Un one-man show, un seul en scène ou bien simplement une masterclass ? Difficile de décrire ce qu’a proposé Xavier Niel ce mercredi 18 septembre au soir à l’Olympia, la salle parisienne mythique entre Madeleine et Opéra. Une chose est sûre cependant : jamais un grand patron français n’avait réalisé une telle prestation dans une salle de spectacles.
Ce show, réalisé à l’occasion de la sortie dans quelques jours de son livre «Une sacrée envie de foutre le bordel», avait tout de l’exercice «casse-gueule», mais le fondateur d’Iliad s’en est bien sorti en proposant une prestation originale et efficace devant une audience conquise et de nombreux invités, à l’image de l’entrepreneur Jacques-Antoine Granjon (Veepee) et du banquier d’affaires Matthieu Pigasse.
Après avoir effectué une entrée digne d’une rock-star, en traversant la fosse de l’Olympia, Xavier Niel n’a pas tardé à donner le ton de son show. «Être milliardaire inspire deux choses : des insultes et des fantasmes», a-t-il déclaré, avant de lire des tweets haineux avec de la musique en toile de fond. Rires garantis ! Car le «Père fondateur» de la French Tech a le sens de la formule et de l’ironie : «Il y a des gens qui pensent que mange du caviar le matin, que j’ai élire Macron, que je suis un reptilien… Eh bien vous savez quoi ? Ils ont raison !»
«Je suis le plus grand loser de la Terre !»
Cette entrée en matière qui lui a permis d’introduire le sujet d’une soirée qui devait permettre de savoir «Comment devenir milliardaire» dans une salle à guichets fermés. «Pour devenir milliardaire, il y a deux options pour devenir milliardaire : avoir des parents milliardaires ou devenir entrepreneur, et ça je sais le faire. Bienvenue dans cette formation pour devenir milliardaire en une heure ! Mais plutôt que de vous le dire, je vais vous montrer», a lancé le créateur de Free.
S’en est suivie la projection d’un extrait du 20h de TF1 évoquant l’affaire de proxénétisme qui lui avait valu un séjour derrière les barreaux. Idéal pour donner son premier conseil de la soirée : «Pour devenir milliardaire, allez en prison !» Xavier Niel est alors revenu sur cette affaire qui l’avait conduit à être incarcéré à la prison de la Santé, à Paris. Une période compliquée mais qui a joué un rôle majeur dans son parcours, notamment en raison du juge Renaud Van Ruymbeke qui lui a donné le conseil suivant : «Mordez la ligne jaune mais ne la dépassez jamais.» Une recommandation appliquée à la lettre par Xavier Niel pour dynamiter le marché des télécoms avec Free. «Ce conseil a changé ma vie», a-t-il reconnu, pas rancunier envers ce magistrat qui est décédé il y a quelques mois.
Si ce conseil a marqué le fondateur d’Iliad, Kima Ventures ou encore Station F, c’est parce qu’il l’a poussé à tenter de nouvelles choses en permanence. «Si vous n’essayez pas, vous ne réussirez pas grand chose. Je suis le plus grand loser de la Terre !», a-t-il lancé sur la scène de l’Olympia. Le célèbre entrepreneur français a notamment cité sa tentative d’acquisition de la sixième fréquence de la TNT pour remplacer M6 ou encore son rachat raté du groupe Casino parmi ses échecs les plus cinglants. «Je passe mon temps à me planter, c’est pour ça que je ne m’en sors pas trop mal», a estimé Xavier Niel.
«C’est la diversité qui crée le succès»
Après ce premier acte intense, le fantasque homme d’affaires de 57 ans a surpris son auditoire en apparaissant dans une vidéo tournée avec la vidéaste Léna Situations où cette dernière l’aide à choisir la bonne tenue pour revenir sur scène, débouchant sur la séquence : «Faites confiance à Léna Situations.» Celle-ci a permis à Xavier Niel d’insister sur la nécessité de bien s’entourer pour créer un projet et le transformer en succès. «On ne peut pas réussir seul. C’est la diversité qui crée le succès», a-t-il lancé. Ce fut également l’occasion pour l’entrepreneur français de mettre en avant 42, cette école atypique où le cursus scolaire n’a aucune importance. «Il n’y a pas de prof dans cette école, on apprend à échanger avec les autres. Quand on fait confiance aux gens, ça marche», a assuré Xavier Niel.
