La semaine de 4 jours prend de l’ampleur : depuis juin 2022, 92 % des 61 entreprises britanniques ayant testé ce modèle souhaitent le poursuivre. En France, de plus en plus d’entreprises, notamment des startups, ont tenté l’expérience, telles que Welcome to the Jungle, FairSpace ou encore Carbo, en résonance avec les attentes de leurs salariés. En effet, 75 % des Français sont favorables à une semaine de 4 jours, d’après un sondage de l’institut Yougov mené en 2023. Plus spécifiquement, 41 % des 25-34 ans la revendiquent selon le rapport ADP, « People at Work 2023 : l’étude Workforce View ».

Si les attentes sociales sont là, faut-il redouter les impacts économiques ? La productivité est-elle affectée ? Ou, au contraire, travailler moins pourrait-il avoir un effet rebond sur l’engagement et le bien-être, générant ainsi des gains insoupçonnés ? Philippe du Payrat, fondateur de 4jours.work, une entreprise sociale qui accompagne les entreprises dans cette transition et initiateur de l’expérimentation nationale de la semaine de 4 jours en France, y voit - chiffres à l’appui - une réconciliation des enjeux sociaux et économiques. Son credo ? « Il faut arrêter de considérer la semaine de 4 jours comme un coût : évaluons-la plutôt en fonction de ce qu’elle peut rapporter. » Mais qu’en pensent les investisseurs ? Quels signaux sont envoyés lorsqu’une startup passe à la semaine de ou en 4 jours ? Regards croisés.

Amélioration de la productivité

Adopter la semaine de 4 jours peut se traduire par un gain significatif de productivité, selon une étude menée en 2019 par la Henley Business School. En effet, les entreprises britanniques l’ayant adoptée ont constaté une augmentation de 64 % de leur productivité. Un exemple marquant est celui de Microsoft au Japon, qui a observé une augmentation de près de 40 %. De même, l’entreprise néo-zélandaise Perpetual Guardian a vu sa productivité grimper de 24 % en seulement un an après avoir mis en place cette organisation. « Ce n’est pas un frein au développement du chiffre d’affaires ; pendant l’expérience de la semaine de 4 jours, on a observé jusqu’à 35 % d'augmentation de ce dernier sur différents pilotes (enquêtes “4 Day Week Global”, méthodologie Boston College) », explique Philippe du Payrat.

Réduction des coûts opérationnels et liés au mal-être

Moins de jours de travail signifie aussi des économies potentielles sur des frais tels que l'énergie, l'eau, les fournitures de bureau, et même les coûts d'entretien. Ainsi, quand Microsoft a instauré la semaine de 4 jours dans son entreprise au Japon, la multinationale a constaté une baisse de 23 % de sa consommation électrique. L’entreprise a annoncé avoir également réduit son nombre d’impressions de près de 60 % (même source).

Autre impact - et pas de moindre - les coûts liés au mal-être salarial semblent s’infléchir, d’après les données recueillis par Philippe du Payrat : « Selon l’enquête menée dans le cadre du 4 Day Week Global au UK, on constate une baisse de l’absentéisme de 65 %. Quant au burn-out, il baisse de 68 % en moyenne selon différents pilotes menés au UK, en Irlande, en Australie et en Nouvelle-Zélande (2022 à 2023). » Des données à ne pas négliger alors que le 16e baromètre sur l’absentéisme Ayming estime le nombre de jours d’absence par salarié (en 2023) à 22 jours en moyenne. Le coût moyen annuel de l’absentéisme au travail en France est d’ailleurs estimé à 108 milliards d’euros, soit 4,7 % du PIB (Institut Sapiens, 2018).

Rebond d’attraction et d’engagement des talents

L’attractivité reste un enjeu phare pour les entreprises : « 85 % des TPE-PME qui cherchent à recruter ont du mal à le faire ; même contexte pour les startups. En effet, le recrutement génère des coûts cachés qu’il est possible de réduire à condition d’être à l’écoute des attentes des talents, dont la semaine de 4 jours fait partie », souligne Philippe du Payrat. Différents pilotes menés en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande démontrent une hausse de l’attractivité des talents de 85 % en moyenne. En termes de coûts cachés, Philippe du Payrat ajoute aussi celui du désengagement qui s’élève en moyenne à 13 250 euros, par salarié et par an : « Agir sur ce levier est fondamental quand seulement 7 % des employés français se disent engagés. » Là encore, les conclusions relatives aux différents tests internationaux de la semaine de 4 jours mettent en exergue des chiffres encourageants : 57 % des salariés seraient moins enclins à quitter leur poste et une baisse des démissions de 42 % (UK), conjuguée à un engagement accru, 57 % des salariés sont plus aptes à réaliser leur travail (pilote global).

Signal faible ou signal fort la semaine de 4 jours pour les fonds ?

Florence Bonpaix, operating partner de Ring Capital, un fonds d’investissement international à impact environnemental et social, partage une vision pragmatique sur la semaine de 4 jours. « Nous n’avons pas d’a priori, c’est un choix organisationnel qui semble mettre l’accent sur l’attention portée au bien-être au travail. Mais il y a des contextes où elle sera pertinente et d’autres moins ; cela dépend de la culture des entreprises. » En tant que fonds à impact, deux typologies d’indicateurs sont scrutées de manière homogène : « Nous regardons les KPI financiers classiques et ceux à impact social et environnemental. Par exemple, le turnover, l’eNPS - Net Promoter Score employé - qui traduit l’engagement des salariés ou encore l’absentéisme. La semaine de 4 jours peut influencer ces derniers. » Florence Bonpaix explique d’ailleurs que certaines entreprises, dans lesquelles le fonds a investi, ont expérimenté cette modalité, et parfois, « c’est totalement transparent. »

Cependant, Ring Capital distingue « la semaine en 4 jours », maintenant les 35 heures, d'une réduction du temps de travail (« la semaine de 4 jours ») : « Nous serons plus prudents concernant cette dernière configuration mais nous ne sommes absolument pas contre ! » Pour cela, Florence Bonpaix insiste sur l’importance pour l’entreprise d’être accompagnée pendant cette transformation : « Il faut se faire accompagner pour gérer et piloter la transition afin de mener une expérimentation avant une mise en œuvre définitive. » La transparence sur les jalons de la transformation et les indicateurs de succès est donc incontournable pour aligner la stratégie de l’entreprise avec les objectifs - financiers, sociaux et environnementaux - des fonds.