Parmi les grandes options possibles pour faire entrer de l’argent dans son entreprise : les fonds propres, la levée de fonds, l’emprunt bancaire, ou encore, les aides et subventions (régions, Bpifrance, crédits d’impôts).

«  Bien sûr, le meilleur financeur de l’entreprise, ça restera toujours ses clients. Mais quand on n’en a pas encore, il est légitime de chercher de la trésorerie », explique Xavier Milin, Directeur Financier (DAF) à temps partagé. Cet expert a accompagné une centaine d’entreprises, startups et filiales de grands groupes, dans la quête de financements. Et s’exprime chez Finpal, la communauté Qonto à propos des levées de fonds (en savoir plus à ce sujet).

1. Première question à se poser : de combien d’argent ai-je besoin ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, Xavier Milin attire notre attention sur la question du montant du financement, qui peut sembler basique : à tort ! « Elle mérite qu’on y passe du temps car elle structure toute la suite et elle donne le ton, lorsque vous rencontrez les banquiers et les investisseurs. » C’est une erreur que de demander trop d’argent, mais c’est une erreur aussi que de ne pas en demander assez.

Même réaction de la part de Séverin Henry, VP Corporate Development chez Qonto : « En tant que business angel, je reçois parfois des entrepreneurs qui demandent trop peu d’argent. Ils se disent ambitieux… mais le montant envisagé dit le contraire. Cela donne à penser qu’ils ont mal conçu leur Business Plan, tout simplement. Quand on a bien défini ses objectifs ainsi que les différents scénarios possibles, on demande le bon montant. »

Personne ne lance ni ne fait croître une entreprise sans argent, quelle que soit la nature des financements, poursuit Séverin Henry. « La question est encore plus cruciale en 2024, le volume des levées ayant diminué. Et pour ma part, je rencontre beaucoup d’entrepreneurs positionnés sur l’IA, l’informatique quantique, ou encore sur la transition énergétique : c’est un phénomène récent et surtout ce sont tous des projets qui demandent beaucoup de capital… »

« Il faut bien connaître votre business model, insiste le Business Angel. Si vous installez des panneaux solaires par exemple, les coûts liés à l’humain seront très lourds. Il vous faudra une rentabilité dès le premier jour et la capacité d’aller chercher de la dette. Chaque projet a son propre modèle de financement. Aujourd’hui, il vous faut faire une introspection beaucoup plus forte. Le prévisionnel que vous allez présenter cristallise votre ambition, c’est un document fondateur, à soigner. »

2. Jouez la complémentarité entre levées de fonds et financements non dilutifs

Nos deux experts s’accordent sur ce point : entre levées de fonds - d’equity ou de dettes - et emprunts bancaires, le mieux est de ne pas choisir. Les deux outils n’ont pas les mêmes finalités et ils sont même complémentaires.

Le conseil de Xavier Milin : « Jonglez avec ces dispositifs de la manière la plus intelligente possible, en veillant à la notion de “dilution” qui est propre à la levée de fonds : plus vous faites entrer d’investisseur(s), moins vous possédez votre capital. »

Les financements non dilutifs présentent eux aussi leurs inconvénients : « Les banquiers s’intéressent à vos profits - mais en startup, il s’agit plus souvent de pertes que de profits. Allez voir un banquier après avoir ouvert un compte spécifique d’augmentation de capital : l’échange sera beaucoup plus simple. »

Levée ou emprunt, cela a un impact sur la façon de gérer votre entreprise. L’investisseur qui entre chez vous a un objectif : la sortie, plus communément appelée “exit”. C’est une fuite en avant : on dépense très vite l’argent de la première levée pour créer de la valeur et intéresser de nouveaux actionnaires, plus gros. Alors qu’une startup financée sans levée sera très rapidement axée sur la rentabilité. 

