L'entrepreneuriat impose souvent un rythme effréné, avec des journées interminables, des responsabilités lourdes et une charge mentale conséquente. Cette pression mène parfois à une profonde fatigue, menaçant la santé et la créativité des entrepreneurs. En effet, selon une étude d’Ipsos pour Square, 88 % des chefs d’entreprise sont stressés par leur travail.
Néanmoins, les formats pour se ressourcer et recharger les batteries sont variés en fonction des besoins et caractères de chacun et chacune. Quel que soit le format ou le lieu, chaque entrepreneur a sa méthode pour souffler et mieux repartir. Quatre entrepreneurs se sont confiés sur leurs propres expériences et partagent leurs conseils pour un « reset » réussi, qui, pour la plupart, accélère leur business.
Retraite annuelle en solitaire pour Victor Carreau, cofondateur et CEO de Comet
Depuis sept ans, Victor Carreau se retire en solitaire au sein d’un lieu familial, « chargé de souvenirs d'enfance ». Chaque année, il déconnecte totalement du monde extérieur, n'échangeant même pas avec sa conjointe et ne lisant aucun mail de travail. « Je démarre tous mes séjours avec la lecture de Sénèque : 'De la brièveté de la vie' », confie-t-il. Durant ce temps, Victor Carreau a deux règles : se lever tôt et ne rien s'imposer. Il lit des ouvrages divers (mais aucun livre business), médite, écrit ou se plonge dans des sujets personnels et professionnels ciblés.
Pour Victor Carreau, ces pauses en solo sont essentielles : « J’ai besoin d’introspection, car je suis une personne extravertie qui, en temps normal, passe ses journées à rencontrer du monde. » Les bénéfices de ces retraites sont nombreux : « Je suis une personne plus apaisée quand je rentre. » Cette déconnexion lui permet également de prendre du recul sur des sujets professionnels spécifiques, améliorant ainsi son efficacité, son équilibre et sa capacité à résoudre des problèmes. « Cela permet de me concentrer pleinement sur des sujets spécifiques. »
Randonnée en binôme pour Sonia Elmlinger, fondatrice de Lilycare.fr
Depuis 2019, Sonia Elmlinger se ressource chaque année en pratiquant une marche itinérante estivale. « Pendant trois jours, je pars avec une amie qui fait un tout autre métier que moi - elle est vétérinaire dans un zoo - ce qui me permet de m’évader complètement. » Ces randonnées se déroulent dans des zones où le téléphone ne capte pas, en Auvergne ou dans les Pyrénées, forçant ainsi une déconnexion totale. Les deux amies s'arrêtent dans des gîtes de montagne et passent parfois deux jours sans croiser personne. « Marcher dans la montagne est un moyen de se ressourcer, de se recentrer sur soi. C’est aussi une expérience de pleine conscience car on prête attention au moindre détail : une fleur, un écureuil, un oiseau… », décrit Sonia Elmlinger. Contrairement à la vie parisienne où les interactions sont souvent superficielles, ces moments permettent une connexion profonde avec le vivant.
La marche itinérante impose aussi une certaine sobriété : « Étant en itinérance, on s’allège d’un certain nombre de choses : à commencer par la nourriture et l’eau. » Pour Sonia, ce temps de déconnexion lui permet de se ressourcer et de revenir à ses activités professionnelles avec une perspective renouvelée.
Expéditions audacieuses pour Antoine Noel, CEO et cofondateur de Japet Medical
Antoine Noel trouve son équilibre et sa motivation à travers des expéditions inédites. Cela a débuté aux prémices de son aventure entrepreneuriale, Japet Medical : « Après mon expérience au MIT, avant mon retour en France, j’ai rencontré deux entrepreneurs avec qui j’ai décidé de traverser l'Atlantique à la voile pendant un mois et demi. » Dans la foulée, il crée sa startup, un exosquelette motorisé qui préserve le dos des collaborateurs. Le développement des produits étant long, le fondateur ressent le besoin de repartir en expédition. Sa deuxième aventure marquante fut l'ascension du pic Lénine à 7.000 mètres, situé à la frontière entre le Tadjikistan et le Kirghizistan, sans aucune expérience en alpinisme. « Malgré mon abandon, cette expédition a fait bouger les choses : nous avons déménagé l’entreprise pendant six mois en Chine, à Shenzhen, afin d’accélérer le développement de nos produits. »
Antoine Noel continue de s'aventurer tous les deux ans. « Lors de ma dernière expédition, je suis parti au Groenland pour traverser le pays à pied avec cinq entrepreneurs. » Malgré les conditions extrêmes et les interactions limitées, ces expériences offrent une introspection inédite selon lui. « Ces traversées monotones permettent de se recentrer sur soi-même, loin des distractions. » Ces interstices temporels dans la vie de l’entrepreneur sont structurants : « Au retour, on ressent beaucoup d’énergie pendant quelques mois, c’est un vrai reset. » Sa prochaine expédition est prévue en Antarctique, à la voile.
Balade impromptue et mise au vert pour Kévin Bourgeois, CEO de Supermood
Kevin Bourgeois pratique des « micro-retraites » mensuelles en marchant sans but pendant deux heures dans Paris pour prendre du recul. Le but ? « Ce n’est pas du tout planifié, j’utilise ces moments pour défricher des problèmes insolubles quand j’en ressens le besoin. » Dans la même veine, avec son associé, ils font aussi des tours de parc sur une journée pour échanger sur la stratégie de l’entreprise, faire le bilan et établir des plans d’action.
Kevin Bourgeois participe également aux « green days » organisés par 50Partners, un groupe d’entrepreneurs qui proposent un accompagnement sur-mesure et « à vie » pour les startups du digital, de l’impact et de la santé. Ces week-ends au vert rassemblent les cofondateurs et les coachs de 50Partners dans le but de faire un pas de côté. « L’idée est de challenger nos visions de l'entreprise via des jeux et du partage. » Ces expériences permettent aussi de partager les défis communs rencontrés par les entrepreneurs, en fonction de leur parcours. « Je l’ai fait plusieurs fois, à chaque fois à un moment différent de la vie de Supermood. Ce sont de véritables moments de connexion qui sont essentiels pour moi et pour l’évolution de l’entreprise. »