« La valorisation, c’est de la négociation », affirme Etienne Krieger, professeur à HEC. En 2022, le montant médian des levées de fonds était de 1,2 million d’euros en seed, pour les startups âgées de 3 ans, contre 29 % du capital. En Série A, ce montant passait à 3 millions d’euros pour 28 % du capital. Mais ces chiffres peuvent varier du simple au double en fonction de la société et de ses dirigeants.
« Il faut devenir sexy et dangereux pour être convoité. C’est la loi de l’offre et de la demande », poursuit le professeur, qui rappelle que « 90 % des startups se cassent la figure et que tout le monde cherche la pépite qui sera vendue plus de 150 millions d’euros. » Ces dernières ne représentent toutefois qu’un huitième des startups vendues. Nickel, le service de compte bancaire alternatif, qui a vu très vite la demande exploser, en est un bon exemple. « Il y avait plus d’ouverture de comptes chez Nickel que dans les banques traditionnelles. La startup a cédé 10 % de son capital pour 2 millions d’euros et cinq ans plus tard, BNP Paribas la rachetait 10 fois le prix de ses actions. »
« A la croisée du souk de Marrakech et des mathématiques financières »
Il n’existe donc pas de calcul exact pour estimer la valeur de ses parts. « Les négociations sont à la croisée du souk de Marrakech et des mathématiques financières », estime Etienne Krieger. « Inutile de faire de grands tableaux Excel. » En cas d’exit ou de levée de fonds, les revenus récurrents sont, toutefois, le plus valorisé, selon lui. « Être rentable le plus rapidement possible n’est pas forcément demandé. Mieux vaut réinvestir pour accélérer », assure-t-il.
D’autant que le contexte économique compte beaucoup. « Avant 2022, nous étions dans une bulle, les boîtes étaient valorisées à des montants astronomiques. Depuis, les valorisations ont été divisées par trois », souligne Etienne Krieger.
« Au moment de l’exit, certains investisseurs demandent 2,5 voire 3 fois le montant investi »
Les difficultés à lever des fonds rendent en effet les négociations plus complexes pour les startups. « Il existe deux types d’actions. Les actions ordinaires, qui sont proportionnelles à la part du capital détenu et les actions de préférences, qui peuvent comporter des droits financiers préférentiels. L’idée pour les investisseurs est, ainsi, d’obtenir une priorité de paiement quand les parts sont cédées et de récupérer, au moins, la mise de départ. Il s'agit d'une sécurité pour eux », précise Xavier Roussillon, co-fondateur de Futurz, qui a mis au point un outil spécialisé dans la gestion des plans d’actionnariat salarié mais également un simulateur permettant d’éclairer les entrepreneurs sur les conditions réelles de leurs deals, en cas de levée de fonds ou d’exit.
Parfois, les investisseurs demandent même à récupérer deux fois, voire trois, le montant investi, même si cela prend l’entièreté de la valeur de l’entreprise au moment de la vente. « Cette maîtrise des aspects financiers liés sert également à Futurz pour évaluer la valeur de marché de chaque classe d'actions en fonction de ces droits financiers. On se rend compte alors que la répartition du nombre d'actions et la répartition de la valeur de marché des actions ne coïncident que rarement. Ce type d'analyse, épaulée d'un rapport justificatif, accorde le droit d'émettre des BSPCE avec un prix d'exercice au juste prix de marché comme l'autorise les finances publiques depuis le 27 mars 2024. »
« Les investisseurs connaissent ça par coeur, les startups pas toujours »
Avec son outil, Futurz permet néanmoins de faire quelques projections. « Notre simulateur permet d’entrer toutes les caractéristiques des actions liées à leur financement afin de faire un choix éclairé. Les fondateurs peuvent ainsi simuler une offre de rachat ou une levée de fonds », indique Xavier Roussillon. En fonction de leur projet stratégique et de la valeur de sortie estimée - calculée via une table de capitalisation avec le nombre d’actions et leurs caractéristiques financières - ils peuvent déterminer s'ils sont d'accord ou non avec les conditions proposées. D’autant qu’il y a souvent un fossé dans la maîtrise de ces sujets. « Les investisseurs connaissent ça par coeur, les startups pas toujours. Notre volonté est que tout le monde soit sur un pied d’égalité et d’apporter de la transparence aux entrepreneurs. »