« Pour faire un vol sans escale et sans émission, l’hydrogène est la seule énergie possible. » Après avoir fait voler un avion solaire via le projet Solar Impulse, Bertrand Piccard s’est lancé un nouveau projet fou : faire le tour du monde avec un avion à hydrogène. Pour le faire voler, l’explorateur suisse s’est associé à l’ancien navigateur Raphaël Dinelli. Ensemble, ils ont imaginé deux grands réservoirs d’hydrogène vert liquide, pour maintenir l’énergie à -253 degrés. « Un gros défi », concède Bertrand Piccard, qui a nommé ce nouveau projet Climate Impulse. L’autre contrainte avec cette énergie est qu’elle est très volumineuse et volatile. « Même si nos réservoirs sont étanches, l’hydrogène va toujours s’évaporer un peu. Nous récupérons donc cette énergie pour la faire passer dans une pile à combustion et ainsi produire de l’électricité à bord », souligne Bertrand Piccard, qui a déjà été soutenu par Airbus ou Daher aviation pour lancer la construction de cet avion. Les premiers vols tests sont, quant à eux, prévus pour 2026.

« L’industrie de l’hydrogène est balbutiante »

L’objectif de ce prototype, qui prévoit de partir 9 jours dans les airs, est de « prouver que faire voler un avion sans émission est possible. » « L’industrie de l’hydrogène est balbutiante car il y a très peu de demandes et très peu d'offres. Il y a énormément à faire avant d’arriver à une masse critique pour permettre au prix de cette énergie de chuter », estime Bertrand Piccard.

Un constat partagé par David Pomonti, responsable des éco-technologies chez Bpifrance. « Aujourd’hui, l’enjeu est de fabriquer cette énergie propre. Car contrairement aux énergies fossiles, on ne la trouve pas comme ça. » Pour cela, l’industrie a besoin de capacité de production mais doit aussi répondre à plusieurs enjeux. « Le coût de l’hydrogène est élevé du fait des faibles quantités produites mais également de l’énergie utilisée pour le produire. Pour le liquéfier, il faut abaisser la température à -253 degrés et utiliser des techniques de cryogénie, très énergivores. » La filière accuse également plusieurs retards, du fait de contraintes techniques et économiques.

« Il y a une énorme attente de fonds publics pour donner un coup de fouet à la filière, car pour le moment, les clients ne sont pas forcément prêts à débourser trois ou quatre fois plus pour une énergie propre », détaille l’expert. Pour David Pomonti, il faut également une réglementation forte pour inciter les acteurs de l’aviation à abandonner le kérosène ou, au moins, à diminuer leur consommation.

« Nous prendrons forcément moins l’avion »

Selon lui, l’hydrogène liquide est en effet une des voies privilégiées. Voire la seule solution pour faire voler des avions sans émission, car ces derniers ne peuvent pas transporter des batteries électriques sur de longues distances, du fait de leur poids. Mais les étapes à franchir sont encore longues. « L’énergie fossile est finalement très peu chère. Il va falloir mettre la main au porte monnaie pour s’en passer. Mais aussi faire évoluer nos habitudes et nos pratiques. Nous prendrons forcément moins l’avion. » Et avant d’envisager de survoler l’Atlantique grâce à l’hydrogène, « l’enjeu prioritaire est la sécurité, poursuit David Pomonti. Si on parle de transport aérien, il faut avant tout qu’il n’y ait pas de fuite dans les réservoirs ou une pile à combustible qui tombe en panne. Il faut une technologie extrêmement fiable. » Les tests devraient donc être nombreux avant d’embarquer les premiers passagers à bord des avions du futur.