Portfolio par Maddyness avec la Ligue nationale de rugby
19 septembre 2024
19 septembre 2024
Temps de lecture : 8 minutes
8 min
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Le Stade Français et le Stade Toulousain, modèles de construction d’une forte marque business dans le rugby français

Clubs historiques du rugby français, le Stade Français et le Stade Toulousain ont réussi à construire une image de marque forte, bien au-delà de l'aspect sportif. Entre tradition et modernité, ces deux poids lourds du TOP 14 ont eu recours à des méthodes différentes, mais tout aussi efficaces, pour tirer leur épingle du jeu.
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Quand le Stade Français et le Stade Toulousain se rencontrent en TOP 14, ce sont deux équipes iconiques du rugby français qui croisent le fer. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien qu’on parle de «Classico».

Si la rivalité sportive entre les deux clubs est revenue au premier plan la saison dernière, le Stade Français et le Stade Toulousain se sont aussi distingués durant ces dernières décennies en étant capables de développer de fortes marques business autour de leur club respectif, qui fédèrent bien au-delà du ballon ovale. Mais les deux clubs ont choisi des chemins très différents pour y parvenir…

«Jeu de mains, jeu de Toulousains»

Ainsi, le Stade Toulousain, club qui fait notamment rêver les plus puristes du rugby, a su capitaliser sur le succès sportif de son équipe pour devenir une locomotive commerciale tout aussi puissante. Et ses récents résultats, à commencer par son 6e sacre record en Champions Cup en mai, à l’issue d’un match à couper le souffle contre le Leinster, et son 23e Bouclier de Brennus (record également) en juin, face à l’Union Bordeaux-Bègles, sont des leviers supplémentaires pour renforcer la marque toulousaine. Mais l’identité toulousaine qui anime aujourd’hui sa force commerciale remonte en réalité aux origines du club quand celui-ci a vu le jour en 1907.

En effet, le créateur du Stade Toulousain a planté des bases qui constituent encore le socle du club d’un siècle plus tard. «Le fondateur, Ernest Wallon, a donné l’impulsion à ce qu’est le Stade Toulousain aujourd’hui. Il a fait en sorte que ce club ait une indépendance capitalistique et financière. Le beau jeu et l’élégance ont aussi été tout de suite ancrés dans l’ADN du club. Et au fil des décennies, cela s’est transmis de génération en génération», explique Vincent Bonnet, directeur marketing et communication du Stade Toulousain. Cet attrait du club pour le beau jeu s’est matérialisé dans les années 1980 avec l’adage «Jeu de mains, jeu de Toulousains», qui porte toujours aussi bien son nom quelques décennies plus tard.

«La marque, c’est l’économie et la communauté qu’on rassemble pour mieux vivre»

Mais avec la phase de professionnalisation du rugby dans les années 2010 et 2020, il a fallu se réinventer pour que la marque business prenne une nouvelle dimension. «Le jeu change, la consommation du rugby change également. Nous devons vivre avec notre temps. Et dans ce cadre, il n’y a pas de starification des joueurs, mais une mise en avant constante de l’équipe», indique Vincent Bonnet. Avant d’ajouter : «La marque, c’est l’économie et la communauté qu’on rassemble pour mieux vivre. Autrement dit, le club est l’outil de production et la marque vient se greffer pour lui donner les bonnes conditions de performer. La marque est là pour atténuer les aléas des performances sportives, mais nous sommes condamnés à gagner pour vivre.»

Grosse écurie du rugby français, le Stade Toulousain a une allure digne d’un «Real Madrid» dans le football, mais le côté bling-bling en moins. Cependant, gagner ne suffit pas toujours pour ratisser un public le plus large possible. Le Stade Toulousain a donc tenté quelques paris pour capter de nouvelles catégories de supporters. «L’une de nos idées pour aller chercher des sphères différentes de personnes a été de rendre hommage à nos ambassadeurs», relève Vincent Bonnet. Ainsi, le club de la «ville rose» a notamment élaboré un maillot spécial pour la saison 2021-2021 de Champions Cup en collaboration avec l’ESA et l’astronaute Thomas Pesquet. «Les planètes se sont alignées !», lance avec le sourire le responsable de la communication du Stade Toulousain. «Avec des initiatives de ce type, nous allons chercher des gens passionnés par le spatial et l’aéronautique», complète-t-il.

Une série documentaire pour être au cœur des coulisses

Le Stade Toulousain s’est aussi tourné vers les médias digitaux pour créer une connexion encore plus particulière avec ses fans. «Un des combats que j’ai menés, c’est de créer de l’intime», souligne Vincent Bonnet. L’un des meilleurs exemples de cette volonté de plonger davantage les amateurs de rugby dans les coulisses du club est sûrement la série «Le Stade», diffusée sur Paramount+.

