Alors que le projet de loi de finances 2025 débattu à l’Assemblée Nationale inquiète les acteurs français de l’innovation, investisseurs, entrepreneurs et lobbys voient plus loin et interpellent l’Union Européenne (UE). France Digitale s’associe ainsi à une vingtaine de fédérations européennes, pour porter d’une seule voix la création d’un “28ème régime”. Il s’agit de concevoir un statut unique européen pour toutes les startups. 

En ce sens, France Digitale rejoint EU Inc, qui réunit entrepreneurs et investisseurs européens. Ce mouvement a lancé il y a quelques jours une pétition sur le sujet, réunissant plus de 10 000 signataires.

«Ce 28ème régime est une des clés essentielles pour déverrouiller les capacités des entreprises européennes et leur permettre enfin de bénéficier d’un véritable marché unique», selon France Digitale. L’objectif de ce statut unique est bien de faire émerger de véritables champions européens en brisant l’une des barrières à l’entrée : la fragmentation du marché européen. C’est d’ailleurs la conclusion des rapports Letta et Draghi sur la compétitivité des entreprises européennes. Elles ne peuvent pas passer à l’échelle au sein de ce marché. 70% des scaleups européennes préfèrent s’exporter aux États-Unis, d’après le dernier indice LETS, plutôt que de grandir en Europe. 

La nécessité d’un cadre réglementaire commun 

Pourquoi parle-t-on du «28ème régime» ? Parce qu’il s’agirait d’établir un statut juridique commun, contrairement aux 27 actuels et différents au sein de l’UE. «Aujourd’hui, les entreprises européennes font face à un véritable parcours du combattant dès lors qu’elles souhaitent s’exporter chez leurs voisins. 27 pays et autant de réglementations nationales qui freinent le passage à l’échelle sur notre continent et poussent à se tourner vers les États-Unis ou l’Asie pour se développer sur de plus grands marchés. L’ambition politique de la présidente de la Commission européenne d’enfin aboutir au marché unique grâce à un 28e régime est une formidable opportunité pour notre écosystème d’innovation», explique Maya Noël, directrice générale de France Digitale. Un point de vue partagé par son homologue Francesco Cerrutti, directeur général de l’Italian Tech Alliance. «Les entreprises européennes bénéficieront d’un ensemble de règles standardisées, évitant ainsi le labyrinthe de réglementations diverses qui prévalent dans les États membres de l’UE.»

En plus d’un statut juridique commun, les startups devraient profiter d’un socle de droits harmonisés dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne. Là encore, une mesure qui pourrait tout changer. «Les entités européennes de startup/scaleup bénéficieront d’un ensemble de règles standardisées, évitant ainsi le labyrinthe de réglementations diverses qui prévalent dans les États membres de l’UE», renchérit Hugo Weber, VP Affaires publiques au sein de Mirakl. Cette «unicité du statut juridique permettrait d’éviter la création d’une nouvelle entité juridique à chaque ouverture de bureaux dans un nouvel État européen», souligne pour sa part France Digitale. Les démarches des entreprises seraient considérablement simplifiées. 

«C’est important pour les startups et cela pourrait simplifier beaucoup de choses, comme lever de l’argent ou la gestion, aujourd’hui très différentes selon chaque pays. On voit vraiment beaucoup de disparités qui demandent aux startups, investisseurs, clients de s’adapter, ce qui peut ralentir les choses», relève Roxanne Varza, signataire de la pétition EU Inc.

Une libre-circulation des capitaux et des talents 

Ce statut européen permettrait également aux startups de disposer plus simplement de leurs fonds, de recruter à travers les frontières en «simplifiant les opérations transfrontalières comme les flux de capitaux et le recrutement», énonce la pétition européenne Eu Inc. «Ce changement permettrait aux entreprises de transcender les frontières géographiques sans effort, sans avoir à se frayer un chemin dans les subtilités réglementaires», relève Francesco Cerrutti pour qui ce point est particulièrement important. Le 28ème régime permettrait également d’attirer plus facilement les talents grâce à la création d’une forme de stock-options harmonisée et simplifiée à travers l’ensemble de l’Union Européenne. Une disposition qui fluidifierait grandement le partage de valeur et encouragerait l’attractivité des startups européennes pour les talents de la tech.

Tous les acteurs européens de la tech se sont associés pour défendre ce 28ème régime : investisseurs, fondateurs, lobbys… L’ensemble de ces propositions a été transmis aux députés et aux commissaires européens, auditionnés entre le 4 et le 12 novembre pour confirmer leur nomination. Ils auront ensuite encore quelques semaines pour définir leur feuille de route. La tech européenne joue donc un contre-la-montre. «Nous semblons être à un moment clé : d'une part les rapports Letta et Draghi accordent une place centrale à cette question, de l'autre la nomination d'Ekaterina Zaharieva en tant que commissaire aux startups. Les cinq prochaines années de législature européenne seront certainement fondamentales pour orienter dans un sens ou dans l’autre la compétitivité des entreprises innovantes de notre continent», analyse Francesco Cerruti. 

De grands noms se sont déjà associés à ce combat : les fondateurs d’Alan, Stripe, DeepL, les fonds d’investissement Atomico ou Sequoia, en signant la pétition EU Inc. «Les entrepreneurs et investisseurs européens sont unis dans leur appel pour un statut unique paneuropéen pour les startups. Cela va déverrouiller une nouvelle vague, d’investissement et d’innovation. C’est le temps de l’action», conclut l’entrepreneur et investisseur allemand Andreas Klinger à l’initiative de ce néo-mouvement.