En 2013, l’université d’Oxford publiait une projection alarmante quant à l’impact de l’Intelligence artificielle (IA) sur le travail, augurant la disparition de 47 % des emplois aux États-Unis pour 2023. Cinq ans plus tard, en 2018, Gartner Group livrait un pronostic aux antipodes, arguant d’un solde positif du volume d’emplois lié à l’IA dès 2021. Entre les Cassandre et les exaltés de l’IA, qui croire ? Pour ne citer qu’eux en l’occurrence – et tout respect leur étant dû - les analystes d’Oxford et du Gartner sont passés à côté de la vérité.
Et l’on pourrait poursuivre ainsi longuement le chapelet des études savantes décrivant, parfois à la décimale près, les effets de l’intelligence artificielle sur l’emploi. Après tout, chaque nouvelle avancée technologique majeure n’a-elle pas généré son lot de débats et d’appréhensions quant à son impact sur la maind’œuvre ?
À mesure que les algorithmes vont irriguer de manière tangible de nombreux pans de l’économie et de la société, leurs effets sur l’emploi seront de plus en plus documentés. D’ores et déjà, il ne fait plus de doute que certains métiers sont dans la ligne de mire de ChatGPT : programmeurs, conseillers téléphoniques, juridiques ou financiers, comptables ou encore journalistes. Il ne fait pas davantage de doute que l’intelligence artificielle n’en est qu’à ses débuts et qu’elle ne sera pas sans conséquences sur les contours de nos activités, tant professionnelles que personnelles. Pour autant, nombre d’études récentes relativisent les incidences de la montée en puissance de l'IA générative.
Ainsi, la Commission de l’intelligence artificielle, dans une analyse remise au Président de la République le 13 mars 2024, estime que l’IA devrait avoir un impact global positif sur le marché de l’emploi. Une thèse également défendue par l’Organisation internationale du travail (OIT) dans un rapport datant de 2023.
Les bienfaits de l’IA sur la productivité pourraient donc surpasser largement les éventuels préjudices sur l’emploi. En clair, au-delà de la disparition de certains postes, une majorité des fonctions devraient voir leur productivité exploser, augmentant par effet de ricochet les besoins de recrutement des entreprises. L’Insee l’a constaté : les entreprises ayant investi dans l’IA ont embauché davantage que la moyenne des employeurs.
Au-delà de leurs estimations quantitatives, ces travaux nous invitent surtout à modifier nos clés de lecture. Oublions un moment les chiffres, les quotients, les métriques, qui relèvent somme toute de conjectures un peu hasardeuses. Ne pensons pas tant en termes d’emplois que de compétences. Et faisons le pari que c’est précisément dans ce registre qualitatif que réside la promesse de l’intelligence artificielle.
De nouveaux métiers vont immanquablement apparaître, dont certains seront dédiés à la maîtrise et la régulation des algorithmes. De manière plus élargie, l’IA va permettre à chacun de développer de nouvelles compétences, d’épouser de nouveaux usages de travail, de se voir confier de nouvelles missions, bref de valoriser son métier et son emploi par l’innovation. Une innovation technique bien sûr, mais aussi méthodologique, organisationnelle, sociale.
Les entreprises devront accompagner cette montée en compétences. L’IA va éperonner d’importants besoins de formation. Pas seulement pour les mathématiciens, ingénieurs ou informaticiens, autrement dit pour les experts des algorithmes, mais aussi pour les personnes qui souhaiteront se réorienter ou se reconvertir et, à très grande échelle, pour les utilisateurs de l’intelligence artificielle, soit à peu près tout le monde.
Faisons donc le pari que l’IA, loin de détruire l’emploi, va démultiplier les opportunités de carrière, pour toutes et tous, à toutes les strates fonctionnelles des entreprises. Faisons le pari que l’IA porte la promesse d’en emploi augmenté.