« La culture dévore la stratégie au petit-déjeuner ! » Cette citation de Peter Drucker rappelle l'importance primordiale de la culture organisationnelle par rapport à la stratégie.
Pourtant de nombreux entrepreneurs ont tendance à la laisser de côté, tant ils jonglent entre de multiples priorités : le déploiement de leur offre, la recherche de financement, la mise en place des opérations quotidiennes, etc.
Formaliser votre culture et plus précisément votre culture managériale - c’est-à-dire l'ensemble des valeurs, comportements et pratiques adoptés par les dirigeants et les managers - avant les premiers recrutements est donc crucial. Bien que cela puisse sembler moins urgent, le faire tôt est moins complexe, moins coûteux et stratégiquement indispensable.
L'Importance des Repères dans un Monde en Mutation
Il n’est pas rare qu’une entreprise pivote dans ses premières années pour s'adapter rapidement aux retours du marché, aux opportunités émergentes et aux défis imprévus, dans sa recherche d’un modèle économique viable et durable. Par ailleurs, cela n’aura échappé à personne, les contextes géopolitique, économique et technologique accentuent fortement la volatilité, la complexité et l’incertitude de notre monde. Dans ce cadre, les collaborateurs ont, plus que jamais, besoin de repères stables pour naviguer avec succès à travers ces turbulences.
La culture managériale - incluant les rôles et les postures attendues des managers - constitue l’un de ces repères fondamentaux. Un sondage réalisé par Gallup a révélé que les entreprises dont les collaborateurs sont alignés sur une culture managériale cohérente ont une performance supérieure de 21 % par rapport à celles qui ne le sont pas.
Votre culture vous appartient
Faute d’une formalisation par les fondateurs, ce sont les premiers managers recrutés, par leurs comportements et postures, qui façonneront la culture managériale. Cette culture émergente et non encadrée pourrait s’avérer être aux antipodes des valeurs et de la vision souhaitée par les fondateurs. Le risque : des discordances fortes entre les valeurs affichées et les actes menant à une baisse de la cohésion d’équipe et à une diminution de l’engagement des équipes.
Conscientiser une culture managériale n’est pas compliqué. Il s'agit tout d’abord de définir un référentiel managérial clair. Celui-ci peut être composé de 4 à 5 rôles qui répondent à une question : à quoi servons-nous en tant que managers ? Ces rôles doivent ensuite être précisés à travers quelques actes clés observables : comment faisons-nous les choses en tant que manager dans cette entreprise ? Ce référentiel est aussi l’occasion de rappeler les valeurs qui guident les actes clés observables. On ne pilotera pas la performance de la même manière si l’on souhaite incarner la bienveillance ou si l’entreprise met en exergue la recherche de performance comme valeur cardinale.
Ce référentiel permet aussi d’ancrer des méthodes de management qui appuient ou facilitent les rôles managériaux. C’est en 1999, soit moins d’un an après la création de Google et alors que l’entreprise comptait à peine 40 salariés que Larry Page et Serguei Brin ont décidé d’adopter les OKR (Objectives and Key Results) comme méthode de pilotage de la performance et d’alignement stratégique. Les OKR restent à ce jour la colonne vertébrale de la culture managériale chez Google.
La culture managériale se nourrit énormément de l’exemplarité des dirigeants. Ils doivent authentiquement incarner les valeurs et les pratiques qu'ils souhaitent voir dans leur organisation. Leur comportement et leurs actions quotidiennes servent de modèle pour les autres. Là encore, gare à ceux qui créeraient une dissonance trop forte entre les discours et les actes ! « Avec nos 4 associés, nous avons commencé à rassembler très tôt des éléments pour formaliser une ‘culture de boite’ qui permet aux quatre fondateurs de bien travailler ensemble puis d’intégrer des nouveaux managers », témoigne Gautier Scherrer cofondateur de plusieurs startups dont Citadel et Needl. « Cela leur permet de s’intégrer dans un collectif qui fonctionne tout en faisant évoluer la culture à mesure que l’entreprise grandit. Cette approche est l’aboutissement de nos expériences passées où l’on a soit voulu créer un cadre beaucoup trop rigide, soit laissé faire en laissant vivre des cultures différentes dans chaque équipe. »
S’assurer que le premier noyau dur des managers est accompagné pour incarner cette culture managériale est également essentiel. Cela permet en outre de tester un POC de formation managériale qui pourra être dupliqué régulièrement à chaque fois que des nouveaux managers intègreront l’entreprise.
La formalisation d’une culture managériale très tôt dans la vie d’une entreprise sert donc de guide précieux pour les premiers recrutements. En permettant de sélectionner des candidats en adéquation avec les valeurs de l’entreprise, ce référentiel limite le risque d’erreurs de casting souvent fatales ! C’est ce que révèle l’édition 2024 de l’étude Tech Report qui montre que 14 % des faillites de startups aux Etats-Unis sont la conséquence de mauvais recrutements.
Elle permet d’aligner la réalité observée par les collaborateurs avec la vision des dirigeants, renforçant ainsi la marque employeur et favorisant l’engagement des employés. Une étude de Deloitte montre que les entreprises avec une culture forte ont un taux de turnover inférieur de 30 % et un taux d’engagement des employés supérieur de 20 %.
Une culture qui doit grandir au même rythme que l’entreprise
Alors que l’entreprise grandit et évolue, sa culture managériale doit s’adapter en continu pour rester pertinente et structurante. Elle doit servir de colonne vertébrale stable pour assurer la pérennité de l’entreprise tout en restant flexible et souple face aux nouveaux besoins des équipes, dans un contexte de croissance.
Se posera, par exemple, la question des niveaux de décision et de délégation. Les fondateurs ont souvent du mal à accepter de ne plus pouvoir tout contrôler et influer sur l’ensemble des décisions. Là encore, un référentiel managérial qui formalise ce qu’est l’autonomie et la responsabilisation (la subsidiarité) permettra d’éviter bien des écueils à chaque étape de la croissance de l’entreprise.
La culture avant la stratégie ! Si cette chronologie peut paraître contre-intuitive, c’est pourtant la garantie d’une croissance harmonieuse et d’une performance durable. Entrepreneurs, dirigeants, ne négligez pas cette étape sous peine de risquer de voir émerger des pratiques managériales non alignées avec vos valeurs et votre vision de l’entreprise. Vous éviterez ainsi de compromettre l’engagement et la performance des équipes et donc, au bout du compte, de mettre à mal tous les efforts que vous avez entrepris pour passer de l’idée initiale à un business utile et viable.