S’il n’est pas toujours nécessaire d’écarter le banquier “local”, Xavier Milin préconise de choisir une banque qui dispose d’une structure dédiée à l’innovation - oui, il y en a ! « Ce banquier-là vous comprendra, il parlera le même langage que vous, saura ce que veulent dire “SaaS” ou“ churn”. »

N’oubliez pas que vous pouvez approcher Bpifrance. La particularité de la Banque Publique d’Investissement est d’avoir un ancrage territorial très fort, un atout pour tous les entrepreneurs qui souhaitent en savoir plus sur les dispositifs à leur disposition. Ce guichet est parfois utile pour les contre-garanties bancaires.« Ce n’est pas pareil d’emprunter 100 000 euros sans garantie et d’emprunter 100 000 euros avec Bpifrance comme contre-garant à hauteur de 70%. »

3. Ne mettez pas votre vie privée en péril

« Quand on est entrepreneur, on place le curseur au maximum du risque, rappelle Xavier Milin. On investit souvent ses propres économies et on fait appel à « Pôle Emploi Venture » qui a été ces dernières années le meilleur financeur de startups en France. Et c’est très bien ainsi, car ce sont ces entrepreneurs soutenus par France Travail, qui eux-mêmes créent de l’emploi ensuite. C’est souvent au moment de la fin des aides que ça devient critique. Vous ne gagnez pas encore beaucoup d’argent, vous avez besoin de trésorerie, la pression devient très forte et le banquier vous dit : « Je veux bien vous prêter 100 000 euros, mais vous mettez votre appartement en garantie. » Surtout, ne le faites pas. Vous allez ajouter une couche de stress immense. Ne prenez pas le risque de tout miser sur votre entreprise. Les chiffres sont formels : le taux d’échec est élevé. »

4. Choisissez vos partenaires en fonction de vos objectifs

Qui peut vous épauler ? Si vous cherchez à lever des fonds, vous aurez besoin d’un très bon avocat, mais pas forcément d’un leveur, qui risque de pousser les mêmes portes que vous, estime Xavier Milin. « Le leveur de fonds devient utile au-dessus d’un million d’euros, car les portes deviennent moins faciles à ouvrir ».

Même chose pour aller chercher la première aide de Bpifrance ou de celles de la Région : « A 30 ou 40 000 euros, vous pouvez la décrocher seul. L’avocat est intéressant pour les appels à projets. Seul, vous allez rater des choses et notamment dans la manière de présenter votre dossier. Idem pour les dossiers de Crédit Impôt Recherche qui sont de plus compliqués à monter. »

Quant aux aides européennes, il est quasi impossible de monter un dossier sans être accompagné. Avec des subventions qui vont jusqu’à 2,5 millions d’euros, toutes les startups postulent mais il y a très, très peu d’élus.

« Tous les réseaux Entreprendre peuvent également être de très bons relais pour trouver de l’information et de l’aide, signale Séverin Henry. Les chambres de commerce, même chose. Enfin, vous pouvez déléguer le montage d’un dossier, mais jamais le pitch. Lever des fonds et lever de la dette, c’est très différent. L’investisseur cherche l’opportunité quand le banquier cherche le risque. La façon dont vous allez raconter votre histoire va différer sensiblement : ici vous montrez de l’ambition, là vous faites preuve de réalisme. Les chiffres que vous présentez ne sont pas les mêmes non plus. Mais une chose est sûre : les investisseurs comme les banquiers vont avant tout choisir un individu, avant un projet. C’est donc vous qui devez y aller en personne. »

Dernier point : si vous choisissez de vous associer, « établissez un pacte d’associés dès le départ, même si ce n’est pas agréable. L’existence et la solidité de ce document sont de nature à inspirer confiance aux futurs investisseurs. »

5. Lease-back et factoring : deux leviers sous-exploités

Explorez d’autres leviers ! Simples, pragmatiques, souvent sous-exploités. Le lease-back par exemple vous permet de faire racheter vos immobilisations (serveur informatique, etc) par un banquier ou un service de leasing, qui vous les loue ensuite. Vous récupérez donc de manière rapide de la trésorerie.

Le factoring est intéressant également : cela consiste à céder votre facture au banquier, qui vous en règle par exemple 90% et se débrouille ensuite pour la faire payer. C’est une solution intéressante en cas de besoin de fond de roulement (BFR) important. Vous pouvez avoir un très beau chiffre d’affaires, mais sombrer si les clients mettent trop de temps à vous payer.