Fondée il y a douze ans, Eurekam accélère : la medtech se développe à l’international à la fois en Europe et en Amérique du Nord, et cherche à se diversifier. Deux lignes stratégiques portées par le CEO, Loïc Tamarelle, pour assurer la croissance puis la rentabilité d’Eurekam. 

Son cofondateur, Benoît Le Franc, est un ancien pharmacien hospitalier, spécialisé dans les chimiothérapies. Au cours de sa carrière, il réalise à quel point les techniques de contrôles des préparations sont à risque : beaucoup se basent encore sur le “double contrôle visuel”. Tout le processus de fabrication est encore artisanal. Avec Loïc Tamarelle, issu du monde de l’informatique, ils imaginent une solution d’intelligence artificielle et d’analyse d’image pour identifier les erreurs médicamenteuses. Eurekam a donc un premier secteur d’application : la chimiothérapie. 

Déjà utilisée dans une centaine d'hôpitaux français, la startup est en phase de passage à l’échelle. “Nous entrons dans une phase de structuration de PME”, souligne le président-CEO. 

Maddyness : En tant que CEO d’une medtech, quelles sont vos missions majeures ?

Loïc Tamarelle : Bien sûr, il y a le suivi de la stratégie de développement de l’entreprise en accord avec la vision. Il y a également le management de l'ensemble de l'équipe et faire cohabiter un service commercial avec un service technique, c’est du sport ! Même si cela se passe bien. Aujourd'hui, je pilote particulièrement une phase de croissance importante.

Historiquement, Eurekam est une startup. Nous avons démarré à trois, nous avons levé des fonds… Aujourd’hui, nous sommes 21. Il y a vraiment un changement de dimension et d'organisation, avec des ajustements nécessaires. Nous rentrons dans une phase de structuration de PME, avec un fonctionnement d’entreprise un peu plus classique.

Nous avons toujours un fonds d’investissement à notre board et des ambitions, nous investissons toujours dans la recherche et le développement mais la surveillance du chiffre d’affaires fait également partie de mes missions. Concrètement, c’est vérifier que le chiffre d’affaires prévu sur l’année est bien tenu, donner les moyens à mes équipes de le réaliser, mais aussi investir pour nous développer selon nos deux stratégies : le développement international et la diversification. 

Nous sommes leader en France avec pas moins de 100 établissements clients sur 450 faisant de la chimiothérapie. Nous sommes présents en Belgique, en Espagne, nous commençons à être distribués en Italie et nous discutons avec des prospects en Scandinavie et en Amérique du Nord. C’est un des piliers pour l’avenir dans lequel j’investis beaucoup d’énergie. 

Le deuxième, c’est la diversification. Forts de notre expérience et de notre succès dans l’univers de la chimiothérapie, nous cherchons à proposer notre savoir-faire, notre technologie, dans d’autres secteurs de la santé qui souffrent aussi d'erreurs. 

Peut-on développer une medtech sans être soi-même issu du secteur médical ? 

Ce n'est pas simple. Ce n'est pas impossible, mais ce n'est pas simple. C’est l’avantage de notre équipe de fondateurs. Mon associé est un homme de métier, un ancien pharmacien pour développer une solution à destination des pharmacies ! 

Sur certaines activités de diversification sur lesquelles Eurekam se positionne, nous avons encore des points d’entrées par la pharmacie. C’est un secteur que nous connaissons bien avec des acteurs déjà partenaires. Cela crée des ponts et plus de facilités pour avoir les bons contacts au sein des hôpitaux. Mais la difficulté, ce ne sont pas les personnes elles-mêmes. Ce sont les structures, les organismes qui sont des mammouthes à faire bouger. C’est cela qui est difficile. 

Il faut qu'ils trouvent du temps à nous consacrer. Lorsqu’on avance sur de nouveaux projets, il faut réussir à créer des groupes de travail. Cela peut être compliqué en interne puisque nos ressources ne sont pas illimitées et déjà bien occupées, mais il faut en plus du répondant en face. Travailler avec l'établissement de santé, sans parler de profession, que ce soit des médecins, des pharmaciens ou autre, ce n’est pas simple, et ce n’est pas une question de volonté, mais de réactivité.

Faire cohabiter les équipes commerciales et les équipes techniques, c’est “sport” ! Pourquoi  ? 

Ce sont des univers différents et cela se passe bien. Mais les langages sont différents, les attentes sont différentes. Il faut trouver les bons réglages pour que ce soit fluide et cela fait partie de mes prérogatives.  

Quels conseils donneriez-vous à une startup dans le même secteur que vous, qui voudraient se développer aux États-Unis ou à l'étranger ? Vous vous développez au Canada, quelles ont été les étapes ? 

De la prospection, beaucoup de prospection avec du personnel dédié. Pour l’Amérique du Nord, je travaille avec un apporteur d'affaires, par exemple, qui est aujourd'hui situé à Montréal. 

Nous avons de la chance d’avoir un produit qui répond à un besoin. C’est plus difficile d’obtenir des rendez-vous avec les bonnes personnes que de les convaincre que notre outil vaut le coup. 

À chaque fois que nous pénétrons un nouveau marché, il faut passer par une phase pilote, c’est-à-dire que nous devons passer un contrat avec des conditions avantageuses pour un premier partenaire de manière à ce qu’il franchisse le cap et devienne un client. Nous devons lui fournir un accès à notre système. Pour que notre solution fonctionne, nous devons développer une interface avec les systèmes d’information en place. Qui dit nouveau pays dit nouvel système d’information.

Il y a également la partie traduction avec des termes spécifiques. Il est donc nécessaire de passer par une phase de test et d’obtenir les retour de ce premier partenaire. 

Les chimiothérapies sont fabriquées partout dans le monde mais pas de la même manière. Il peut y avoir des adaptations de notre logiciel en termes de scénario parce qu'on délivre une recette de fabrication, ce genre de choses. Donc il y a forcément une phase d'adaptation obligatoire et d'acceptation par des premiers pilotes, des testeurs, avec le but qu'ils deviennent nos premiers clients et nos premiers communicants.

C'est la meilleure manière pour nous de pénétrer dans le marché. c'est une phase obligatoire. 

Cela permet aussi d’accélérer l’acceptation du marché. Autre point important : prendre contact avec des leaders d’opinion locaux, des médecins qui ont de l’influence auprès de leurs confrères par exemple. Ils pourront rédiger des publications par exemple. C’est que nous avons fait en Espagne grâce à l’hôpital de La Fe de Valence, un hôpital très réputé, cela a bien fonctionné.