«Chez Balderton, nous pensons que la meilleure façon de changer le monde passe par la création d’entreprises ambitieuses et innovantes. Et il est certain qu'un grand nombre d’entre elles seront créées en Europe.» Voila ce qu’écrivait le fonds d’investissement il y a quelques semaines, au moment d’annoncer cet été un double closing à 1,3 milliard de dollars pour deux nouveaux véhicules d’investissement : Early Stage Fund IX et Growth Fund II. 

Derrière le fonds anglo-saxon présent en Europe, un managing Partner : Bernard Liautaud. Cofondateur de Business Objects, il l’a dirigée pendant près de 20 ans et en a fait la première entreprise européenne à se coter au Nasdaq. Puis, Bernard Liautaud a eu envie de changement et s’est tourné vers le capital risque. Ce passé, et présent avec Dashlane, d’entrepreneur (à succès), lui confère peut-être une vision différente des autres investisseurs. De même l’origine anglo-saxonne de Balderton et son implantation européenne lui donne une place particulière dans le paysage VC. 

Avec 5 milliards d’euros sous gestion, Balderton est un des fonds les plus importants et renommés de la place. Bernard Liautaud se confie à Maddyness pour en dévoiler quelques secrets et ficelles…

Maddyness : Pourquoi avoir rejoint Balderton, et pourquoi être passé du côté investisseur après avoir été pendant 20 ans côté chef d'entreprise?

Bernard Liautaud : J’ai eu la chance d’être à la tête d’une entreprise, Business Objects, pendant 18 ans, au cours desquels nous avons connu une croissance remarquable. Nous sommes partis de zéro pour atteindre un chiffre d’affaires d’un milliard et demi de dollars, devenant leader mondial sur notre marché. Nous avons même été la première société européenne à entrer au Nasdaq en 1994. C’était un parcours presque idéal.

Après ces années, j’ai ressenti le besoin de me lancer dans une aventure complètement différente, avec une vision plus large, touchant à divers secteurs et technologies. Être entrepreneur est une expérience extraordinaire, mais elle reste très focalisée.

J’ai donc voulu fusionner l’ensemble de mes envies et le capital-risque m’a offert une réponse idéale à ce profond désir d’élargir mes horizons. Il permet de toucher à des domaines variés, comme la cybersécurité, la fintech, l’intelligence artificielle, la mobilité, et bien d’autres. Ce pivot m’a aussi donné l’opportunité de prouver qu’en Europe, il est tout à fait possible de créer un fonds de capital-risque avec des performances comparables à celles de nos homologues américains. C'était un défi qui n’avait pas encore été pleinement relevé jusqu’à présent, et je voulais contribuer à montrer que c'était possible.

5 milliards d’actifs sous gestion 

Vous avez annoncé cet été deux nouveaux fonds dédiés aux startups européennes. Vous avez réussi à lever 1,3 milliard de dollars pour ces deux véhicules : Early Stage Fund IX et Growth Fund II. Était-ce compliqué de lever ? 

Pas vraiment, nous avons accompli cela assez rapidement. Il est vrai que dans un environnement qui n'est pas toujours simple, cela fait de nous une sorte d'exception.

D’abord, nous bénéficions d’une marque solide et d’un track record de plus de 20 ans. Notre partenariat est stable, avec des Associés présents depuis longtemps. Les investisseurs nous connaissent bien, mais plus important encore, nous avons des performances constantes et de qualité, ce qui est exactement ce qu’ils recherchent.

Je pense que les investisseurs souhaitent une exposition au capital-risque en Europe, mais ils préfèrent se concentrer sur un nombre restreint de fonds de qualité. Nous faisons partie de ceux-là. Nous entretenons aussi d'excellentes relations avec nos investisseurs : près de 80 % de nos LPs ont réinvesti avec nous entre les précédents fonds et ceux que nous gérons aujourd'hui.

Justement, qui sont-ils ? 

Nous ne divulguons pas leurs noms. Nos investisseurs sont un mélange de fonds institutionnels européens et américains, avec quelques fonds en Asie, notamment au Japon et en Corée. Mais la majorité provient d’Europe et des États-Unis. Ce sont principalement des institutionnels, avec quelques family offices et un certain nombre d’entrepreneurs, mais la grande majorité de nos partenaires restent des investisseurs institutionnels.

Quels sont les assets sous gestion de Balderton ?

