Le chemin des startups industrielles est semé d’embûches. L’installation d’une usine est un processus long, coûteux et extrêmement réglementé. Pour pouvoir réussir à s’installer, les retours d’expérience, comme ceux partagés aux Assises nationales des startups industrielles à Dijon le 11 septembre dernier, sont cruciaux. 

Florence Robin, présidente et cofondatrice de Limatech, a traversé ce parcours non sans quelques difficultés imprévisibles. Aujourd’hui, la jeune pousse qui fabrique des batteries au lithium à destination de l’aéronautique, détient une usine de 1200 mètres carrés et une première ligne de production certifiée pour l’industrie aéronautique, en Isère. Celle-ci représente un investissement de 10 millions d’euros. Mais plusieurs barrières ont dû être franchies durant ces quatre dernières années pour arriver jusqu’à l’inauguration. Florence Robin revient sur son parcours. 

Dans quelle région êtes-vous installés ?

Nous étions entre Grenoble et Toulouse. Pourquoi Toulouse ? Car c’est la vallée de l’aéronautique et cela nous paraissait cohérent avec notre activité. Grenoble, car nous sommes issus du CEA. Notre aventure a démarré à Grenoble et rapidement nous avons ouvert un bureau secondaire à Toulouse, avant d’obtenir un prêt d’honneur à condition d’y installer notre siège. On ne pouvait plus déménager de la région toulousaine sans l’avoir remboursé. Nous nous sommes donc installés à Toulouse. Seule la R&D est restée à Grenoble. Puis la crise Covid est arrivée. 

Nous n'arrivions plus à faire les allers-retours. Donc, il a fallu choisir entre les deux et on ne pouvait pas quitter Grenoble à 100%. Donc, nous avons à nouveau déménagé tout le monde à Grenoble. Et là, nous avons commencé à réfléchir à une usine. 

Pour trouver notre usine, la première étape a été de nous rapprocher de professionnels : la CBRE. Ils m’ont proposé les quelques bâtiments en cours de construction dans la région et les futurs projets immobiliers. J’ai visité plusieurs sites et j’avais trois choix possibles. 

Comment avez-vous sélectionné le site parmi ces propositions ?

J’ai fait le choix de l’emplacement le plus proche d’une gare ferroviaire, d’une entrée et d’une sortie d’autoroute. 

C’était un lieu particulier puisqu’en zone Seveso, c’est-à-dire, à proximité d’une usine dangereuse. Dans notre cas, une usine chimique. En cas de problèmes, il nous faut dans notre usine une zone complètement hermétique et autonome, dans laquelle nous pouvons nous réfugier avec un accès à l’eau, aux toilettes… 

Notre site était donc en cours de construction quand nous nous sommes positionnés. Nous l'avons modifié pour qu’il colle mieux à nos besoins. Là encore, nous avons été accompagnés par des partenaires spécialisés dans l’industrie.

Après une première mission avec notre premier partenaire, j’ai dû faire face à une facture bien plus importante que le devis initial. J’avais envoyé un mail stipulant un besoin en électricité qu’ils n’ont pas vu pour diverses raisons. L’information n’avait pas été prise en compte dans leur devis. J’ai été au pied du mur. Donc nous avons payé et nous avons changé de partenaire. 

Par la suite, j’ai associé le patron de la deuxième entreprise qui nous a accompagné. Il y avait de la confiance et j’ai pu lui déléguer à 100%. 

Il y a eu d’autres incidents au cours de votre installation ?

Un samedi matin, nous avons reçu un premier recommandé qui nous annonce que nous ne pouvons pas héberger d’activité industrielle dans ces locaux. Effectivement, il était noté dans le PLU (plan local d'urbanisme, ndlr) que c’était reservé à des activités d’artisanat. Donc nous nous sommes inscrits à la Chambre des Métiers et de l’Artisanat pour avoir la double casquette artisan-industrie. En nombre de salariés, nous sommes toujours des artisans. Finalement, en discutant avec le maire, ils ont modifié le PLU. 

Toutes ces péripéties montrent bien que l’importance du réseau. Le réseau m’a aidé à plusieurs reprises. 

Comment avez-vous monté la première ligne de production ? 

Nous avions déjà fait quelques plans au moment de choisir l’usine. Nous savions de combien de mètres carrés nous avions besoin par zone (zone de préparation, zone de contrôle, zone de magasin, etc.)… même si on devait s’adapter au site. On savait aussi comment agencer les zones. Avec ce bâtiment, nous n'étions pas loin de notre plan ! 

Comment on calcule les mètres carrés ? Avec un prévisionnel, une étude de marché qui nous dit “telle année, on va faire tant, l’année suivante, la production va augmenter de tant…” On se fixe un plan sur 5 ans avec une estimation de la place dont on a besoin. Par ailleurs, sur ce site, nous avions en tête qu’on pouvait s’agrandir encore. Cette possibilité d’agrandissement, nous l’avions dès le départ. 

Comment avez-vous financé l’installation de votre première usine ? 

Nous avons levé des fonds plusieurs fois. Dans l’industrie, les cycles sont plus longs et plus importants. Puis pour nous soutenir à nouveau, on nous demandait un carnet de commandes rempli mais comment remplir un carnet de commandes sans outil industriel ? Nous étions un peu dans un cercle vicieux. 

Nous avons eu une autre problématique également : la certification aéronautique. On ne peut certifier nos batteries si elles ne sont pas montées sur l’outil industriel final. C’est le serpent qui se mord la queue. 

Finalement nous avons réussi à réunir les financements et nous avons aussi bénéficié de l’argent public, de Bpifrance. Le fait d’avoir été lauréat de France 2030, nous a aidé à avancer grâce à des subventions et nous a permis d’emprunter, de faire des obligations convertibles… 

Nous avons réussi à monter notre usine et notre première ligne de production certifiée aéronautique !