Même si elle ne représente encore que 3 % du marché mondial, les chiffres de la seconde main, en croissance constante, ont de quoi donner le vertige. Le marché du textile d’occasion est estimé à 200 milliards d’euros tandis que celui de la téléphonie avoisine les 7 milliards d’euros. « 20 % des consommateurs européens ont revendu un smartphone soit en boutique ou via une plateforme » introduit Jean-Marc Liduena, directeur général chez Circle Strategy dont les services estiment entre 50 et 150 milliards d’euros le marché de la seconde main hors textile et hightech.

Autant de chiffres qui font de la seconde main un écosystème attractif avec un potentiel considérable. « Le secteur compte des startups devenues scale-up mais il faut voir plus loin. Vinted, fondée en 2008, affiche 600 millions d’euros de chiffre d’affaires mais n’a atteint le cap de la rentabilité qu’en 2023. » Jean-Marc Liduena rappelle également que Leboncoin a vu le jour en 2006 suivi par Backmarket en 2014 et ont su, avec le temps, se faire une place. « A côté des success stories, il faut mentionner les crashs comme Barooders, Rediv ou Beebs, tous en liquidation judiciaire. »

Des défis pour les startups

Pour contrebalancer de faibles commissions et atteindre la rentabilité, les startups du secteur doivent faire du volume, un objectif qui implique un coût élevé d’acquisition des utilisateurs. « Dans ce business a faible marge, les prix de la publicité en hausse et la multiplicité des canaux de diffusion complexifient le marché autant que la multiplication de la concurrence. » En parallèle, les jeunes acteurs du secteur peinent de plus en plus à convaincre les investisseurs tant en private equity qu’en venture capital notamment à cause de la hausse des taux d’intérêt. « Toutes startups confondues, on enregistre 60 % de défaillances en plus au premier trimestre 2024 par rapport à 2023. »

Toutefois, le conseiller en stratégie reste optimiste. « La conjoncture est passagère. Il reste des fonds à investir et les taux vont baisser. Nous allons retrouver du fundraising mais est-ce que la seconde main est le meilleur secteur ? Est-il porteur ? » interroge-t-il.

Des facilités pour les groupes

En face des startups, les grands groupes s’imposent de plus en plus, profitant d’une connaissance et d’un accès clients tout autant que des volumes. « Contrairement à la startup qui n’a pas de chaine logistique, les groupes disposent de la technologie nécessaire et peuvent rapidement mettre en place la plateforme, la supply chain et s’appuyer sur leurs magasins. » Jean-Marc Liduena met également en avant l’atout qualitatif dont peuvent se prévaloir les groupes. « La seconde main permet de tester une marque pour en devenir ensuite un client régulier dans le neuf. » Toutefois, ces points forts s’accompagnent d’un revers de médaille. En effet les groupes peuvent perdre le contrôle de leur marque, des prix associés et de l’image qu’ils souhaitent véhiculer. « Certaines sont bradées quand d’autres, dans le luxe, se vendent à un prix trop élevé. »

En s’appuyant sur l’exemple d’un secteur de la seconde main qui a fait ses preuves, celui du véhicule d’occasion le directeur général imagine des opportunités à la seconde main. En effet, le marché de la voiture d’occasion est estimé à près de 1 500 milliards d’euros contre 2 000 milliards pour le neuf. « Il faut étendre au-delà de l’habillement en développant d’autres verticales comme le hightech, le jouet mais aussi s’adresser à d’autres marchés comme les séniors. Je crois aussi qu’il y a des choses à explorer avec l’IA. »