400 millions d’euros : c’est le montant dédié à la MedTech prévu par le plan d’investissement France 2030. L’objectif est clair. Il faut “créer les dispositifs médicaux de demain en France”, rappelait Emmanuel Macron. Et pour ce faire, deux grands axes ont été identifiés par le gouvernement : la robotique en chirurgie et bloc augmenté d’une part, et les prothèses et implantables d’autre part.

Si l’actualité fait la part belle aux innovations basées sur l’intelligence artificielle et la robotique, les prothèses sont en effet, et depuis bien longtemps déjà, un volet indispensable de la MedTech. 

Des prothèses de plus en plus sophistiquées 

Michel Therin, devenu président du Conseil d’administration d’Affluent Medical après une longue et brillante carrière dans le secteur (entre autres dans la branche santé de Siemens et chez Medtronic), se souvient. “L’innovation en santé a débuté justement par les implants dans les années 60 et 70, avec les premières prothèses vasculaires et prothèses de hanches. Jusqu’alors, on était uniquement sur des outils pour de la réparation brute : des clous, vis, fils, agrafes… Pour la première fois, on basculait sur des outils de remplacement de tissus ou organes défaillants.”

Depuis, il constate un “progrès constant”, et des outils “de plus en plus sophistiqués”, devenus multifonction. Même les matériaux avec lesquels les implants sont fabriqués se sont améliorés. Fini, les matières premières empruntées aux domaines de l’aéronautique ou du nucléaire. Désormais, on développe des matériaux spécifiques, “biomimétiques et physiologiques” parfaitement tolérés et interagissant avec les tissus du patient.

Des implants peu invasifs, installés sans chirurgie lourde

Autre innovation : les implants et prothèses sont de moins en moins invasifs. Après une “dizaine d’années de recherche en étroite collaboration entre ingénieurs et chirurgiens, Affluent Medical a ainsi développé un portefeuille de trois produits mini invasifs différents (actuellement en phase d’essai clinique). D’un côté, l'anneau mitral réajustable Kalios qui permet de réduire l’insuffisance mitrale résiduelle ou récurrente, un reflux partiel de sang qui peut se produire au niveau du cœur, sans avoir recours à une nouvelle intervention invasive. De l’autre, la valve mitrale “physiologique”, Epygon, qui, implantée par voie transcathéter à cœur battant, favorise la récupération de la fonction ventriculaire chez les patients atteints de maladies cardiaques, et pour finir, le sphincter télécommandé Artus, destiné aux personnes atteintes de fuites urinaires sévères. 

Leur point commun ? Aucun ne nécessite d’opération chirurgicale invasive. Nul besoin d’arrêter le cœur pour le redémarrer ensuite. Le chirurgien n’a pas à “mettre ses mains dans le patient, ou faire une grande incision” - une “opération à distance” rendue possible par de petites caméras optiques ou l’imagerie médicale interventionnelle, type Ultra-sons ou rayons X, qui capturent en temps réel des images de l’intérieur du corps humain pour permettre le guidage de la pose des implants.

“On offre aux patients des solutions qui n’existaient  pas avant”

Ces prothèses sont une véritable petite révolution pour les 600 millions et quelques de patients atteints d’insuffisance mitrale ou d’incontinence urinaire.

“Pour l’incontinence urinaire par exemple, précise Sébastien Ladet, directeur général d’Affluent Medical, les solutions proposées ne correspondaient pas vraiment aux besoins des patients. En effet 80% des patients sont des femmes, et les sphincters urinaires sur le marché ont été développés pour l’homme. Le sujet est très tabou, et beaucoup se contentent de porter des couches, ce qui impacte énormément la qualité de vie, en plus d’être une catastrophe écologique.” Grâce à l’innovation, la société propose désormais un implant “plus agréable pour le patient, facile à poser pour le chirurgien, et que l’on peut activer avec l’aide d’une simple télécommande. ”Il existe 3 modes d’utilisation, normal, nuit, et sport, qui s’adaptent au quotidien réel des personnes atteintes d’incontinence urinaire." 

Du côté des prothèses pour la région du cœur, qui viennent d’ailleurs de faire l’objet d’accords de 15 millions de dollars avec Edwards, “on leur offre des solutions qui n’existaient  pas avant”. “Lorsque la seule alternative était une chirurgie invasive avec arrêt du coeur, on ne la proposait pas aux patients les plus fragiles, constate Sébastien Ladet ». Pour les patients atteints d’insuffisance mitrale sévère, seuls 4% peuvent être opérés. « En diminuant les facteurs de risque et en effaçant l’empreinte de la chirurgie pour les patients, on répond à un véritable besoin clinique.”

IA, robotique et prothèses médicales : l’un ne va pas sans l’autre

Si l’IA, la robotique et les implants semblent parfois bien éloignés, Michel Therin rappelle pourtant que les secteurs ne sont pas tout à fait hermétiques. Ils se nourrissent mutuellement. “Sans l’aide de la robotique et de l’IA qui se développent depuis 10 ou 15 ans, la pose d’implants ne serait pas aussi simplifiée.”

Il ajoute : “Ce sont aussi de grands outils de démocratisation, qui permettent d’augmenter l’accès à des soins très efficaces mais souvent complexes à déployer à grande échelle dans un monde ou le déficit de personnel qualifié est chronique et durable. Ils contribuent également grandement à réduire la variabilité inter opérateur et ainsi à améliorer la qualité globale des soins dispensés”.

A ce jour, ces innovations sont surtout cantonnées aux pays où le système de santé est, de base, “avancé et performant”. Mais l’investissement de départ tend à être peu à peu réduit. Surtout, souligne Michel Therin, “c’est un excellent investissement.” “Ces nouvelles technologies permettent d'accélérer la récupération chez les patients, qui peuvent ainsi reprendre une activité normale plus précocement tout en réduisant le risque d’infection et de douleur.”

“Elles placent le patient au cœur de l’équation.” Le président du Conseil d’Administration d’Affluent Medical conclut : “Aujourd’hui, nous faisons face à une augmentation de la population mondiale, à son vieillissement, et à l’émergence d’une classe moyenne dans les pays dits en développement qui aspire à plus de soins de qualité. En parallèle, les accidents cardiovasculaires et cancers sont parmi les causes de mortalité les plus élevées, et le coût de certaines maladies comme l’incontinence est considérable. Le coût est aussi politique, et de vraies discussions sont à venir : qu’est-on prêt à accepter en termes d’investissement dans la santé en général, et que souhaite un gouvernement pour l’avenir de sa population ?”

Aussi coûteux soient-ils au départ, les investissements dans la MedTech sont-ils, dans ce contexte, encore une option dont on pourrait se passer ? Rien n’est moins sûr…