Avec l'intensification des échanges commerciaux, le trafic maritime ne cesse d'augmenter.  Et si actuellement il représente déjà 3 % des émissions de gaz à effet de serre, sans changement, les émissions pourraient s’élever à 17% d’ici à 2050 selon l’Organisation Maritime Internationale (OMI).  

“Il est donc crucial de réduire significativement les émissions de ces navires. Soutenir une startup comme «Aeroforce, c'est choisir un combat décisif pour le transport maritime. La fabrication des très grands navires de marchandises, longtemps fierté des chantiers navals, est définitivement derrière nous. Ce combat est perdu. En revanche, renforcer la position de la France dans la conception et la fabrication d’équipements à forte valeur ajoutée pour les navires, c’est faire le choix d’un marché extraordinaire. C’est dans ce domaine que les Français se montrent particulièrement innovants aujourd'hui", rappelle Bruno Bonnell, secrétaire général pour l’Investissement, chargé du plan France 2030

Pour soutenir cette ambition, les Concours d'innovation de l'État, composés des trois volets i-PhD, i-Lab et i-Nov, constituent un dispositif éprouvé. Financés par France 2030 et mis en œuvre par Bpifrance en partenariat avec l'ADEME, ces concours accompagnent les projets innovants tout au long de leur développement à l’instar d’Aeroforce, jeune pousse française lauréate du concours i-Nov, troisième volet des Concours de l’innovation de l’Etat qui se distingue par une approche inédite : l'utilisation d'une aile gonflable inspirée de l'aéronautique pour propulser les navires. Fondée par Jean Guyon, Aeroforce a développé une aile gonflable révolutionnaire, dotée d'un profil aérodynamique optimisé et d'un volet orientable.

"Cette caractéristique unique différencie Aeroforce des autres solutions à base d'ailes gonflables présentes sur le marché. Ce projet s'inscrit dans une démarche plus globale visant à concevoir un bateau 100 % électrique, pour lequel Aeroforce constitue un élément clé. En combinant les avantages de l'électrification et d'une propulsion aérodynamique performante, ce nouveau concept de bateau ouvre de nouvelles perspectives pour la navigation de plaisance et la course au large", détaille Jean Guyon, le CEO. 

Les navires de transports dans le viseur

En commençant par le marché de la plaisance à moteur thermique, Aeroforce propose une solution innovante pour diminuer la consommation de carburant et les émissions polluantes. Son aile gonflable, en agissant comme une voile, permet de réduire la dépendance aux énergies fossiles. Cette technologie est aussi adaptée aux bateaux électriques, offrant ainsi une autonomie accrue grâce à la recharge des batteries par l'effet dynamo des hélices qui, dans un mouvement de rotation, génèrent un courant électrique. L'objectif ultime d'Aeroforce est de déployer cette solution sur les navires de transport maritime d'ici 2020, contribuant ainsi à une décarbonation significative du transport maritime.

"Évidemment, les gains sont plus importants sur des modèles avec un hydrodynamisme pensé pour accueillir ce type de gréement (ndlr, mât, voiles et cordages). Le marché de la décarbonation maritime est déjà bien fourni en solutions variées : ailes, voiles plates, cerfs-volants, rotors, profils aspirés... Une palette technologique importante qui s'adapte à différents types de navires, de tailles et d'applications. Pour des acteurs comme le néo armateur Sailcoop, qui souhaitent exploiter la force du vent pour assurer 80 à 90 % de la propulsion de leurs navires, nos voiles présentent un intérêt particulier", précise Jean Guyon. 

Pour Bruno Bonnell, l’accompagnement d’Aeroforce est emblématique de la dynamique générale du plan. "Nous ne regardons plus dans le rétroviseur, mais nous nous projetons vers les trente prochaines années, les 30 vertueuses comme j'aime les appeler. Les prémices du Minitel datent de 30 ans avant sa sortie, celles du Concorde aussi. Avec France 2030, nous adoptons une logique de réflexion à l’échelle d’une génération", rappelle le Secrétaire Général, avant de poursuivre, Le soutien du Secrétariat général pour l’investissement est continu depuis 10 ans. Depuis 2014, le SGPI a financé plus de 50 projets d’innovation pour la décarbonation du maritime (plus de 235 M€ d’aides, déclenchant près de 800 M€ d’investissements). Au total, une vingtaine de projets véliques ont été aidés. Nous avons mis en avant AYRO (OceanWings), lauréat French 2030. Nous avons aidé la plupart des projets structurants de la filière, en accompagnant fortement les risques associés (Ex : Beyond the Sea, Solid Sail, CWS, Lorima, Wisamo, Z&B …), notamment via le CORIMER (ndlr, Conseil d'orientation de la Recherche et de l'Innovation de la filière des industriels de la mer). France 2030 va encore plus loin, le SGPI travaille avec l’écosystème pour identifier les verrous et les dépasser : Par exemple, nous avons lancé dernièrement avec l’IRT Jules Verne et l’association Windship un programme structurant de R&D, à l’échelle de la filière, pour objectiver les performances du véliques et ainsi rassurer les donneurs d’ordre quant au ROI de ce type de solution. C’est une forme de création de biens communs au bénéfice de tous les acteurs français.” 

