Maddyness : Quelle est la place de MonacoTech sur l'échiquier de l'innovation? Avez-vous développé un réseau avec d’autres accélérateurs/incubateurs, notamment ceux de Xavier Niel qui est un peu le parrain de l’aventure?

Sandrine Sauval-Chanteloube : MonacoTech est le programme d’accompagnement de startups de la Principauté de Monaco, créé en 2017 à l’initiative du gouvernement monégasque, et en partenariat avec Monaco Telecom et Xavier Niel. Sa mission est de promouvoir et de soutenir la création et l'installation à Monaco de sociétés technologiques innovantes, en ligne avec les valeurs de la Principauté, par exemple en matière de protection de l’environnement ou d’innovations en santé, des projets engagés qui apportent des solutions pertinentes et scalables aux enjeux de notre société.

En termes de réseaux, le soutien de Xavier Niel a contribué à façonner le projet et il y a eu des échanges avec les entités telles que Station F ou l’école 42. M. Niel est également venu rencontrer et échanger avec nos startups à plusieurs reprises. Dans la région, nous sommes en lien avec la Métropole Nice Côte d’Azur et l’écosystème d’innovation régional, et nos réseaux s’étendent en France, en Italie bien sûr, en Europe. 

Nous bénéficions également du réseau diplomatique et consulaire monégasque, présent dans de nombreux pays, ouvrant des opportunités de connexions à nos entrepreneurs. MonacoTech a par ailleurs établi des collaborations avec d'autres incubateurs et accélérateurs à l’international, notamment ACET au Canada et Capsula TAU en Israël, permettant à ses incubés de disposer de premiers points d’appui locaux pour pénétrer ces marchés plus distants.

Combien de startups ont été incubées chez MonacoTech? D’où viennent les entrepreneurs ? 

Depuis sa création, 55 projets ont été accompagnés à MonacoTech, 33 se sont transformés en sociétés monégasques, dont 26 poursuivent encore leurs activités aujourd’hui. Adossés à ces sociétés, ce sont plus de 150 emplois qui ont été créés, dont environ la moitié en Principauté. Ces chiffres sont bien entendu à apprécier à l’échelle de Monaco, un État de 39.000 résidents, d’une superficie de 2km2. 

Les entrepreneurs viennent du monde entier et il y a une grande diversité de nationalités et de profils, notamment beaucoup de profils experts, spécialisés par exemple en biotechnologie, en IA, en ingénierie décarbonée, mais aussi dans divers domaines de la médecine (ex : neurologie, orthodontie, etc..). La sélection des projets est rigoureuse, nous retenons environ 8 à 10% des candidatures reçues. L’accompagnement est ensuite personnalisé, nous privilégions ainsi la qualité à la quantité.

Quelle est la tendance parmi les startups monégasques ? L’IA?

L’intelligence artificielle, notamment générative, et le machine learning sont effectivement au cœur de nombreuses innovations, et dans tous les secteurs. Les startups de notre portefeuille utilisent par exemple l’IA pour automatiser la mesure des émissions carbone des entreprises, optimiser des processus internes et proposer des chatbots avancés à leurs clients, fiabiliser et avancer le diagnostic médical, ou encore modéliser des processus biologiques complexes. C’est effectivement une tendance très forte.

Les technologies durables et écologiques continuent également à être sur le devant de la scène, et représentent pour MonacoTech environ 1/3 de notre portefeuille : motorisation décarbonée, gestion des déchets, green IT, solutions de soutien aux entreprises dans l’atteinte de leurs objectifs de réduction carbone, avec des applications notamment dans le maritime. Enfin, la santé et la biotechnologie sont également des secteurs en fort développement avec l’appui des nouvelles technologies, et pèse pour 1/3 des startups incubées.

Quelle est votre stratégie pour favoriser l’accès aux financements? La période est-elle compliquée?

L’accès au financement est effectivement un sujet central pour les startups, et cela est d’autant plus vrai pour les projets développant des technologies deeptech, qui nécessitent un temps long pour accéder au marché.

Les besoins de financement des startups de MonacoTech au cours de leur incubation sont généralement de type pré-Seed, seed ou pré-Série A, avec des montants variant entre 300k€ et 2m€. Pour répondre à ce besoin, nous avons développé un nouveau parcours dédié à la levée de fonds, aidant les startups à se préparer de manière professionnelle à cette étape importante. Nous offrons un accompagnement personnalisé, comprenant la conception de la documentation adéquate et la mise en relation avec des investisseurs qualifiés, business angels, family offices, fonds de capital-risque spécialisés dans les thématiques soutenues par l’incubateur.

Il y a également un pan de financement public dans chaque projet et nous travaillons avec le gouvernement pour activer ces dispositifs de soutien au bon moment. Ces soutiens vont de la faisabilité de l’innovation et du développement technologique jusqu'à la commercialisation et l'internationalisation.

Quels sont les enjeux selon vous pour les startups monégasques ? Restent-elles en principauté ou partent-elles à l’étranger?

Les enjeux des startups monégasques sont très similaires à ceux des startups européennes : il s'agit de lancer sur le marché une offre rentable à moyen ou long terme. Pour y parvenir, les startups doivent relever des défis en matière de recherche et développement produit, de commercialisation, de financement et de recrutement, et ce, dans un laps de temps restreint car l’environnement concurrentiel est souvent important.

Pour ces startups technologiques, un développement international est indispensable, et chacune doit trouver le modèle le plus favorable à son expansion. Il n'est pas rare que les fondateurs établissent plusieurs structures juridiques dans différents pays, mais le cœur de leurs activités reste généralement à Monaco.

Quelles sont les plus belles success stories ?

Parmi les success stories de MonacoTech, nous pouvons citer par exemple Carlo, l’application de paiement locale qui récompense ses utilisateurs. Après avoir conquis le cœur des Monégasques, Carlo se développe aujourd’hui dans d’autres villes, notamment à Aix-en Provence.

Il y a aussi Pineappli, une solution de services de dématérialisation (coffre-fort numérique, signature électronique, etc.), qui connaît également un développement prometteur et s’est rapproché d’un groupe luxembourgeois pour poursuivre sa croissance à l’international. YouStock, l’alternative de stockage à la demande, a également fait ses premiers pas à MonacoTech et est aujourd’hui présent en France, en Belgique et en Angleterre.

Nous avons également de belles pépites en cours d’incubation, telles que Coraliotech, biotechnologie marine spécialisée dans la valorisation et la production de molécules coraliennes, ou encore Net 0, qui accompagne les grandes entreprises et les gouvernements à mesurer, réduire et reporter leurs émissions carbone avec une solution IA de pointe. Et d’autres encore !

Les pires échecs?

Depuis la création, nous avons effectivement eu quelques déceptions. Toutes les startups ne réussissent pas. Les raisons d'échec d'une startup sont nombreuses et souvent interconnectées, impliquant à la fois des facteurs internes et externes. Sans nommer de startup précisément, nous avons eu des cas où les projets n’ont pas réussi à franchir le cap d’industrialisation indispensable à la pérennisation du modèle, des cas d’incapacité à sécuriser les financements nécessaires pour faire aboutir les développements technologiques et atteindre la commercialisation, d’autres cas aussi, où ce sont les tensions au sein de l’équipe fondatrice qui ont arrêté l’aventure ! Nos critères de sélection et nos points d’attention dans l’accompagnement s’affinent avec le temps.