22 000 m² d’usine sur 8 hectares de terrain, c’est la taille de la Gigafactory que McPhy vient d’inaugurer à Belfort. Son ambition : produire des électrolyseurs, à destination des industriels des secteurs de la métallurgie ou de la raffinerie notamment. « A terme, nous avons la possibilité d’atteindre une capacité de production d’1 GW par an, grâce à la production d’une soixantaine d’électrolyseurs de 16 MW », souligne Jean-Baptiste Lucas, le dirigeant de McPhy. Des outils industriels longs de 10 mètres et hauts de 7 mètres. Aujourd’hui, 40 des 220 salariés de la société travaillent dans cette usine. « Et les effectifs devraient augmenter en même temps que le développement des capacités de production au rythme de la demande future ».
Le marché reste loin des niveaux attendus
Mais avant cela, plusieurs défis sont à relever. « Le marché reste loin des niveaux attendus, souligne le dirigeant. On pensait qu’il atteindrait 40 GW en Europe en 2030. Finalement, on sera plutôt autour de 10 GW. Le marché existe mais sa maturation est beaucoup plus lente que prévu. » Des chiffres qui ne sont pas alarmants, si on les compare à ceux de l’énergie solaire. Mais le contexte impose aux acteurs de l’hydrogène de faire le dos rond en attendant que la demande décolle. « L’enjeu est d’avoir les reins assez solides pour tenir. Cela peut passer par des regroupements. En 2013, nous avons déjà fait le choix de céder notre activité « mobilité » pour se concentrer sur les électrolyseurs et certains de nos concurrents ont fait la même chose », souligne Jean-Baptiste Lucas.
Car l’hydrogène vert a un coût. Aujourd’hui, son prix est quatre à cinq fois plus élevé que celui de l’hydrogène gris. « En industrialisant la production, nous parviendrons à réduire cet écart. Et nous misons sur un cadre réglementaire clair, qui imposera à l’hydrogène gris – produit à partir d’énergies fossiles – d’intégrer le coût carbone qu’il génère », précise le CEO de McPhy. Aujourd’hui, la consommation mondiale d’hydrogène s’élève à quasiment 100 millions de tonnes, contre 94 millions en 2021, selon l’agence internationale de l'énergie. Mais 95 % de cet hydrogène consommé est gris. « Cela veut dire que le potentiel du marché est énorme mais qu’il faut continuer à l’évangéliser », poursuit Jean-Baptiste Lucas, qui espère que l’hydrogène vert deviendra concurrentiel à horizon 2028.
180 millions d’euros levés en 2020
En attendant, la société bénéficie des subventions européennes. Dans le cadre du programme européen, PIIEC, en faveur de l'hydrogène, McPhy bénéficie d’une aide de 114 millions d’euros. « C’est ce qui nous a permis de financer l’usine de Belfort », souligne Jean-Baptiste Lucas. Pour amorcer son industrialisation, la société avait également levé 180 millions d’euros en 2020, « au moment de l’effervescence autour de l’hydrogène », poursuit le dirigeant.
Désormais, pour avoir davantage de visibilité, McPhy attend la publication des décrets d’applications relatifs aux énergies renouvelables à l’échelle de l’Europe. « Cela permettra de préciser un cadre réglementaire, qui est indispensable pour nous », poursuit le dirigeant qui attend donc des « mesures de soutien à la demande tardant à se matérialiser ». « Les finances publiques des pays européens ne sont pas forcément au beau fixe, mais surtout les pays ont du mal à s’accorder sur la stratégie à adopter. Pour résumer, les Allemands veulent produire l’hydrogène là où l’énergie est la moins chère, quand la France veut limiter sa dépendance et préfère faire de l’hydrogène à partir de l’énergie nucléaire disponible en Europe. »