cruaud, “c’est un petit traumatisme quand même. Pour les fonds, le secteur manque encore de success story en termes de rendement. Or, Ynsect faisait partie des plus prometteuses… Cela ne sera pas de nature à inciter de nouveaux fonds à entrer sur le sujet”. Mais les fonds déjà solidement convaincus devraient rester engagés.