Nous gérons actuellement un peu plus de 5 milliards d’euros d’actifs.

Nous sommes en train de déployer notre neuvième fonds dédié à l’Early stage ainsi que notre deuxième fonds de Growth. Par le passé, nous avons également levé un fonds secondaire, ce qui porte à douze le nombre de véhicules levés.

Actuellement, nous sommes dans la phase d’investissement pour ce neuvième fonds Early stage et pour le deuxième fonds de croissance. En parallèle, nous continuons à suivre près de 125 sociétés actives dans nos portefeuilles issus des précédents fonds. À ce jour, nous avons réalisé environ une centaine d’exits.

Qui sont vos principaux co-investisseurs ? 

Notre réseau est assez vaste. En France, nous collaborons avec des acteurs comme la BPI, Eurazeo, Idinvest, Isai, et bien d’autres. En Europe, nous travaillons avec des fonds tels qu'Accel, Index, Sequoia, ainsi qu'un grand nombre d'autres partenaires.

Est-ce que c'est important pour vous les co-investisseurs ? 

Très rapidement, nous sommes en co-investissement par nature. Au premier tour, que ce soit en seed ou en Série A, nous investissons souvent seuls, puis dès les tours suivants, nous nous retrouvons généralement à 3 ou 4 investisseurs autour de la table.

Votre manière de travailler change-t-elle selon vos co-investisseurs ? 

Chaque fonds apporte des compétences spécifiques ainsi qu'un certain niveau d'engagement. Certains fonds sont très actifs, très impliqués dans le développement des entreprises, tandis que d'autres peuvent adopter une approche plus passive.

Lorsque nous collaborons avec un fonds américain, il apporte un réseau et une expertise particulière liée à son marché. De notre côté, nous apportons un réseau complémentaire, notamment en Europe. Par exemple, avec des fonds français, nous travaillons souvent sur les connexions avec les écosystèmes anglo-saxons et américains. À l'inverse, lorsque nous co-investissons avec des Américains, notre focus est davantage sur le développement en Europe.

De manière générale, nous sommes des investisseurs très engagés et actifs auprès des fondateurs. Personnellement, je suis devenu le président du conseil pour trois ou quatre entreprises dans lesquelles nous avons investi, ce qui témoigne de notre implication.

«Il est possible d’être à la fois  entrepreneur et investisseur»

Un an après avoir rejoint Balderton, vous avez fondé Dashlane. Pourquoi ? Est-ce qu’on peut être cofondateur et investisseur en même temps ? 

Oui, il est tout à fait possible d’être à la fois investisseur et entrepreneur. Des exemples comme Dashlane et Balderton le montrent bien. Cependant, pour que cela fonctionne, il faut mener ces projets d'une manière spécifique.

Personnellement, je ne cherchais pas à créer une nouvelle entreprise, mais plutôt à résoudre un problème auquel je faisais face et pour lequel il n'existait pas de solution satisfaisante : la gestion des mots de passe et la fluidité des interactions sur internet.

Je me suis effectivement demandé s’il était possible de développer une startup tout en continuant à gérer Balderton. La réponse est oui, mais en suivant un modèle différent. Mon idée était d’être très impliqué au début, pour créer la société, développer le produit, avec une petite équipe. J’ai alors proposé mon projet à des étudiants de Centrale, dans le cadre de leur projet de fin d’études en entrepreneuriat, et j’ai agi en tant que coach. Si le projet fonctionnait, nous envisagerions de le transformer en startup.

Cela a marché ! Ils ont remporté le prix du meilleur projet de Centrale cette année-là, et nous avons ensuite lancé la société. Trois ans plus tard, j’ai recruté un directeur général. Je suis resté dans l’opérationnel jusqu’à ce que le produit soit pleinement développé et j’ai mené la première levée de fonds. Aujourd’hui, je suis toujours président du conseil d'administration.

Les fondateurs sont-ils toujours les meilleurs pour faire grandir leur startup ? Quand faut-il réfléchir à amener un directeur général ? 

Il n’y a pas de durée fixe à laquelle un fondateur doit rester en poste. En réalité, si le fondateur a les compétences et l’envie de rester jusqu’au bout, c’est le mieux pour l’entreprise. Donc, plus il peut rester en tant que CEO, mieux c’est. Cependant, parfois, le fondateur peut ne plus avoir la capacité ou simplement ne plus souhaiter continuer à ce poste.

