Le développement de l’Intelligence Artificielle (IA) est surveillé de près par les fonds d’investissement. Loin de se résumer à un secteur d’investissement, l’IA infuse le monde du VC, devenant peu à peu pierre angulaire de la stratégie générale des fonds d’investissements. Pour mieux comprendre comment l’IA et la data sont appréhendées chez Ardian, Maddyness s’est entretenu avec Pauline Thomson, Director Infrastructure et Head of Data Science chez Ardian.

Chez Ardian, l’IA est aujourd’hui logée au sein de toutes les équipes d’investissements. « Nous avons une équipe transverse d’une dizaine de data scientists et data managers qui sont très impliqués et intégrés au sein des équipes d’investissement », partage Pauline Thomson. « Au départ, en 2018, cette équipe a été créée au sein des fonds infrastructures, mais depuis deux ans, elle a un mandat global et les data scientists travaillent avec tous les fonds », poursuit-elle. Aujourd’hui, ces data scientists interviennent à deux niveaux : au niveau des participations et au niveau de la société de gestion.

L’IA au service de l’excellence opérationnelle

Grâce à l’IA, Ardian créé des outils pour aider les sociétés de ses portefeuilles à améliorer leur excellence opérationnelle. « En général, l’amélioration de l’efficacité opérationnelle a des externalités positives en matière d’environnement. Quand une infrastructure est bien gérée et efficace opérationnellement, elle pollue moins », explique Pauline Thomson. En la matière, Ardian, s’intéresse en particulier à la décarbonisation.

La société a par exemple construit un modèle qui permet de calculer en temps réel les émissions carbone générées par un aéroport, afin de simuler des scénarios de réduction d’émissions carbone. La même chose a été faite pour les autoroutes, et un autre modèle a été pensé pour améliorer l’efficacité énergétique des tours télécom. Enfin, un outil a été développé pour récolter de la donnée permettant de vérifier en temps réel que les éoliennes et les panneaux solaires fonctionnent bien.

« L’objectif est de développer des outils qui vont être déployés à l’échelle sur l’ensemble du portefeuille », avance Pauline Thomson. « Développer des outils IA demande des capitaux importants. Nous sommes convaincus qu’au-delà de l’apport en capital, c’est la fonction d’un fonds de private equity : offrir notre force d’analyse et la mettre au service d’enjeux communs aux entreprises d’un même secteur », détaille-t-elle.

Des enjeux de compétitivité, de gouvernance et d’acculturation

Au niveau de la société de gestion, Ardian développe aussi des outils pour améliorer sa propre efficacité opérationnelle. « Nous avons évidemment tout un pan IA générative très important », partage Pauline Thomson. Dans la stratégie générale d’Ardian, l’IA va par exemple servir à optimiser la construction de portefeuilles, et à tester une multitude de scénarios pour trouver les plus adaptés à des profils rendement/ risque spécifiques.

Pour développer de nouveaux outils, Ardian a récemment organisé un hackathon en partenariat avec Artefact et Microsoft. « Nous avons la volonté de développer des projets qui ont vraiment du sens. Développer des outils IA, a un coût énergétique et financier non négligeable, il faut donc sélectionner les projets où l’IA apporte vraiment de la valeur ajoutée », insiste Pauline Thomson.

Dans ce souci, Ardian a développé son propre outil d’IA générative. « L’idée n’est pas de créer son propre LMM, cela demande trop de ressources à tous les niveaux », explique Pauline Thomson. Ardian a donc développé Gaia, un outil qui s’appuie sur Open Ai et Mistral, mais avec une infrastructure qui permet aux équipes de mettre des données confidentielles et de poser des questions confidentielles.

« Sur le non coté, plus que sur le coté, il y a un véritable enjeu d’accès à la donnée. Les données propriétaires vont devenir un enjeu de compétitivité de plus en plus critique. En ce sens, les fonds les plus importants, capables de collecter beaucoup de données, auront un avantage. Dans la même logique, le risque de fuite de données devient de plus en plus important », analyse Pauline Thomson, soulignant les enjeux majeurs de gouvernance autour de l’IA, de la collecte et de l’utilisation des données.

Pauline Thomson souligne également un important enjeu de compétitivité en matière d’efficacité opérationnelle. « Il y a un vrai sujet d’efficacité et de vitesse d’exécution. Il est clair qu’avec tous ces outils, si dans deux ans, tous les fonds se mettent à screener des data rooms en deux semaines et qu’un fonds continue à le faire en deux mois, il sortira du marché », prévient-elle. 

Ardian n’oublie pas que derrière toutes ses opportunités, l’utilisation de l’IA générative présente aussi des dangers, notamment les hallucinations et le manque de contextualisation.« Il y a un véritable enjeu d’acculturation et de conduite du changement. Il est clé de comprendre que l’IA générative assiste l’humain, mais qu’elle ne le remplace pas », ajoute Pauline Thomson. « Avec la révolution du langage naturel, il n’y a plus besoin d’être data scientist pour se servir de l’IA, c’est donc une interaction technologique avec l’ensemble des collaborateurs », explique-t-elle.