Dans un contexte délicat, l’écosystème des startups françaises a évité le pire en 2023. C’est en somme ce qui ressort de l’étude annuelle de la Banque de France sur la situation financière des jeunes pousses tricolores. Dans ce cadre, ce sont 2 295 bilans de startups tricolores qui ont été analysés par l’institution bancaire. Si France Digitale dénombre aujourd’hui plus de 20 000 startups dans l’Hexagone, la Banque de France ne retient que celles qui génèrent un chiffre d’affaires minimum de 750 000 euros et qui sont parvenues à lever plus de 3 millions d’euros. En moyenne, elles ont 11 ans d'existence.

Ainsi, l’activité des startups a progressé de 18,6 % en moyenne au cours de l’année écoulée (contre 25 % un an plus tôt), avec un chiffre d’affaires cumulé qui s’élève à 24,6 milliards d’euros, soit une moyenne de 10,5 millions d’euros par société. Dans le détail, 25 % des jeunes pousses ont engrangé moins de 1,5 million d’euros de revenus, tandis qu’un autre quart de ces entreprises innovantes ont enregistré un chiffre d’affaires supérieur à 8,5 millions d’euros.

«Le résultat d’exploitation s’est stabilisé et les pertes ne se sont pas creusées»

Plus que des revenus qui continuent à grimper malgré les vents contraires de l’économie et de la géopolitique mondiales, c’est surtout le fait que les jeunes françaises soient parvenues à préserver leur trésorerie qui constitue un signal encourageant. En cumulé, la trésorerie des près de 2 300 startups analysées s’est élevée à 11 milliards d’euros fin 2023.

Cette solidité qui s’est confirmée avec des pertes pour l’année passée ayant représenté 16,5 % du chiffre d’affaires de ces sociétés, contre 21,3 % en 2022. Dans le détail, 64 % des jeunes pousses ont bouclé l’exercice 2023 avec un résultat d’exploitation négatif représentant près de 5,6 milliards d’euros de pertes cumulées, tandis que les 36 % restants ont cumulé un résultat d’exploitation positif d’un milliard d’euros. «Le résultat d’exploitation s’est stabilisé et les pertes ne se sont pas creusées», résume Maurice Oms, correspondant national des startups à la Banque de France. Avant d’ajouter en guise de mise en garde : «Au rythme de consommation de trésorerie observé en 2023, les startups en perte auraient moins d’un an de réserve devant elles hors nouvelle levée de fonds.»

Et si l’année 2023 a marqué une rupture pour l’ensemble de l’écosystème, avec des levées de fonds en recul (8,3 milliards d’euros, en baisse de 38 % sur un an), ces jeunes entreprises innovantes ont amélioré leur gestion avec des capitaux propres qui se sont renforcés de 9 % et un recours à la dette bancaire qui s’est accru de 5 % pour atteindre 5,4 milliards d’euros. Ce sont désormais 83 % des startups qui utilisent cette source de financement additionnelle. Celle-ci représente 32 % de leurs fonds propres.

Hausse des défaillances, surtout dans la santé

Dans un contexte qui reste délicat, malgré le soulagement engendré par l’issue des élections législatives, la plupart des jeunes pousses françaises peuvent aborder l’avenir avec sérénité, notamment celles évoluant dans des secteurs clés du plan France 2030 (greentech, deeptech, industrie…). «Au premier semestre 2024, la moitié des financements étaient à destination des greentechs ou de l’IA générative (1,9 milliard d’euros sur un total de 3,5 milliards, ndlr)», observe Maurice Oms. La première partie de l’année a ainsi été marquée par la méga-levée de fonds de 600 millions d’euros de Mistral AI, pépite tricolore qui veut jouer dans la même cour qu’OpenAI, le créateur de ChatGPT.

Mais pour d’autres startups, la période actuelle est difficile et peut même s’avérer fatale pour certaines d’entre elles. Ainsi, 76 sociétés ont fait l’objet d’une procédure judiciaire (redressement ou liquidation) l'an passé, avec une accélération plus prononcée à partir du deuxième trimestre. Deux tiers des sociétés concernées ont directement été placées en liquidation judiciaire et une défaillance sur cinq a touché une startup du secteur de la santé. «Le profil des startups défaillantes se caractérise par une absence de fonds propres, la présence de lourdes pertes et une trésorerie assez faible», note Maurice Oms.

Cette augmentation des défaillances devrait se poursuivre dans les prochains mois, alors que le groupe Altares a dénombré plus de 16 000 défaillances d’entreprises en France (+23,4 %) au cours du deuxième trimestre 2024. Ce dernier est «l’un des plus lourds de notre histoire» et se hisse ainsi au même niveau que les deuxièmes trimestres de 2009, après la crise financière, et de 2013, lors de la crise des dettes souveraines. Ce lourd tribut est à mettre au crédit d’un phénomène de rattrapage après la fin des aides massives de l’État pendant la pandémie de Covid-19. Néanmoins, cette période semble toucher à sa fin. Dans ce contexte encore morose, Altares table sur 64 000 défaillances sur l’ensemble de l’année 2024.

L'IA comme bulle d'oxygène

Après cette année 2023 éprouvante, la Banque de France émet des projections mesurées pour l’exercice en cours alors que l’institution bancaire table sur une sortie progressive de l’inflation sans récession, permettant une reprise de la croissance plus nette en 2025, puis en 2026. L’écosystème devrait notamment continuer à bénéficier du rôle majeur joué par la France sur la scène mondiale de l’IA générative.

«À l’heure où cette technologie est devenue stratégique, Paris se positionne comme un centre européen de l’IA, avec des initiatives telles qu’AI-Pulse et le lancement de Kyutai, un laboratoire de recherche en IA open-science doté de 300 millions d’euros», relève la Banque de France. Cette dernière cite également les nombreux programmes de soutien à la French Tech, à l’image de Tibi 2, French Tech 2030, French Tech Corporate Community ou encore la création du statut JEI (Jeune entreprise innovante), comme autant d’initiatives destinées à continuer à soutenir la croissance des startups en 2024.