« Madagascar est un pays fragile, où la croissance, l'investissement privé ou public, et l'emploi ne garantissent pas des conditions de vie décentes à la grande majorité de la population ». C’est le constat de l’association PPI -People Power Inclusion - qui opère dans le pays depuis plusieurs années. D’abord dans le domaine de la microfinance, pour permettre aux populations les moins aisées d’avoir accès à des produits et services financiers, comme le crédit et l’assurance. Puis l’association a élargi son champ d’action à d’autres vecteurs de développement économique.
« Aujourd’hui, une autre de ses missions est de favoriser l’accès à l’emploi, notamment à travers la création d’entreprise », précise Lou Vauvray, cheffe de projet chez PPI. Car la très grande majorité des travailleurs ne sont pas déclarés à Madagascar, ils sont souvent mal rémunérés, n’ont pas de protection sociale, et travaillent parfois dans des conditions très difficiles. En 2022, 69% des jeunes malgaches étaient des travailleurs non réguliers du secteur informel.
Pour répondre à cette problématique et aider l’écosystème local à se structurer, PPI a lancé le projet « Soutien à l'Ecosystème Entrepreneurial pour l'Emploi Décent » (SEEED) en 2023, en partenariat avec le Centre d’Excellence en Entrepreneuriat, association locale malgache. L’objectif : créer de l’emploi décent à travers la promotion de l’entrepreneuriat. Le projet, qui doit durer trois ans grâce à une enveloppe budgétaire de 2 millions d’euros (financé à 95% par des fonds européens), s’inscrit dans le cadre du programme d’appui à l’écosystème entrepreneurial, IncuBoost, de l’Union Européenne.
«Quand on ne trouve pas de poste en tant que salarié, on développe sa propre activité»
Dans un premier temps l’enjeu, notamment à travers une cartographie des structures qui proposent leur soutien aux entrepreneurs, est de mieux comprendre l’écosystème local, identifier les acteurs et les faire connaitre. En parallèle, une autre mission est de faire la promotion de l’entrepreneuriat sur place. « On parle beaucoup d’entrepreneuriat d’opportunité à Madagascar. Quand on ne trouve pas de poste en tant que salarié, on développe sa propre activité. L’idée est donc de changer cette image et de développer l’esprit entrepreneurial dans le pays pour qu’il devienne un choix assumé plutôt qu’un choix par dépit »
Et comment accompagner les porteurs de projet qui souhaitent se lancer, dans un pays où l’offre de services d’accompagnement est peu développée ? L’objectif du projet SEEED est de faire connaître les associations, entreprises, organisations non gouvernementales ou autres structures publiques, pour faciliter l’accès à leurs services. « Il y a tous types de structures et elles sont éparpillées sur le territoire, même si la capitale en concentre la majorité. Et elles peinent souvent à se structurer ou à trouver un modèle économique viable », précise Lou Vauvray, qui cherche également à créer des synergies avec d’autres acteurs de l’océan indien, du continent africain ou européen, qui rencontrent les mêmes problématiques. Au total 20 structures ont été sélectionnées. Elles sont les bénéficiaires directes du projet et profitent chacune d’un parcours personnalisé de plus de deux ans, élaboré par les équipes en fonction de leurs besoins spécifiques.
Des SAE qui peinent à assurer leur pérennité financière
La plupart accompagne des entrepreneurs dans l’agribusiness, bien que de nombreux secteurs soient représentés comme les NTIC, l’économie bleue, le tourisme, les énergies renouvelables ou encore l’industrie culturelle et créative. Mais souvent, elles manquent d’un modèle économique solide et peinent à assurer leur pérennité financière. « Il y a de gros enjeux autour de ça. L’idée est de les aider à développer une offre de services, mais aussi les relations avec les acteurs financiers et les investisseurs ou répondre à des appels à projets. », détaille Lou Vauvray. Sur place, cinq coachs accompagnent entre trois et cinq structures chacun.
Sandrine Emilia Soamazava, responsable du centre incubateur Efta Analamalotra créé en 2019, fait partie des 20 SAE accompagnées. « Nous travaillons avec des jeunes entrepreneurs dans le domaine de l’agribusiness, souligne la responsable. Ils portent des projets de fermes élevages, de fabrication de matériel, de transformation agroalimentaire ou encore de cosmétiques, à base d’épices ou d’huiles essentielles. »
Le problème, c’est que la SAE ne peut accompagner que 29 porteurs de projets cette année, faute de financement. « Nous sommes une structure publique, créée par le ministère de l’agriculture. Mais nous ne fonctionnons que grâce aux subventions. L’objectif, avec le projet SEEED, est de trouver des activités annexes, pour avoir d’autres sources de revenus », précise Sandrine Emilia Soamazava. Le centre a d’ores et déjà mis en place des formations payantes à destination des producteurs et envisage de créer des unités de transformation pour les fruits et les épices.
De son côté, le projet SEEED est amené à grandir et à faire des petits dans d’autres pays de l’océan indien. « Pour cela, on a besoin de soutien de la part de fondations d’entreprises, de services RSE ou d’acteurs financiers », précise Lou Vauvray, qui souhaite également travailler avec des entreprises françaises pour soutenir davantage l’essor de l’entrepreneuriat dans l’océan indien.