Depuis 2017, des réformes ont été mises en place pour offrir une fiscalité attractive aux entreprises, incluant la réduction des impôts sur les sociétés et des impôts de production. Plusieurs crédits d’impôt ont été instaurés, notamment pour les activités de recherche et les nouveaux projets industriels dans les secteurs des batteries, de l’éolien, des panneaux solaires, des pompes à chaleur, ainsi que la production d’équipements utilisant des matières premières critiques. 

D’après le baromètre EY de l’attractivité de la France, avec 1194 projets annoncés, la France a conservé en 2023 la première place européenne, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne pour l’accueil des investissements étrangers, et ce, pour la cinquième année consécutive. 76 % des 204 dirigeants interrogés par EY pensent que la France peut encore améliorer son attractivité d'ici à trois ans. Mais ce baromètre date de début mai, et entre temps, les résultats des élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée ont rebattu les cartes.

Des années de soutien public à l’innovation

Le soutien public, qu’il soit direct via des aides et subventions, ou indirect, via des incitations fiscales, a été extrêmement solide ces dernières années. Le CIR (Crédit Impôt Recherche), créé en 1983, reste l’une des mesures phares. D’après Solenne Desprez-Braun, en 2023, il représenterait la somme de 7,7 milliards d’euros pour un peu plus de 27 000 déclarants. Tant d’impôts économisés qui contribuent au financement de l’innovation. 

Parmi les mesures qui soutiennent le financement de l’innovation, on peut aussi citer le dispositif Tibi, ainsi que les dispositifs mis en place par le député Paul Midy comme les JEIR (Jeunes Entreprises Innovantes de Rupture) pour les deeptechs et les JEIC (Jeune Entreprise Innovante de Croissance). « Tous ces dispositifs sont assez incroyables et viennent compenser des coûts de structure et de salaire élevés », souligne Alexandra André, ex-operating partner chez Serena.

Toutes ces mesures ont rendu la France attractive pour les investisseurs nationaux et internationaux. « Quand il s’agit d’implantation d’entreprises, l’attractivité de la France se matérialise à plusieurs niveaux. Il y a l’aspect filière, la qualité de vie, mais aussi les incitations fiscales et financières, notamment les dernières mises en place dans le cadre de France 2030 », complète ​​Michel Moulinet, expert sur les questions de subventions chez FI Group.

« Le paysage de la tech en France ne serait clairement pas le même sans Bpifrance », rappelle Alexandra André. « Au 1ᵉʳ semestre 2023, Bpifrance a investi 5,6 milliards d’euros dans l’innovation », avance ​​Michel Moulinet. Côté investisseurs privés, la réforme de l’ISF, a, pour Alexandra André, été un moyen de faire revenir en France ceux qui financent l’innovation. « Les business angels sont critiques pour le financement de l’innovation », appuie-t-elle.  

« L’innovation est un facteur de production et de performance essentiel pour les entreprises. Cela nécessite des investissements importants et pour cela, il faut que la France reste suffisamment attractive pour les investisseurs », résume Solenne Desprez-Braun, directrice des affaires juridiques et fiscales de FI Group. Le maintien de ces investissements a en effet un impact direct sur la création de richesse, la création d’emplois et à la souveraineté.

Emmanuel Macron, seul défenseur de la tech ?

« Emmanuel Macron est le président de la tech, il a redonné de l’aura à la France et a fait revenir les investisseurs. Personne n’a porté l’innovation comme il l’a fait, s’il perd sa majorité, cela pourrait être catastrophique pour la French Tech », s’inquiète Alexandra André. Pour elle, il a permis à la France de se rendre attractive aux yeux des fonds américains, qui financent beaucoup de tours de tables post séries B, et a aussi contribué à stopper l’hémorragie de fuites de sièges sociaux aux Etats-Unis. « Le président de la République et sa majorité ont démontré une volonté forte de rendre la France attractive et ont permis de maintenir de la stabilité au niveau de la fiscalité », affirme Solenne Desprez-Braun. 

« Aujourd’hui, la plupart des députés qui portent l’innovation sont issus de la majorité présidentielle », ajoute Alexandra André. Or, un changement de majorité soulève des craintes quant à la capacité à maintenir les investissements, mais aussi à la souveraineté ou à la capacité à opérer la transition écologique. Des mesures comme le CIR semblent menacées. « Nous avons mis 40 ans à construire le CIR tel qu’il existe aujourd'hui. Le détruire tout ou partie conduirait à un retour 40 ans en arrière : une époque où il a été mis en place pour lutter contre la délocalisation », illustre Solenne Desprez-Braun. « Il est primordial pour poursuivre la dynamique enclenchée que toutes les enveloppes actées dans le cadre de France 2030 soient bien maintenues », relève de son côté Michel Moulinet. 

Dans l’attente des résultats des élections législatives, les investisseurs semblent avoir adopté une position attentiste. « Le M&A est à l’arrêt total, le financement aussi, tout le monde attend de voir ce qu’il va se passer », commente Alexandra André. Des scénarios catastrophe sont évoqués, mais d’après Alexandra André, les institutions en place sont solides et la puissance de l’écosystème est incroyable. « Aujourd’hui, il est clé de garder une capacité de travailler de manière collective et écosystémique, si nous voulons garder une certaine souveraineté sur des sujets tels que l’IA », conclut Michel Moulinet.