Le sujet de la transformation digitale est loin d’être nouveau pour les entreprises. Mais si dans les années 2010, ce sujet pouvait s’appréhender de manière linéaire, aujourd’hui les entreprises doivent se structurer pour être capables d’engager une transformation permanente. « Il y a quelques années, se digitaliser en retail par exemple, consistait à passer du “brick and mortar”, autrement dit de la vente physique, au e-commerce. Aujourd’hui, les organisations font en permanence face à l’arrivée de nouveaux disrupteurs », commente Truc Mai Dupont Vohong, Vice-Présidente, Innovation & Design EMEA chez Bain & Company.
« S’il y avait une innovation tous les cinq ans, ce serait simple. Aujourd’hui, il faut continuellement gérer une multitude d’innovations de nature très différente, qui concernent a priori différentes équipes dans l’entreprise », poursuit-elle. Les cadres dirigeants font en effet face à un paysage de plus en plus complexe, caractérisé par des perturbations interconnectées telles que les avancées technologiques, les changements de marché et les défis environnementaux.
Vision centrale et orchestration globale
Dès 2016, beaucoup d’entreprises se sont équipées de “Chief Digital Officers” pour gérer leur transformation digitale, puis au fur et à mesure, le digital s’étant immiscé partout dans l’entreprise, ces fonctions ont été éclatées. « Il est maintenant nécessaire de remettre en place une vision centrale et une orchestration globale pour gérer efficacement ces perturbations », affirme Truc Mai Dupont Vohong.
Nourries par les réflexions issues du Digital Leaders Forum, qui rassemble des profils exécutifs de toutes les industries et tous les pays, par les projets de leurs clients et par leur connexion à l’écosystème VC et startups, les équipes de Bain & Company constatent qu’il est aujourd’hui nécessaire de mettre en place une approche orchestrée globale. Cela peut être une personne ou une direction, capable d’avoir une vision à 360° des enjeux digitaux, de la manière dont ils doivent être priorisés et traduits en gestion des talents, en choix des technologies ou en investissements.
Cette fonction permet d’avoir une vision globale, de la raccrocher au plan stratégique de l’entreprise, de définir un plan d’action et ainsi de gérer une reconfiguration dynamique au fur et à mesure que les différentes “météorites d’innovation” arrivent. « Il ne s’agit pas d’un sujet d’organisation. Peu importe d’où est exercé ce rôle, la clé est de savoir qui assure cette fonction d’orchestration globale assurant de distribuer au maximum les responsabilités », précise Laurent-Pierre Baculard, Senior Partner, expert des sujets Innovation chez Bain & Company, qui indique aussi que cette fonction doit absolument être interconnectée avec la fonction financière.
« Plus c’est transversal, mieux c’est. Le plus important est que les personnes qui ont la responsabilité doivent aussi disposer de l’autorité », ajoute-t-il. Cette approche centralisée est la seule qui pourra permettre à l’entreprise de naviguer dans cet environnement, en trouvant la bonne équation économique et le bon degré de manœuvrabilité.
Gen AI, Climate tech et Quantique : trois technologies disruptives qui nécessitent l’activation de 3 muscles managériaux
Bain & Company a notamment étudié trois exemples de nouvelles technologies qui perturbent la vie des entreprises : la Gen AI, la Climate tech et le Quantique. « Ces exemples sont symptomatiques de notre époque, car ces technologies sont interconnectées et s’amplifient les unes les autres », souligne Truc Mai Dupont Vohong.
Selon eux, le premier, la Gen AI, est un sujet qui doit être traité immédiatement puisqu’il est déjà présent dans les entreprises comme chez les individus. Aujourd’hui, l’enjeu est de passer à l’échelle. C’est un sujet urgent, mais dont on ne sait pas encore mesurer l’importance.
À l’inverse, la Climate tech semble être un sujet important, mais moins urgent. « Il y a des échéances à horizon 2030 et 2040, mais l’idée est plutôt de savoir comment injecter à la bonne vitesse les leviers de transformation technologique liés au carbone et au climat », explique Laurent-Pierre Baculard,
Concernant le quantique, les équipes de Bain & Company identifient deux typologies d’entreprises : celles qui commencent à expérimenter le calcul quantique et celles qui pensent encore qu’il s’agit de fiction. « Or, être prêt à embrasser le quantique requiert au minimum 3 à 4 ans. Si une entreprise dans un secteur prend de l’avance et devient supérieure dans son domaine grâce au quantique, le rattrapage sera très long pour ses concurrents », Laurent-Pierre Baculard
Cette liste de perturbateurs est loin d’être exhaustive, mais elle met en exergue certains muscles managériaux à activer. « Ce sont trois exemples parmi d’autres, mais ils sont intéressants, car ils correspondent à trois muscles managériaux différents : celui de la rapidité pour la Gen AI, de l’endurance pour la Climate tech et de la vision et de l’agilité pour le Quantique », conclut Truc Mai Dupont Vohong.