Salles de réunion à géométrie variable, dispositifs d’assistance numérique, œuvres d’art ou encore services de restauration sur-mesure : le design d’expérience englobe tout ce qui donne vie à nos bureaux. C’est un élément crucial qui, loin d’être la cerise sur le gâteau, doit être pensé dès les phases préliminaires. « Chez Factory, l’équipe design d’expérience intervient en amont du projet en définissant un fil rouge, une histoire qui va créer une cohérence entre les différents espaces et transformer le projet d’aménagement en véritable outil de cohésion et d’acculturation pour l’entreprise », explique Jérôme Laan, qui a rejoint Factory au début de l’aventure en tant que Directeur de Création après une carrière dans la publicité et l’hôtellerie. « Une marque, ce n’est jamais qu’un logo, c’est toute une expérience qui ne peut pas se résumer à une charte graphique. La marque-employeur, les valeurs d’une entreprise se vivent plutôt qu’elles ne s’énoncent », poursuit-il.

Quelques exemples médiatisés suffisent à s’en convaincre : le siège social de Lego, au Danemark, abrite des pièces aux couleurs vives, construites avec les petites briques de l’entreprise. Apprentissage par le jeu, créativité et innovation. Une aile baptisée « People House » regroupe des espaces pensés pour les employés et leurs familles, comme un cinéma, un centre de santé, un espace de sport ou des logements pour les déplacements professionnels.

« Lego ne vend pas seulement des jeux de construction, commente Lucas Leonelli, co-fondateur de l’agence créative BigCheese, spécialisée dans l’identité de marque, pour les e-commerçants notamment. De la même manière, Apple ne vend pas des téléphones, mais de l’innovation. Ferrari, pas des voitures, mais de la passion. Et Red Bull ne vend pas des canettes de soda, mais de l’énergie. » Ces quelques exemples permettent à Lucas Leonelli de rappeler que la marque, ce n’est pas le produit ni sa fonctionnalité, c’est l’émotion qu’elle veut susciter. « Associer sa marque à une émotion (et une seule), être capable de se donner ce cap-là, c’est un moment fondateur, qui permet ensuite de décliner autour toute une palette de nuances et qui offre la possibilité à une entreprise de se distinguer, même dans un environnement très compétitif. Le produit est alors consommé par désir de s’associer à cette émotion. »

Le bureau comme expression des valeurs de l’entreprise

Chez Spotify à Stockholm (treize étages), la musique résonne dans les murs, de la réception aux ascenseurs en passant par les toilettes, mais aussi des salles insonorisées permettant aux équipes de se concentrer ou de jouer de la musique, en phase avec l’activité du groupe.

Plus près de chez nous, le siège historique de L’Oréal, dans le 8e arrondissement, abrite un mur des curiosités et une cave dans laquelle sont conservés les flacons qui ont fait la renommée de la marque. Ainsi qu’une verrière monumentale au dernier étage, où l’entreprise continue de former chaque année 500 coiffeurs à l’art de la coupe et de la coloration.

Un exemple, encore ? Dans la Digital Factory de TotalEnergies, les équipes de Jérôme Laan ont imagé dès la porte d’entrée, dans l’espace d’accueil, « une œuvre digitale monumentale qui fait remonter en temps réel des données liées à la vie et à l’activité des équipes dans le bâtiment ; une œuvre qui s’inscrit dans le territoire identitaire du groupe en alliant codes graphiques et informations en temps réel ».

Marquer le cœur et les mémoires

Décathlon, Hermès, Orange, Apple, Nike… On pourrait continuer encore un moment, mais attention, le design d’expérience n'est pas réservé seulement aux « grandes » marques. « En France, on a souvent tendance à créer un business, à s’assurer qu’il fonctionne bien, et seulement après on va penser à lui donner une identité forte, reprend Jérôme Laan. Alors qu’aux Etats-Unis, on peut avoir une marque avant même d’avoir une idée ! Cependant, la Tech est en train de changer la donne et les entreprises réfléchissent beaucoup plus tôt à leur marque et notamment à leur marque-employeur, car elles ont besoin de séduire les candidats et les équipes. »

Le travail du designer d’expérience passe notamment par le choix d’éléments « totémiques » : ce sont les symboles forts, ce qui frappe et ce qui reste dans le souvenir d’un client, d’un fournisseur ou d’un collaborateur entré dans les bureaux.

Et parfois, il s’agit d’épurer : ce fut le cas chez Voodoo, un autre client de Factory, éditeur de jeux vidéo sur smartphone. La jeune licorne a quitté un co-working dans le 9e arrondissement pour s’installer en 2021 dans l’ancienne Poste du Louvre.

« Le patron de Vodoo nous a dit : “Nous sommes des créatifs, je veux que quand mes salariés arrivent, ils sentent qu’ils sont dans un sanctuaire dédié à la créativité. Je ne veux pas d’un bureau-vitrine” Il ne voulait pas de bureaux reprenant simplement les codes graphiques de la marque, il souhaitait incarner leur philosophie d’entreprise : ‘less is more’. C’est ce qui nous a amenés à définir un fil rouge autour de la simplicité et du minimalisme. Mais ce saut créatif entre un univers très tech et une réponse architecturale épurée n’a été possible que parce que nous avons tout le temps été en contact avec le décisionnaire final, totalement habité par la marque qu’il défend et capable de faire des choix radicaux », explique Jérôme Laan.

Marque et marque-employeur : même combat !

On l’oublie parfois, mais les employeurs sont eux aussi confrontés à un sujet de branding. Une entreprise, c’est une marque… et une marque-employeur, les deux étant interdépendantes. En période de « guerre des talents », ne pas avoir travaillé sa marque-employeur se paie cher.

« Tout comme une marque ne se limite pas à un produit, une marque-employeur ne se limite pas à une fiche de poste et à un salaire, reprend Lucas Leonelli (BigCheese). Les candidats viennent chercher autre chose : une envie de s’investir, la volonté de passer du temps dans cette entreprise, une forme de réalisation de soi, un enthousiasme. On est typiquement là encore dans le registre de l’émotion, du ressenti. Quand on est un employeur - et je m’en rends compte moi-même en tant que jeune employeur - il faut inspirer ses collaborateurs. On peut, par le graphisme, le design et les mots, amener du sens. Votre proposition de valeur, tout comme votre offre si vous êtes commerçant, doit être à la fois lisible et incisive. »