Il arrive en effet parfois un moment où le fondateur ressent le besoin de passer le relais, et cette transition doit être anticipée et bien accompagnée. Cela ne devrait être ni un drame ni un traumatisme, ni pour le fondateur ni pour l’entreprise. Au contraire, si la transition se fait en douceur, elle peut s'avérer extrêmement bénéfique pour les deux parties.

Si l'entreprise atteint par exemple 50 millions de chiffre d’affaires, que le fondateur veut passer la main et que l’on trouve un CEO capable de la faire croître jusqu’à 500 millions, c’est un énorme succès pour l’entreprise. Cela peut demander des compétences que le fondateur ne possède pas. Pour ce dernier, c’est aussi une opportunité formidable, car il se libère du stress quotidien de la gestion, tout en pouvant rester impliqué, soit en restant dans l’entreprise, soit en siégeant au conseil d'administration. De plus, si quelqu'un d’autre peut faire croître l’entreprise de manière significative, cela valorise les actions du fondateur.

Est-ce le rôle du fonds d'aider le fondateur à arriver à cette décision ou de trouver un nouveau CEO ? Comment est-ce que les fonds doivent-ils se positionner ?

Cela doit être en premier lieu la décision du fondateur. Ensuite, c’est le rôle du fonds d’accompagner cette décision. Je suis convaincu que nous devons jouer un rôle d’accompagnement actif dans ce type de transition. Encore une fois, il est essentiel que cela se fasse en parfaite harmonie avec le fondateur. Nous avons déjà été amené à participer à ce genre de transition à plusieurs reprises, avec succès, tant pour le fondateur que pour l’entreprise. Nous avons accompagné une telle transition chez Talend, chez Vestiaire Collective, et dans d’autres sociétés, et à chaque fois, cela s’est avéré bénéfique pour toutes les parties impliquées. Au final, c’est une évolution positive, si elle est bien accompagnée.

Valoriser l’échec 

Quelle est votre thèse d’investissement avec Balderton ? Comment répartissez-vous géographiquement vos investissements ? 

Personnellement, je suis un Partner qui investit aussi bien en early stage qu’en growth, contrairement à d’autres Partners qui se concentrent exclusivement sur l’un ou l’autre. J’ai donc un pied dans les deux mondes, même si mon parcours d’investissement est davantage axé sur le early stage, notre fonds de croissance étant relativement récent.

Lorsqu’il s’agit d’un investissement en early stage, le premier critère que j’évalue est évidemment l’équipe fondatrice. Il s’agit de comprendre leur ambition et leur capacité à exécuter un plan. Nous avons plusieurs critères d’évaluation, et même si je ne les énumérerai pas tous, certains sont particulièrement liés aux qualités personnelles des fondateurs : sont-ils impatients ? L’impatience est souvent une qualité nécessaire pour un dirigeant. Ensuite, sont-ils ultra focalisés sur leur produit ? Un bon fondateur doit avoir une véritable obsession pour la qualité de son produit et être attentif aux moindres détails afin de répondre pleinement à un besoin.

Un autre point crucial est leur capacité à fédérer, car le succès de l’entreprise dépendra largement de leur aptitude à recruter et à s’entourer d’une équipe de très haut niveau. Cela implique d’examiner de près le parcours du fondateur, et bien que cela puisse sembler cliché, nous valorisons particulièrement les parcours mouvementés, où l’entrepreneur a su faire face aux échecs, rebondir, et se projeter dans des projets ambitieux et difficiles. C'est ce genre de résilience qui fait la différence.

Si on le dit grossièrement, avoir planté une première boîte, ce n'est pas grave. En tout cas, ce n'est pas un critère de non-investissement ?

Non, pas du tout, au contraire.

Côté investisseur, quelles sont les qualités pour devenir un bon VC ? Que recherchez-vous dans votre équipe ? 

Il faut avant tout un grand esprit de curiosité. Être investisseur signifie avoir une soif constante de découvrir de nouvelles idées, technologies, mais aussi de rencontrer des personnes. Le sens social est également primordial, car ces découvertes et ces rencontres se font à travers des connexions humaines. Le métier de venture capitalist est fondamentalement centré sur l'humain. L’objectif est de trouver non seulement des projets intéressants, mais surtout des fondateurs dans lesquels on croit et avec qui on veut construire une relation. L’intuition personnelle et la capacité à créer des liens forts avec les fondateurs sont donc essentielles.

