Ces changements esquissent les contours d'un nouveau modèle de management, centré sur l’humain, la performance collective, la motivation, et l'innovation…des méthodologies que les légendes du coaching sportif maîtrisent depuis des décennies. Comment interpréter leur philosophie et les implémenter en entreprise ?
Créer une forte relation entraîneur - joueur : l’approche de Pep Guardiola et Jürgen Klopp
Pep Guardiola, l'illustre entraîneur de football des Citizens, insiste sur l'importance de créer un esprit d'équipe avant toute chose. L’issue d’un match ne serait qu'une conséquence de la cohésion et de l'émotion collective. « Le résultat est une notion abstraite. Le résultat, je le vis bien pour les deux jours suivants, car je reçois moins de critiques et j'ai plus de temps pour améliorer mon équipe. Mais ce qui me satisfait le plus dans mon travail, c'est de ressentir des émotions, la façon dont nous jouons. »
En entreprise, il faut cultiver la niaque de cette équipe, œuvrer pour qu’elle ait envie d’être là et qu’elle sache pourquoi elle vient jouer chaque jour. Pour lui, au delà d’une stratégie rigoureuse, un contrôle du terrain et du jeu, ses équipes sont au centre de ses préoccupations de coach : « Peu importe les qualités de tous les managers du monde, si leurs joueurs ne comprennent pas ce qu'ils recherchent ou ce qu'ils veulent, cela n'a pas de sens. » Cette approche, transposée au monde de l'entreprise, est très parlante : avant de penser aux chiffres, il faut créer une culture d'entreprise forte, où chaque employé se sent impliqué et valorisé, et où il sait où est sa valeur ajoutée.
Pour Jürgen Klopp, manager de Liverpool FC : « tout ce que nous faisons dans la vie repose sur les rapports humains. » Klopp valorise l'intensité et l'énergie, créant une atmosphère où chaque membre de l'équipe peut ainsi atteindre de nouveaux sommets. En entreprise, cette philosophie se traduit par une communication ouverte et une collaboration étroite entre tous les niveaux de l'organisation. Le rôle d’un entraîneur et d’un manager 2.0 est essentiellement de connaître les forces et les faiblesses de ses équipes et de savoir les canaliser pour utiliser 100 % de leur potentiel.
Se préparer à la victoire : l’art de Sir Alex Ferguson et Philippe Lucas
Dès son arrivée à Manchester en 1986, Ferguson, légendaire manager de Manchester
United, a entrepris de créer une structure à long terme. Il a modernisé le programme de formation en créant des "centres d'excellence" pour les joueurs les plus prometteurs. Le concept est connu des fonctions commerciales et mériterait d'être adapté aux différents corps de métier pour cultiver l’excellence et le dépassement de soi en entreprise.
En effet, si des coach attendent le moment fatidique pour exiger des joueurs d’être plus frontaux, Ferguson était à la fois exceptionnellement agressif et exceptionnellement systématique dans son approche. Il préparait son équipe à gagner en demandant à ses joueurs de s'entraîner par une mise en situation : marquer un but nécessaire à 10, 5 ou 3 minutes de la fin du match. « Nous nous entraînons pour les moments difficiles, afin de savoir ce qu'il faut faire pour réussir dans ces situations. »
Philippe Lucas, quant à lui, était connu pour sa discipline et la rigueur qu’il imposait à ses protégés. « Ceux qui disent qu’avec moi c’est militaire, que je suis hyper rigide, ne me connaissent pas. J’aime transmettre, j’aime l’humain, mais je demande du respect et de la rigueur. » Cette détermination est plus difficile à instaurer de façon saine et bienveillante en entreprise, mais pas impossible.
L’idée serait d’exiger et de maintenir des standards élevés des collaborateurs tout en étant attentif aux besoins des équipes pour les outiller au succès.
Instaurer une “innovation pragmatique” : la méthodologie de Patrick Mouratoglou et de Carlo Ancelotti
Carlo Ancelotti, pragmatique et fidèle à ses principes, prône une organisation et un rythme de travail irréprochables. « Je suis en faveur de l'innovation, tant que le jeu n'en souffre pas. » En entreprise, l’équilibre entre tradition et modernité est essentiel pour une croissance durable. Ancelotti a toujours su s'adapter aux différentes époques du football sans jamais trahir ses principes. Il en va de même pour un manager d'entreprise qui doit être capable de gérer le changement tout en maintenant une vision claire et cohérente.
Le célèbre entraîneur de tennis Patrick Mouratoglou, suit cette ligne directrice en faisant de sa résilience et de sa flexibilité des atouts d’envergure : « Mon travail repose sur l'adaptation. Il s'agit toujours de s'adapter à de nouvelles situations, mais le cœur de l'équipe reste le même. »
Être un manager 2.0 c’est être à l'aise pour prendre des décisions stratégiques
opportunes en fonction de l'évolution des tendances du marché, des actions des
concurrents et des capacités internes. « On maîtrise le changement en l'acceptant », disait-il. Dans le sport comme au bureau, la clé de la réussite professionnelle réside dans l’aptitude à être plus malin et à mieux manœuvrer que les adversaires. Il y a une constance nécessité d’adapter rapidement sa position, ses messages et sa stratégie par rapport aux mouvements de la concurrence, et ainsi mieux préparer son prochain coup.
On retiendra pour conclure la philosophie de Phil Jackson, l’un des meilleurs
entraîneurs de l'histoire de la NBA : « Le leadership ne consiste pas à imposer sa volonté aux autres. Il s'agit de maîtriser l'art de lâcher prise. [...] La chose la plus importante dans le métier d'entraîneur est qu'il faut avoir confiance en ce que l'on fait. Il faut savoir convaincre ses joueurs, et en particulier ses leaders, de croire en ce que l'on essaie d'accomplir sur le terrain de basket. [...] Vous pouvez tout faire correctement. Vous pouvez avoir la combinaison parfaite de talents et la meilleure offensive possible. Vous pouvez concevoir une stratégie défensive infaillible et préparer vos joueurs à toutes les éventualités possibles. Si vos joueurs n'ont pas le sentiment d'appartenir à un même groupe, vos efforts ne porteront pas leurs fruits. Le lien qui unit une équipe peut être si fragile, si insaisissable. »