A une heure de train de Stockholm, c’est une part importante des ambitions européennes dans les batteries électriques qui se joue. Et pour cause, la ville de Västerås héberge le centre de R&D de Northvolt. L’endroit est hautement stratégique pour l’entreprise scandinave, puisque c’est là qu’elle développe et teste ses matériaux et procédés pour aboutir aux batteries électriques les plus performantes et écologiques possible. Maddyness a eu la possibilité de le visiter.
Malheureusement, il n’a pas été possible pour nous de prendre beaucoup de photos, mais cela peut se comprendre, tant la compétition fait rage avec les États-Unis et l’Asie sur ce marché d’avenir, alors que les voitures thermiques neuves, y compris les hybrides, seront interdites à la vente dans l’Union européenne à l’horizon 2035. Ce qui frappe d’entrée de jeu, c’est l’envergure du site, composé de huit bâtiments imposants pour assurer la R&D de Northvolt et éprouver le processus de production. Une usine pilote, baptisée «Revolt», a même été créée pour travailler sur la manière d’améliorer le processus de recyclage des batteries. L’ensemble représente l’équivalent de 96 piscines olympiques !
«Nous voulons créer la Silicon Valley des batteries»
Mais ce n’est qu’un début, puisque nous avons pu voir que les travaux battaient leur plein pour faire sortir de terre de nouveaux bâtiments. La rapidité de construction et l’envergure de ce site témoignent des enjeux colossaux à adresser à l’échelle mondiale au niveau des batteries électriques, qui constituent l’un des piliers de la transition énergique pour réduire considérablement les émissions de CO2. «Ici, nous voulons créer la Silicon Valley des batteries», assure Sami Haikala, Chief Development Officer de Northvolt, qui mène la visite. Avant d’ajouter : «Notre ambition est de créer les batteries électriques les plus vertes du monde.»
Pour faire de cette volonté une réalité, le fabricant suédois, créé par deux anciens de Tesla, Peter Carlsson et Paolo Cerruti, ne lésine pas sur les moyens puisqu’il a levé plus de 13 milliards d’euros en equity et en dette depuis sa création en 2016. En début d’année, Northvolt, qui compte les constructeurs BMW, Audi et Volvo, ainsi que le patron de Spotify, Daniel Ek, parmi ses actionnaires, a d’ailleurs amassé 4,6 milliards d’euros pour financer l’expansion de sa gigafactory dans le nord de la Suède.
1 200 employés au sein du centre de R&D
Avec de telles capacités de financement, l’entreprise voit grand à l’échelle mondiale et elle a des raisons de l’être avec un carnet de commandes bien rempli : celui-ci s’élève à 55 milliards de dollars. «Nous sommes considérés comme une startup, mais je crois que nous sommes déjà bien plus que cela…», sourit Sami Haikala, cet expert finlandais des batteries électriques qui est passé par les rangs de Nokia, Microsoft ou encore Foxconn avant de rejoindre le géant suédois en 2020.
Si le vaisseau amiral de Northvolt est sa méga-usine de Skellefteå, cette petite ville du nord de la Suède située à 300 kilomètres au sud du cercle polaire, son centre de R&D revêt également une importance capitale. Sur les 6 500 employés que compte l’entreprise dans le monde, 1 200 évoluent au sein de son laboratoire de recherche. Et ces derniers viennent des quatre coins du monde. «Nous avons plus de 120 nationalités représentées ici», indique Sami Haikala. Et pour les mettre dans les meilleures conditions, la société a repris quelques clichés de la «Startup Nation», comme le fameux baby-foot.
Des précautions suffisantes ?
Mais le cœur du réacteur de ce site, c’est surtout l’immense bâtiment dans lequel une fourmilière de travailleurs en blouse blanche et masque s’attellent à tester de nouvelles techniques pour optimiser les performances des cellules de batteries électriques. Dans ce bâtiment qui ressemble à un entrepôt XXL d’Amazon, les employés évoluent dans plusieurs salles bien isolées entre elles pour éviter que des éléments extérieurs ne viennent perturber les travaux des chercheurs.
La combinaison qu’ils portent ainsi que les chaussures de sécurité que nous avons dû enfilées durant la visite témoignent des risques qui existent autour de la fabrication des batteries électriques, notamment en raison des réactions chimiques engendrées. La gigafactory située à Skellefteå n’a d’ailleurs pas été épargnée par les déboires. En cinq ans, ce sont 26 accidents graves qui ont été recensés. Pertes de bras et de doigts, inhalations de produits chimiques et gaz… : les conséquences peuvent être dramatiques.
Trois décès inexpliqués d’employés de cette usine ces derniers mois viennent également noircir le tableau et soulever des interrogations quant à l’exposition des collaborateurs de Northvolt à des substances toxiques. Des événements malheureux qui ne remettent pas en cause le développement de la société, mais qui l’incitent à revoir partiellement sa copie. Son patron, Peter Carlsson, a d’ailleurs admis début juillet que la stratégie de l’entreprise avait peut-être été «un peu trop agressive», ce qui l’amène à opérer un recentrage des activités sur le site de Skellefteå. Par ailleurs, le groupe scandinave est confronté à des retards de livraison qui irritent la plupart de ses clients.
Des gigafactories prévues en Allemagne et au Canada
En attendant, le centre de R&D de Västerås donne un bon aperçu du futur des batteries électriques tel que le conçoit Northvolt. Les espaces de recherche, que l’on peut apercevoir au travers de plusieurs vitres tout au long du parcours, se situent à mi-chemin entre de véritables laboratoires scientifiques et de mini-unités industrielles de production. C’est finalement la version miniature des ambitions exceptionnelles de Northvolt dans le monde entier.
En effet, le groupe suédois dispose de sites en Suède, en Norvège, en Pologne, au Portugal et bientôt en Allemagne et au Canada. La gigafactory allemande, au nord de Hambourg, doit permettre de créer 3 000 emplois et d'équiper 1 million de voitures électriques par an, avec la livraison des premières cellules de batteries en 2026. C’est également à cet horizon que l’usine canadienne, prévue au Québec, doit être opérationnelle.
«Le lancement d’usines dans certains pays dépend des clients, des applications business et de l’accès aux énergies renouvelables», précise le Chief Development Officer de Northvolt. «Nous avons surtout des clients dans l’automobile», ajoute-t-il. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’entreprise suédoise a fait sortir de terre une usine en partenariat avec Volvo à Göteborg, sur la côte ouest de la Suède. Baptisée «Novo», celle-ci vise à fabriquer des batteries pour la nouvelle génération de voitures électriques du constructeur suédois. Il s’agit d’un projet à 2,9 milliards d’euros qui doit se concrétiser en 2026, décidément une année charnière pour Northvolt. Autant de chantiers qui doivent permettre à l’entreprise de devenir un «Tesla» à la sauce européenne.