Dans cette série documentaire, les téléspectateurs se retrouvent au cœur des doutes, des joies et des épopées du Stade Toulousain. «Cela nous a permis de rayonner encore plus en France, mais aussi à l’international, notamment en Angleterre et au Japon. C’est une bonne porte d’entrée vers l’international, surtout dans les pays anglo-saxons», observe le directeur du marketing et de la communication. Une approche complétée par d’autres formats immersifs, comme le mini-documentaire sur le retour de Romain Ntamack diffusé sur YouTube. Autant d’initiatives qui visent à déclencher des émotions, voire des frissons, auprès de ceux qui consomment de tels contenus.

Le Stade Français et Max Guazzini, champions de l’entertainment

Pendant que les puristes du rugby se sont souvent tournés vers le Stade Toulousain, le Stade Français a voulu conquérir un nouveau type de public sous l’impulsion de Max Guazzini. Et ce dernier est parti de loin… En effet, lorsqu’il reprend le club parisien en 1992, celui-ci n’est que l’ombre de lui-même. Max Guazzini entreprend alors de le restructurer pour le remettre sur pied, avant de mettre à exécution son véritable projet. Et comme il est l’un des fondateurs de la radio NRJ, il a quelques idées pour faire parler du Stade Français sur la scène nationale.

Ainsi, Max Guazzini commence par ouvrir gratuitement les portes de Jean-Bouin pour attirer un nouveau public. «Moi, je préfère avoir 7 000 personnes heureuses dans notre stade que 200 qui rapportent une poignée de francs», dira-t-il alors à ses détracteurs. Et après ce tour de force qui détonne dans le monde du rugby français, il passe à la vitesse supérieure dans les années 2000 en lançant le calendrier des dieux du Stade, qui fera sensation, puis surtout en organisant des matches grandioses au Stade de France, avec des shows à l’américaine, des pom-pom girls ou encore le ballon du match amené par les airs. «Max Guazzini au niveau de l’entertainment, c’était un pari fait dans une construction d’une image décalée pour se différencier des autres», salue Thomas Lombard, directeur général du Stade Français et vice-président de la Ligue nationale de rugby.

«Max Guazzini a changé les codes du rugby»

Cet esprit visionnaire pour faire tomber les barrières stéréotypées du rugby a permis de faire entrer le Stade Français dans une nouvelle dimension, aussi bien au niveau sportif que médiatique. «Il ne faut pas oublier que le Stade Français a été la première équipe à utiliser le rose dans le rugby. Mêler le côté guerrier et indestructible avec le rose, c’était original. Un mélange de virilité avec une forme de féminité, c’était une idée remarquable et redoutable», observe l’ancien joueur du Stade Français et du Racing 92. Avant d’ajouter : «Max Guazzini a changé les codes du rugby et sa perception. Il a laissé une empreinte sur le club et le rugby. Il a suscité l’intérêt de gens qui n’en avaient pas pour pour le rugby. Plus qu’un héritage, c’est un capital qu’il faut exploiter.»

Dans cette optique, le Stade Français a fait de Jean-Bouin un lieu de vie à part entière, pendant les matches mais pas seulement. Non seulement l’antre du club parisien concilie sport et fête, avant, pendant et après les matches, notamment avec la «Bodega» qui permet de prolonger le plaisir après le coup de sifflet final, mais il s’agit également d’un poumon économique puisque le stade accueille la plateforme d'innovation sportive «Le Tremplin» et son incubateur de startups.

«Nous arrivons à traverser les moments forts et faibles de la même manière»

Avec cette dynamique enclenchée par Max Guazzini, le Stade Français se projette ainsi vers l’avenir avec sérénité, grâce à une marque business plus forte que jamais. «Après Max Guazzini, on paie moins les pots cassés, car on a tenté beaucoup de choses. Il y a des maillots qui ont marché et d’autres non, mais personne ne se souvient des échecs grâce à cette audace. Ça nous donne une obligation mais aussi une grande liberté», se réjouit Thomas Lombard.

Engagé dans la course au titre la saison passée, le Stade Français a néanmoins réussi le tour de force de se forger une identité commerciale qui dépasse le sport. «Nous arrivons à traverser les moments forts et faibles de la même manière», relève d’ailleurs le directeur général du club parisien. Avant d’ajouter : «Le Stade Français doit son retour au premier plan à trois hommes : Max Guazzini, Thomas Savard et Hans-Peter Wild.»

Piliers du championnat de France, le Stade Français et le Stade Toulousain ont, chacun à leur manière, prouvé qu’il était possible de développer des marques business très fortes au-delà du terrain. Ce dernier n'en demeure pas moins un atout indispensable pour sublimer la rivalité entre les deux clubs.

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Le Stade Français et le Stade Toulousain à la lutte lors d'un duel au stade Jean-Bouin, à Paris. Crédit : Ligue Nationale de Rugby.