En France, les fonds alumni se comptent encore sur les doigts d’une main. Lancé fin 2020, par Cécile Tharaud et Denis Lucquin, Polytechnique Ventures est un fonds d’amorçage créé et abondé par des alumni de l’École. En mars 2023, Polytechnique Ventures annonçait son premier fonds d’investissement à 36 millions d’euros. Maddyness a rencontré Cécile Tharaud, directrice générale de Polytechnique Ventures et Maxime Cardinal, directeur des investissements, tous deux anciens de l’X.

Maxime Cardinal a rejoint l’aventure début 2022, complétant par son parcours dans les nouveaux usages de l’énergie et la ville durable, la palette d’expertise de l’équipe de direction, jusqu’alors plutôt concentrée sur les sciences du vivant. « Quand nous lancerons le fonds 2, nous ferons probablement un nouveau recrutement ; cette fois-ci, nous chercherons plutôt un profil expert du software et de l’IA », confie Cécile Tharaud.

Un fonds pensé et financé par des alumni

L’idée du fonds a émergé en 2015 lorsque Denis Lucquin siégeait au conseil d’administration de Polytechnique. Jacques Biot, président de l’École à l’époque, avait déjà à cœur d’intensifier les efforts sur l’entrepreneuriat et de construire un écosystème d’innovation en créant notamment la direction Entrepreneuriat et Innovation de l’École. À cette époque est aussi sorti de terre le bâtiment innovation de Polytechnique, le X-Drahi-Novation Center, financé par un ancien de l’École, Patrick Drahi. « Denis Lucquin a alors proposé de compléter cet écosystème d’innovation par un fonds d’amorçage, sur le même modèle que toutes les grandes universités anglo-saxonnes », partage Cécile Tharaud.

En 2018, le nouveau président, Éric Labaye, et le conseil d’administration de l’École adhérent au projet de fonds proposé par les alumni. Le fonds est lancé et réalise un premier closing fin 2020. En décembre 2022, il annonce son closing final à 36 millions d’euros grâce à l’apport de 160 alumni ayant souscrit entre 100 000 euros et 3 millions d’euros chacun. « Les souscripteurs sont uniquement des anciens de l’École, tous diplômes confondus », commente Cécile Tharaud.

Polytechnique Ventures lance aujourd’hui son second fonds et envisage un premier closing à l’automne. Au total, ce fonds vise 40 millions d’euros. « Nous souhaitons encore une fois que nos souscripteurs soient tous des anciens de l’X. Ils nous rejoignent par loyauté envers leur école, et apportent financement, expérience, mentoring et réseaux aux jeunes entrepreneurs. Nous avons la chance d’avoir un vivier profond, car beaucoup d’X ont fait de belles carrières en finance, dans l’industrie ou en entrepreneuriat, et ont le goût d’investir et de transmettre », avance Cécile Tharaud.

Un fonds au service des startups issues de l'X

L’objectif du fonds est de favoriser la croissance de startups issues de l’X. « Soit elles sont cofondées par des diplômés de l’École —élèves ingénieurs, master X HEC Entrepreneurs, autres masters, bachelor et thèse — soit elles sont issues des laboratoires ou de l’incubateur de l’École », précise Cécile Tharaud. « C’est le seul critère en dur, mais nous avons quand même la volonté de financer des startups à fort contenu d’innovation technologique. Sans être un fonds à impact, avant de financer un projet, nous nous demandons toujours si la planète en a besoin », ajoute-t-elle.

Pour boucler la logique, la moitié du carried interest revient à la fondation de l’École. « C’est l’X, par les X, pour les X. Certains pensent que c’est fermé, mais en réalité, c’est un modèle qui vient compléter les autres et qui permet de faire levier sur la loyauté des anciens de l’École », affirme Cécile Tharaud.

Comme l’École, le fonds est polythématique. Il reflète l’ensemble des domaines de l’École avec un tropisme sur la Deeptech. « Tous les autres fonds sont contents de nous voir arriver sur les sujets Deeptech. Nous avons un réseau solide d’experts industriels, techniques et scientifiques », indique Cécile Tharaud.

À ce jour, Polytechnique Ventures a déjà réalisé dix-sept investissements parmi lesquels Jimmy Energy, un fournisseur de chaleur industrielle décarbonée, Goodvest, une fintech verte, durable et éthique, ou encore Spinergie, spécialiste de l’optimisation des opérations maritimes. En 2024, il a réalisé deux investissements, le premier dans Decartes & Mauss, une IA qui aide à l’analyse et à la prise de décision stratégique en entreprise, et le second dans Pact.earth, une entreprise basée à Cambridge, spécialisée dans la fabrication de cuir issu de l’aquaculture.

Le fonds, qui investit en général en co-lead ou en premier follower, prévoit dix-huit investissements au total, avec des tickets allant de 500 000 euros à 1 million d’euros en pré-amorçage et amorçage, et un suivi en série A dans des tours faisant en général entre 1 et 4 millions d’euros.