La clause de liquidation préférentielle, qui vient des pratiques américaines, est arrivée en France, en même temps que le venture, dans les années 2000. Logée dans le pacte d’associés, elle vise à protéger les investisseurs financiers, en particulier si la sortie ne se passe pas bien, en leur permettant d'être prioritaires sur la perception des produits de la vente. « À l'origine, c'est une clause défensive : si la startup est liquidée ou cédée à une valorisation inférieure à la dernière levée de fonds, les investisseurs financiers vont capter en priorité tout produit cession jusqu’au remboursement de leur investissement », commente Paul Jourdan-Nayrac, associé chez Gide Loyrette Nouel.
Entrepreneurs, investisseur et avocats s’accordent sur un point : la clause de liquidation préférentielle est l’une des clauses juridiques les plus importantes dans un pacte d’associé. Dans un contexte économique et financier différent, elle pourrait être remise en cause, mais dans le contexte actuel, elle semble être devenue un véritable standard de marché. « Il y a trois ans, les entrepreneurs avaient un plus gros pouvoir de négociation et c'était plus simple pour eux de la refuser », commente Corentin Orsini, co-fondateur de Super Capital.
La liquidation préférentielle simple, une clause juste ?
La clause la plus classique de liquidation préférentielle, est la clause dite de “1X non participating” : les investisseurs sont prioritaires, mais ne captent pas plus que ce qu’ils ont investi. Si la vente se fait à une valorisation plus importante que la valorisation d'entrée, alors le mécanisme ne s'applique pas, et le produit de cession est réparti au prorata du capital social entre les actionnaires de la startup. « C’est la clause la plus classique », avance Paul Jourdan-Nayrac. « C'est une pratique standard. On demande toujours à ce qu'il y ait une liquidation préférentielle simple », confirme Corentin Orsini.
Pour l’investisseur, cette clause est juste.« Il faut bien comprendre la logique du capital risque. En tant qu’investisseur early-stage, nous surpayons les startups à l’entrée. On croit beaucoup à leur potentiel de développement, mais en réalité, au moment où nous investissons, les startups ne valent pas grand-chose. Si les investisseurs acceptent de surpayer à l'entrée, en cas de sortie décevante, il me paraît normal que les entrepreneurs acceptent de surpayer les investisseurs à la sortie », analyse Corentin Orsini.
« En tant que conseil à la fois d'entrepreneurs, mais également de fonds d'investissement, je trouve que le “1X not participating” permet de rétablir un certain équilibre entre les parties. Les fonds prennent un vrai risque en investissant sur des valorisations qui sont en réalité des projections futures », abonde Paul Jourdan-Nayrac. « En early stage, je conseille aux entrepreneurs d’accepter la clause classique. Pour les autres clauses, il faut les négocier en fonction de la situation de la société », conseille Paul Jourdan-Nayrac faisant référence aux clauses dites “participating” ou “2X” voir “3X”. « En revanche, ce type de clause n’a plus vraiment lieu d’être quand les sociétés sont profitables ou proches de l’être, car le niveau de risque diminue largement pour l’investisseur », modère-t-il.
Le carve out, un système qui protège un minimum les entrepreneurs
Mais aujourd’hui, certaines des plus belles scale-ups française se retrouvent avec des murs de préférence de plusieurs centaines de millions d’euros. En effet, les clauses de liquidations préférentielles s’empilent au fil des tours de table. « Pour se dérisquer en partie, il est courant que les fondateurs fassent un peu de cash-out au cours de la vie de la société, au moment de grosses levées de fonds. De manière générale, les fondateurs n’ont pas intérêt à « survaloriser » leur société ou aller chercher une valorisation trop haute auprès des nouveaux investisseurs, car le moment venu, lors de l’exit, pour toucher le moindre euro, il faudra d’abord rembourser les montants investis par les investisseurs et donc vendre à une valorisation nécessairement élevée », conseille Paul Jourdan-Nayrac.
Si la sortie se passe dans des conditions correctes, les fondateurs pourront toujours récupérer une partie du produit de cession grâce au mécanisme du “carve out”, qui permet de distribuer un certain pourcentage du produit de cession à tous les actionnaires. « En général, c’est entre 10 et 20% du prix de cession qui est réparti entre tous les actionnaires au pro-rata de la détention capitalistique », confirme Corentin Orsini, qui précise que cette pratique est également standardisée.