Qui que vous soyez, vous avez déjà vu, sans le savoir, des images produites par le studio français Unit Image. Fan de jeux vidéos ? Ils ont produit les trailers des plus grands succès de gaming des ces dernières années : God of War, League of Legends, Baldur’s Gate et Elden Ring, sacrés jeux vidéo de l’année en 2023 et 2022. Complètement étranger à cet univers ? Pour les adeptes de science-fiction, ils ont produit deux épisodes de la série Love, Death + Robots de Netflix.
Ils travaillent également, dans le plus grand secret, avec Amazon pour une série qui sera annoncée d'ici la fin de l'année. Et si tout cela vous est étranger, ils ont aussi produit des publicités cultes de ces dernières années : les fruits Oasis, c’est Unit Image, ils ont également travaillé pour Spontex, Miel Pops, Canal+…
Derrière Unit Image : quatre graphistes qui ont eu envie de créer un champion français plutôt que de s’expatrier. Léon Bérelle, Maxime Luère, Rémi Kozyra et Dominique Boidin se lancent dans l’aventure entrepreneuriale en 2010. «À l’époque, il y avait trois ou quatre studios dans le monde qui faisaient des trailers de jeux vidéo. Un en Hongrie, un en Californie, un au Royaume-Uni et un en Pologne… Nous nous sommes dit pourquoi pas essayer de monter un studio en France ?!», se souvient Léon Bérelle, cofondateur et CEO d’Unit Image. Ils commencent par produire des publicités et se lancent petit à petit sur le marché qu’ils visent : les bandes-annonces de jeux vidéo.
La force du bouche-à-oreille
Leur premier contrat dans cet univers leur est donné par Ubisoft. «Ce qui est intéressant, c’est qu’avec Ubisoft nous avons commencé par des projets à petit budget. La qualité de ce que nous produisions était bien supérieure à leur budget. D’autres clients venaient nous voir et nous donnaient des projets avec plus de budget. C’était un challenge permanent. Nous avons eu de plus en plus de budget et des projets de plus en plus importants», raconte Léon Bérelle.
C’est le même mécanisme de bouche-à-oreille qui a permis à Unit Image de travailler avec Netflix et Amazon. Le studio d’animation a produit deux épisodes de la série Love, Death + Robots distribuée par Netflix avec David Fincher et Tim Miller comme producteurs exécutifs. Léon Bérelle raconte la genèse de ce projet : «C’est un studio californien, Blur Studio, qui a lancé cette série. Nous les avions un peu comme modèle. Sur chaque saison, ils produisent quelques épisodes et demandent à d’autres studios d’en produire. Ils produisent beaucoup de trailers de jeux vidéo. Ils nous ont contactés pour les saisons 1 et 2.»
Le patron du studio français poursuit : «Nous sommes en concurrence sur certains projets mais le marché est énorme. Il y a de la place !» Un marché qu’Unit Image compte bien conquérir. D’après le Syndicat des éditeurs de logiciels et de loisirs, celui-ci pesait 6,1 milliards d’euros en 2023. L’an dernier le film Super Mario Bros a généré 1,3 milliards de dollars de recettes. «Il y a de l’engouement autour des films et des séries basés sur les jeux vidéo. Super Mario Bros, Fallout, Arcane dérivée de League of Legends… », analyse Léon Bérelle. Exploiter les licences de jeux vidéo, c’est le cœur de métier d’Unit Image qui se dit prêt à produire des contenus plus longs.
Investir sur la tech
Produire un trailer de 3 à 4 minutes nécessite entre 1 500 et 3 000 jours de travail. Pour des épisodes de séries d’une quinzaine de minutes, il faut plutôt 6 000 jours de travail. Unit Image compte entre 100 et 150 collaborateurs en fonction des périodes. Le studio s’appuie entre autres sur des intermittents. «La force de la France, c’est qu’on a d’excellents talents et qu’on coûte beaucoup moins cher que d’autres grands studios comme Pixar ou Dreamworks.» Unit Image a aussi une culture de l’économie. Dès le départ, ils ont mis une partie de leurs locaux en sous-location. Les bureaux ont d’ailleurs été dessinés par des connaissances.
Unit Image a également investi sur la technologie, ce qui leur a permis de diversifier leurs activités et d’ouvrir deux filiales : Scan Engine et Unit Motion Design. Le studio a même développé une technologie unique qui permet de créer des doubles numériques pour travailler, par la suite, les émotions, les mouvements d’un personnage. La particularité : ils peuvent créer des doubles numériques très près de l’acteur ou de la personne grâce à 192 appareils photos connectés qui peuvent prendre des photos à l’exact même instant. «On les a tous achetés au Darty de Belleville !», rappelle Léon Bérelle. Cette technologie est mise au service d’autres clients via Scan Engine. «On a travaillé avec la mode, Balenciaga, Louis Vuitton… Cela nous permet de financer notre développement !» Beaucoup de personnalités ont déjà été scannées par Unit Image et Scan Engine : Jean Dujardin, Kanye West, Omar Sy, Léna Situations…
Unit Image a également développé des logiciels en interne pour faciliter la production. «Nous avons un pipeline continu de production qui va nous permettre de faire du long-métrage.» Ce sont des logiciels qui communiquent entre eux plus facilement, qui permettent de modéliser des décors, des personnages de manière plus légère en termes de calcul etc. «Depuis 2016, nous avons beaucoup investi en R&D.» Unit Image bénéficie du soutien du CNC et de France 2030.
Peu connu du grand public, Unit Image est pourtant une réussite française. À la veille de ses 15 ans, la scaleup est prête à se lancer dans le cinéma grâce à une technologie nourrie par des talents et des investissements.