L’IA apporte-t-elle toujours plus d’efficacité ? Est-elle vraiment généralisable dans certains secteurs ? Cette passionnante question, appliquée à l’industrie agro-alimentaire, sera au cœur de l’un des trois débats phares de la 60ème édition du SIAL, un rendez-vous annuel consacré à l’innovation alimentaire qui se tiendra à Paris du 19 au 23 octobre. 

L’essor de l’IA dans la filière agroalimentaire

“Le visage d’une filière agro-alimentaire toujours plus connectée se dessine chaque jour, du champ à l’assiette”, explique Audrey Ashworth, directrice du SIAL Paris. C’est une “subtile association entre tradition et innovation”, dans laquelle l’intelligence artificielle joue un rôle de poids.

Comme le rappelle Ben Costantini, CEO de Sesamers, partenaire principal de SIAL Startups et modérateur de la table-ronde du SIAL à venir sur les “recettes de l’innovation des laboratoires au marché”, l’utilisation de l’IA a “pris son envol ces dernières années.”

“En 2015, IBM a lancé Watson for Food, une application qui a montré comment l’IA pouvait être utilisée pour réinventer la cuisine en s’appuyant sur des données pour créer des recettes innovantes”, se souvient-il. Quelques années plus tard, dès 2018-2019, l’adoption s’est accélérée : “Une première cartographie de la FoodTech par Bpifrance a mis en lumière le potentiel de ces technologies.”

Avec l’essor de l’IA générative, c’est encore une “nouvelle ère” qui s’ouvre. Celle de la personnalisation des produits, de l’optimisation des processus et de l’innovation placés au cœur des stratégies des entreprises de l’agroalimentaire.

Quels avantages à utiliser l’IA pour l’industrie ?

“Il y a trois avantages majeurs à l’IA dans l’agro-alimentaire, précise Alizée Blanchin, directrice associée chez Hello Tomorrow, un réseau dédié à l’innovation scientifique et la deep tech. Le premier, c’est de gagner du temps : ce que l’on faisait avant en plusieurs années ne demande plus que quelques mois. L’IA permet aussi de faire des choses qu’on ne savait pas faire jusqu’à présent, parce qu’humainement, nous n’avions pas la capacité d’analyser de si grandes quantités de données.” Cela se traduit par des résultats concrets et directs, comme l’optimisation des rendements des exploitations agricoles.

“Enfin, poursuit l’experte, nous sommes passés dans beaucoup de champs, comme celui de la maintenance industrielle ou de la toxicologie, de la réaction à l’anticipation. On sait aujourd’hui repérer les maladies sur les légumes avant qu’elles ne surviennent, ou alerter sur un problème de machine qui se traduira sûrement bientôt par une panne plus grave.”

Ben Costantini souligne également le rôle de l’intelligence artificielle dans divers secteurs. “Des startups comme Active Label utilisent l’IA pour surveiller la température des produits sensibles dans l’alimentaire, la pharmacie et l’électronique, garantissant un stockage optimal et réduisant le gaspillage,” explique-t-il. Active Label a d’ailleurs remporté un SIAL Innovation Award 2024 pour sa solution brevetée.

L’IA, un objet d’innovation à prendre avec des pincettes

Si les avantages sont nombreux, l’IA ne fait cependant pas toujours l’unanimité. Déjà, parce qu’elle n’est pas encore accessible pour beaucoup d’acteurs… “On commence à peine à avoir des retours sur investissement intéressants, souligne Alizée Blanchin. Mais investir dans le développement d’algorithmes reste très cher.”

“Il y a aussi une question de fiabilité des algorithmes qui se pose, ajoute-t-elle. Il y a des tâches faciles, comme le repérage d’une future panne sur une machine qui rencontre souvent le même problème. Quand on commence à vouloir recréer des protéines, et simuler les réactions du microbiome, l’objet devient bien plus complexe.”

La fiabilité et la prédictibilité des modèles est encore dans une phase d'amélioration nécessaire. 

A ceci, s’ajoutent d’autres soucis, comme celui de l’énergie et de la capacité de stockage demandées par les IA, la résistance au changement de certains acteurs de la chaîne de production, des questions éthiques même si “les pouvoirs publics commencent à se saisir de ces enjeux”.

Un déficit de compétences en Europe ?

Pour Ben Costantini, il faut aussi noter “un déficit de compétences dans l’industrie alimentaire qui peut freiner l’innovation et l’adoption à grande échelle. De nombreuses entreprises peinent à trouver des experts capables de mettre en œuvre ces technologies. Pour combler ce fossé, des initiatives émergent, comme les programmes de formation et de recherche de l'INRAE et AgroParisTech qui visent à développer des compétences en IA appliquées à l'agroalimentaire. Par ailleurs, des initiatives comme le SIAL Summit DeepTech et IA ou le hackathon organisé pendant le Salon de l’Agriculture avec Mistral AI et la Ferme Digitale, se multiplient, permettant de former des talents et de stimuler l'innovation.”

Alizée Blanchin conclut en précisant que pour elle, le problème est aussi celui d’une “convergence des expertises”. “Le plus difficile, c’est de faire coïncider les talents de la recherche agro-alimentaire et ceux de la tech, de trouver des profils maîtrisant suffisamment les deux facettes du problème.”

Ce sujet vous intéresse ? Venez assister à la table-ronde sur le sujet lors du Summit IA & DeepTech le 21 octobre prochain. Inscriptions via ce lien. A noter que vous devrez aussi être en possession d'un badge SIAL Paris.