Au-delà de la diversité d’une équipe, le patron français estime qu’il n’est pas nécessaire d’avoir beaucoup de personnes pour créer des produits et services révolutionnaires. «Huit personnes, c’est la taille idéale d’une équipe. C’est comme ça que la créativité s’exprime le mieux», a-t-il indiqué, avant de relever qu’Apple s’est appuyée sur une équipe d’une dizaine de personnes pour créer l’iPhone. «Chez Free, on crée de toutes petites équipes pour créer de nouveaux produits», a ajouté le fondateur d’Iliad. Ne perdant pas son sens de l’humour, Xavier Niel s’est ensuite mis en scène dans une vidéo Brut tournée dans les Catacombes, l’une des grandes passions de l’homme d’affaires. L’occasion de faire un trait d’humour lorsque son «ami satanique» des souterrains parisiens interroge sa table de Ouija pour savoir qui est le meilleur entrepreneur de France. «Je crois qu’elle déconne, elle dit que c’est Oussama Ammar», lance ce dernier. Rires assurés dans l’assemblée !
«Elon Musk est complètement fou mais…»
La séquence dans les Catacombes a permis de faire une transition toute trouvée pour le troisième acte : «Pour devenir milliardaire, il faut pactiser avec le diable.» Une affirmation évidemment mensongère pour déconstruire les fantasmes à son égard. Xavier Niel a alors évoqué son passé de pirate informatique, notamment lorsqu’il a été amené à pirater le téléphone de François Mitterrand. Un épisode qui met en valeur le grain de folie qu’il faut parfois avoir au cours de sa vie. «Elon Musk est complètement fou mais sa boîte vaut 50 fois plus que n’importe quel constructeur automobile. Il n’utilise pas les mêmes règles que tout le monde», a relevé le fondateur de Free.
Ce dernier n’était pas en reste et a profité de cette séquence pour aller chercher plusieurs pizzas aux portes de la salle avant de les distribuer dans le public. «C’est toujours meilleur quand c’est gratuit», a-t-il déclaré avec humour. Impossible cependant d’offrir des pizzas à toute la salle. Xavier Niel a finalement décidé de transformer tous les billets pour son show en bons de réduction de 20 euros… à dépenser chez Free évidemment. Il a vraiment tout compris…
«Je suis le mec le plus optimiste du monde !»
Cette mise en avant de l’opérateur lui a permis avec la séquence : «Respectez vos concurrents.» Une manière ironique de dénoncer l’attitude d’Orange, SFR et Bouygues Telecom quand Xavier Niel a fait part de son envie de casser les prix sur le marché de la téléphonie. «Ils disaient : tout sauf Free ! En français, ça veut dire Welcome !», a-t-il lancé avec un grand sourire. Cependant, cette période où il a mis Free sur orbite n’a pas été sans risque sur sa santé et son état d’esprit. «A force de menaces, j’étais devenu complètement parano !», a confié l’entrepreneur. Mais ce dernier ne regrette pas un seul instant d’avoir lancé Free avec des prix cassés. «On vous a rendu des milliards d’euros de pouvoir d’achat», s’est-il félicité. Avant d’ajouter : «Moi vivant, je n’augmenterai jamais notre forfait à 2 euros.»
Ce passage a permis à Xavier Niel d’enchaîner sur le dernier acte de son show : «Believe (croire en vos rêves).» L’occasion d’afficher son éternel optimisme : «Je pense toujours que demain sera meilleure qu’hier. Je suis le mec le plus optimiste du monde !» Dans ce cadre, il a rendu hommage à Roxanne Varza, qui a porté avec lui le projet de Station F, incubateur XXL qui peut héberger un millier de startups. Avant de renchérir : «J’adore la France, c’est un pays incroyable. Mais il y a deux problèmes : les gens qui entreprennent sont des mecs blancs qui sortent d’écoles de commerce, et on a besoin de femmes et de diversité. J’ai envie que la France des entrepreneurs ressemble à la France de Créteil quand j’étais enfant, à celle des gens du métro.» Pour remédier à cette situation, alors qu’il estime que l’ascenseur social «ne fonctionne pas», il pense que la meilleure solution est de «créer soi-même un projet pour le débloquer».
Après cette masterclass en mode stand-up d’une heure, il était temps de conclure. «On ne devient pas milliardaire avec une formation d’une heure. Pourtant, c’est ce qu’on tente de vous faire croire sur Instagram ou TikTok», a-t-il lancé. Avant d’ajouter : «Ce sont juste des petits conseils simples. Il suffit d’une idée et de se lancer. Et là, c’est parti…» Xavier Niel a alors quitté la scène pour laisser place à Nâdiya, qui a enflammé l’Olympia avec son titre «Et c’est parti…» Scène complètement improbable ! Une fois de plus, Xavier Niel aura réussi à nous surprendre. Et c’était probablement la meilleure publicité possible pour son livre «Une sacrée envie de foutre le bordel» (avec une couverture orange pour tacler l’opérateur historique), qui sera publié le 25 septembre prochain. Avec ce livre et ce show, Xavier Niel espère qu’il aura surtout donner à certains une sacrée envie d’entreprendre.