Un accélérateur sans pareil

Aeroforce bénéficie d'un soutien financier et d'un accompagnement personnalisé qui lui permettent d'accélérer son développement. Ce financement de l’État est essentiel pour mener à bien les phases de R&D et d'industrialisation.

« Avec le volet i-Nov, les projets se concrétisent davantage. Ce concours sélectionne, dans le cadre d’une procédure favorisant la compétition, des projets d’innovation au potentiel particulièrement fort pour l’économie française. Il permet de cofinancer des projets de recherche, développement et innovation, dont les coûts totaux se situent, sauf exception, entre 1 M€ et 5 M€, et contribue à accélérer le développement et la mise sur le marché de solutions et technologies innovantes. J'ai vu en vidéo la démonstration de l'aile gonflable et du mât rétractable d'Aeroforce ; c'est un chantier pharaonique dont on ne mesure pas l'ampleur. Avec i-Nov, nous avons fait un pas de plus vers l'objectif final des concours de l'innovation : commercialiser ces solutions innovantes et les exporter. On pourrait croire que le plus dur est fait, mais c'est une illusion. C'est à ce stade précis que le tissu de soutien capitalistique, qui ne peut reposer uniquement sur l'État, doit être le plus dense possible pour accompagner cette phase d'industrialisation, explique Bruno Bonnell avant d’ajouter, Dans un monde idéal, l’État ne devrait être que le kick off et le privé devrait ensuite prendre le relais, mais les perspectives de retour sur investissement de ces projets vont au-delà des standards des fonds qui sont plutôt sur 5 ou 7 ans.” 

Jean Guyon, CEO d'Aeroforce, est catégorique : sans France 2030 et les Concours de l'innovation, un dispositif unique en Europe, sa startup n'en serait pas là aujourd'hui. "Sans ce soutien, il est évident que nous n'aurions pas pu prototyper notre produit aussi rapidement. Sur un marché émergent où la concurrence est intense, la rapidité d'exécution est essentielle. Ce que nous avons accompli en 10 mois aurait nécessité 18 mois sans ce coup de pouce, et nous aurions dû consacrer beaucoup plus de temps à la recherche de financements alternatifs."

Une pépinière qui renforce le leadership

À l’horizon 2030, Aeroforce vise à équiper plusieurs dizaines de navires avec sa technologie : “Le concours i-Nov est un catalyseur et un accélérateur pour réaliser nos ambitions. À horizon 2030, nous souhaitons équiper une trentaine de navires avec notre technologie en retrofit, ce qui permettrait de réduire la consommation de carburant de chaque navire de 15% et, par conséquent, d'éviter, chaque année, l'émission de 60 000 tonnes de CO2 cumulés.”, rappelle le CEO. 

Bruno Bonnell souligne, lui aussi, l'importance de ces concours : "C'est comme un pépiniériste qui cultive des plantes rares. Dans la nature, ces plantes auraient peu de chances de survivre. De même, les startups ont besoin d'un environnement protégé pour se développer. Le plan France 2030 joue ce rôle de pépinière, en offrant aux entreprises innovantes les ressources et l'accompagnement nécessaires. C'est une initiative unique en Europe qui nous donne un avantage compétitif sur la scène internationale."

Pour consolider cet avantage compétitif, le secrétaire général pour l’investissement souligne que les dépenses de cybersécurité, de protection de la propriété intellectuelle et du design sont éligibles aux aides financières des concours de l'innovation. Il ajoute : "Par ailleurs, la création de Business France 2030 offre aux entreprises un soutien supplémentaire pour l'export, avec des financements pouvant aller jusqu'à 100 000 euros pour couvrir jusqu'à 50% des coûts."