De plus, un investisseur doit être capable de convaincre. Il s’agit, en effet, de convaincre l’entrepreneur que Balderton est le meilleur partenaire pour l’accompagner dans son aventure. Mais cet investisseur devra aussi défendre le dossier en interne, convaincre les autres associés que cette entreprise est exceptionnelle et mérite qu’on y investisse. Chez nous, nous pratiquons ce qu’on appelle un investissement à haute conviction. Il est donc essentiel que chaque décision soit prise avec certitude et détermination.

Comment se passe le processus de la première rencontre avec un fondateur jusqu'à la décision d'investissement ? 

Le processus peut aller très vite, selon les phases. En seed, par exemple, si c’est un deal très compétitif et que nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un projet exceptionnel, nous pouvons conclure en une semaine. Le processus commence par une collaboration entre un Partner et un ou deux autres membres de l’équipe ainsi que d’autres membres de l’équipe. Ensemble, ils présentent le projet au reste des Partners lors de notre comité d’investissement.

Nous nous efforçons de faire en sorte que le fondateur puisse rencontrer un maximum de personnes issues de nos équipes afin de recueillir différentes perspectives. Ensuite, nous procédons à un vote en suivant des règles spécifiques et adaptées au stade de l’investissement. Cette méthodologie nous permet de prendre des décisions rapides, surtout dans les moments où la concurrence est forte.

«Les fonds américains ont une approche plus tranchée»

Comment travailler main dans la main avec des fonds américains ?

À l’origine, nous étions un fonds américain, avec une culture de travail et des processus très influencés par le modèle anglo-saxon. Cela se reflète notamment dans la rapidité avec laquelle nous prenons des décisions, et dans notre appétit pour le risque, qui est souvent plus marqué que celui des investisseurs européens.

Les Américains ont généralement une approche plus tranchée, “black and white” : soit ils croient fermement en une entreprise et la soutiennent de manière proactive, soit ils estiment que le projet ne fonctionne plus et se retirent rapidement. Il n’y a pas vraiment de juste milieu dans leur façon de procéder, ce qui contraste parfois avec l’approche plus prudente et nuancée des investisseurs européens, dont nous faisons partie.

Vous avez quand même décidé d’accentuer votre présence sur le marché hexagonal, pourquoi est-ce qu'il fallait miser sur la France?

En France, il existe aujourd'hui de nombreux projets extrêmement passionnants, avec des entrepreneurs de plus en plus talentueux. Si l’on compare l’allocation de nos investissements en venture aujourd’hui avec celle d'il y a 7 ou 8 ans, on observe un changement radical. À l’époque, environ deux tiers de nos investissements européens se faisaient en Angleterre. Aujourd’hui, nos investissements sont répartis de manière beaucoup plus équilibrée entre la France, l'Allemagne, l'Angleterre, et le reste de l'Europe.

Bien que notre bureau principal soit basé à Londres, il est essentiel pour nous d’être présent en France, afin de suivre de près les opportunités et soutenir l'écosystème entrepreneurial français.

Quel est votre regard sur la place de la France dans le marché de l'intelligence artificielle mondiale? 

Le niveau est excellent en France. Nous avons des chercheurs et des ingénieurs extrêmement talentueux dans le domaine de l’IA, en grande partie grâce à un héritage solide dans ce secteur. Nos universités, grandes écoles, et laboratoires de recherche, comme ceux de Meta ou d'autres, jouent un rôle clé en formant des experts de très haut niveau. De plus, certains patrons de recherche, qui sont partis dans le passé pour diriger des laboratoires aux États-Unis ou en Angleterre, sont aujourd'hui prêts à revenir en France, ce qui renforce encore notre écosystème.

Nous avons également des entreprises de pointe, comme Photoroom ou Mistral AI, qui illustrent parfaitement l'excellence française dans ce domaine.

IA, santé et fintech 

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous lancer dans le financement de la croissance ? 

Lorsque nous avons lancé cette initiative il y a trois ans, c’était pour répondre à un besoin réel. L’Europe est en plein essor technologique, et de nombreuses entreprises qui se sont développées grâce à des fonds d'early stage arrivent maintenant à un point critique. Pour passer de 20 à 100 millions, voire 500 millions de chiffre d'affaires, ces sociétés ont besoin de capitaux.

