EcoVadis complète sa palette pour évaluer les performances RSE des entreprises. En effet, la licorne française annonce l’acquisition de la startup canadienne Ulula, à l’origine d’une plateforme spécialisée dans l'application et le respect des droits de l’Homme dans les entreprise. Les modalités financières de ce rachat n’ont pas été dévoilées. Dans le cadre de cette opération, Antoine Heuty va devenir vice-président en charge des droits de l’Homme chez EcoVadis, tandis que les 40 collaborateurs d’Ulula vont être conservés au sein de l’entreprise tricolore.

Fondée en 2013, Ulula est une startup basée à Toronto qui a mis au point une solution pour déployer des sondages automatisés auprès des travailleurs, avec l’appui de mécanismes de réclamations anonymes et indépendants, de manière à remonter des alertes concernant des conditions de travail qui ne respectent pas les droits de l’Homme. «Nous sommes le S d’ESG», résume Antoine Heuty, fondateur et PDG d'Ulula. Avant d’ajouter : «Notre application, compatible avec n’importe quel téléphone mobile, permet de pouvoir aller toucher les ouvriers et les fermiers dans leur langue, peu importe leur canal de communication. L’idée est de faciliter la capture de la donnée.»

«Nous voulions nous renforcer sur le volet social»

L’enjeu est de taille alors que près de 50 millions de personnes actuellement dans le monde sont confrontées à des conditions d’esclavage moderne, selon les données de l'Organisation internationale du Travail. Parmi elles, environ 28 millions sont en situation de travail forcé, dont 17 millions sont exploitées dans le secteur privé, principalement au sein de chaînes d'approvisionnement. Face à ce fléau, Ulula assure que son approche a permis de venir en aide à plus de 5 millions de travailleurs dans les chaînes d’approvisionnement de 150 entreprises dans le monde entier.

L’expertise de la startup va permettre à EcoVadis de mieux prendre en compte les points de vigilance liés aux pratiques impactant le respect des droits de l’Homme. «Nous voulions nous renforcer sur le volet social, et notamment les droits de l’Homme. Et pour cela, capturer l’information directement auprès des travailleurs dans les usines est essentiel. Améliorer les pratiques sociales et environnementales dans les chaînes d’approvisionnement, c’est un enjeu majeur pour la planète et la société», indique Pierre-François Thaler, co-fondateur et co-CEO d'EcoVadis, qui collabore aujourd'hui avec plus de 130 000 entreprises, dont L'Oréal, Unilever, LVMH ou encore Bridgestone, pour évaluer leurs performances RSE.

C’est d’autant plus important que l’arsenal réglementaire s’est considérablement étoffé ces dernières années, notamment avec la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDDD) et la directive de reporting (CSRD) pour lutter contre l’esclavage moderne. «Ce qui était volontaire chez certaines entreprises auparavant devient obligatoire», synthétise Pierre-François Thaler.

Vers les 200 millions d’euros de revenus annuels récurrents

Ce rachat intervient deux ans après une levée de fonds d’EcoVadis d’un demi-milliard de dollars. Et à cette occasion, la société ne faisait pas mystère de son envie de se tourner vers la croissance externe pour accélérer son développement alors qu’elle était en passe de passer la barre des 100 millions d’euros de revenus annuels récurrents (ARR). Et depuis, l’entreprise tricolore n’a pas vu sa cadence faiblir. «Nous avons enregistré plus de 40 % de croissance par an ces deux dernières années. Globalement, nous avons doublé de taille depuis la levée de fonds. Nous allons même passer le cap des 200 millions d’euros de revenus annuels récurrents», se réjouit Pierre-François Thaler. Avant d’ajouter : «Au départ, nous avions une solution. Maintenant, nous sommes devenus une entreprise multi-produits.» D’où l’intérêt de procéder à des rachats comme celui d’Ulula.

Pour autant, EcoVadis ne veut pas avoir la folie des grandeurs. «Nous avons des discussions avec d’autres entreprises, mais il n’est pas question de racheter pour racheter. L’an passé, nous avions deux acquisitions en vue mais elles ne se sont pas concrétisées», indique le co-CEO d’EcoVadis. «Le marché est en train d’accélérer et nous avons besoin de technologies pour gérer beaucoup plus de volumes. Cependant, on ne prévoit pas de lever des fonds. Nous sommes rentables et nous avons de quoi procéder à tous les investissements dont nous avons besoin de faire», ajoute-t-il. Ainsi, la prochaine étape majeure pour la licorne serait d’entrer en Bourse. «A un horizon de deux ou trois ans, des investisseurs vont vouloir sortir. Et cela implique soit d’avoir de nouveaux investisseurs, soit de réaliser une IPO.» En attendant, EcoVadis devrait continuer d'étendre son champ d'action, ce qui pourrait donc passer par de nouvelles acquisitions.