« On m’a posé une question redoutable : comment les entreprises peuvent faire face à ce nouveau monde ? », a lancé Gilles Gateau en préambule de sa prise de parole. « Mais en réalité, cela fait longtemps que le monde est “nouveau”. Dans les années 1990, nous avons tous appris et partagé avec nos équipes le concept militaire d’un monde “VUCA” : volatile, incertain, complexe et ambigu. Nous sommes passés au monde FANI, un acronyme déjà familier : fragile, anxiogène, non linéaire et incompréhensible. »
Nous aurions donc quitté l’ambiguïté, pour la complète incompréhension. Eco-anxiété, pandémies, retour de la guerre en Ukraine et au Moyen-Orient, violentes secousses de la politique française… Juste avant Gilles Gateau, l’économiste Nicolas Bouzou relevait l’arrivée récente en entreprise des « Geopolitical Risk Officers », une tentative d’adaptation.
« Les salariés se sont tous emparés de l’IA générative, mais dans la confusion »
« Dans un monde durablement en crise, l’entreprise apparaît comme un îlot, voire comme un refuge, a poursuivi Gilles Gateau. Je pense que le travail est un socle. A l’Apec, nous travaillons actuellement sur trois axes de développement. Le premier est moins visible dans l’actualité de cet été 2024, mais j’ai envie de commencer par lui ; c’est l’enjeu de la transition écologique et énergétique. C’est un défi majeur pour nous et pour les générations qui viennent : les réalités du changement climatique sont déjà là. »
Attention, pour Gilles Gateau, les métiers « verts » restent une petite minorité des emplois : « C’est l’arbre qui cache la forêt. La réalité, c’est que la grande majorité des emplois vont être impactés par le verdissement. C’est pourquoi nous y consacrons des moyens. »
Second fil rouge à l’Apec : l’IA. « Je crois beaucoup à l’hybridation entre l’IA et l’humain, entre l’IA et les autres technologies. La question n’est pas de savoir s’il faut s’emparer ou non de l’IA générative. Les salariés s’en sont déjà emparés, mais dans la confusion. Cela n’a pas été pensé ni intégré dans les métiers de l’entreprise - y compris chez nous ! Nous avons donc décidé de nous saisir de ce sujet central, en commençant par définir des cas d’usage et en rédigeant une charte d’utilisation des outils d’IA pour nos salariés. »
Le troisième territoire ouvert par Gilles Gateau et ses équipes porte sur les enjeux sociétaux. « Comment les entreprises vont-elles répondre aux attentes de leurs collaborateurs sur les sujets sociétaux autrefois considérés à tort comme extérieurs à l’organisation ? Il s’agit, pour ne citer que quelques exemples, d’accueillir et former des jeunes via l’alternance. De s’intégrer dans son territoire local. De favoriser l’égalité professionnelle réelle entre hommes et femmes. De s’ouvrir à tous les types de compétences et de profils, quels que soient l’âge, l’origine, l’adresse, la couleur de peau des collaborateurs… à rebours de ce qu’on entend dans l’espace public aujourd’hui ! »
Les DRH ne peuvent pas traiter ces trois sujets les uns après les autres, a conclu Gilles Gateau. « Ils doivent tout mener de front et c’est ça qui est vertigineux. Comment on régule, comment on arbitre ? D’autant que le climat, l’IA et les questions sociétales se retrouvent souvent en tension les uns avec les autres. On veut développer de l’IA de façon massive et on veut aussi de la sobriété énergétique… »