Si ces fonds ne sont pas disponibles en Europe, ces startups se tourneront inévitablement vers des investisseurs américains ou d'autres régions pour continuer leur croissance. Il y a là une énorme opportunité de création de valeur que les fonds européens devraient pouvoir capter.

Notre initiative visait donc à combler ce manque tout en répondant à une demande pressante des entrepreneurs européens, en leur offrant un soutien local pour accompagner leur croissance.

Pourquoi ne voit-on pas émerger de champions européens de la tech, ou si peu ?

Il y a tout de même plusieurs exemples remarquables. Nous avons un certain nombre de sociétés européennes qui ont une valorisation très élevée, comme Spotify, Checkout, Adyen ou Revolut,  récemment valorisée à 45 milliards. Ce sont des entreprises exceptionnelles. Nous avons d’ailleurs été les premiers et restons à ce jour les plus grands investisseurs institutionnels de Revolut. C’est une société qui a prouvé sa capacité à se développer.

Nous voyons aussi émerger des entreprises très innovantes, telles que Mistral dans l’intelligence artificielle, Wayve dans la conduite automobile, ou encore Payflows dans la fintech. Il y a donc beaucoup de sociétés qui sont déjà là ou qui sont en pleine émergence.

Je suis très optimiste quant à la capacité de l’Europe à relever ce défi. Nous devons continuer à créer des fonds de relais de croissance suffisamment importants pour soutenir ces entreprises, et il nous faut des entrepreneurs toujours plus ambitieux. Heureusement, nous voyons de plus en plus d'entrepreneurs qui croient en la possibilité de créer des entreprises au leadership mondial.

Le marché des IPOs est un peu bloqué en ce moment, surtout en Europe. Est-ce qu'il faut le relancer ? Est-ce que vous le voyez repartir dans les prochaines années? Quel est peut-être l'impact de ce blocage sur le marché?

Il est essentiel d'avoir un marché boursier qui fonctionne correctement, car c'est une porte de sortie cruciale pour les investisseurs des premières phases et un relais d'accès au capital pour les entreprises cherchant à se développer sur le long terme.

Aujourd'hui, ce marché est le maillon manquant dans toute la chaîne. Pour le reste, nous avons tout : les financements early stage, des entrepreneurs talentueux, des incubateurs, des experts, des hubs... Tout est en place. Ce qui manque, c'est un marché boursier capable d'accueillir ces entreprises, et pour le moment, cela ne fonctionne pas de manière optimale.

Pour que cela change, il faut des investisseurs prêts à s'engager sur le long terme dans les entreprises technologiques cotées en bourse. Il ne s'agit pas seulement de traders ou de hedge funds qui misent sur les fluctuations à court terme, mais d'investisseurs qui prennent des participations de 5 à 10 % dans des entreprises et qui les maintiennent sur le long terme, croyant en leur potentiel sur les 10 à 15 ans à venir. Ces investisseurs devraient progressivement augmenter leurs participations dans ces entreprises, car ils y voient un avenir solide.

Il faut aussi des sociétés de qualité, capables de rester indépendantes pendant 15, 20, voire 30 ans. Nous avons des exemples comme SAP, qui est là depuis plus de 40 ans, mais nous en avons besoin de beaucoup plus. Si nous avons des entreprises ambitieuses de ce calibre qui entrent en bourse et y réussissent, cela créera progressivement une dynamique positive.

Pour cela, les marchés boursiers doivent être exigeants quant aux entreprises qu'ils acceptent. Il ne s'agit pas d'ouvrir les portes à des sociétés qui ne sont pas prêtes ou qui sont trop petites pour tenir sur le long terme. Nous devons construire un marché sain et robuste. Par le passé, il y a eu des tentatives de créer des marchés de second rang pour faire entrer plus de sociétés, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la qualité et de la stabilité des entreprises qui y sont cotées. Ce qu'il nous faut, ce sont des success stories pour encourager cette dynamique de croissance et de confiance.

Dans les prochaines années, sur quoi est-ce qu'il faut miser en tant qu'investisseur ?

Aujourd’hui, concrètement, l’intelligence artificielle prédomine les sujets d’investissement, et traverse tous les secteurs Il y a bien sûr les plateformes d’IA mais aussi les IA adaptées à un secteur plus vertical à même de transformer tout un pan d’industrie. 

Sinon, je pense qu’il y a beaucoup à faire dans la santé, et en cybersécurité. Nous, nous croyons encore beaucoup à la finance et à la fintech. Il y a encore fort à faire.