Mettre de l’intelligence artificielle dans la relation client, cela n’a plus rien d’une promesse, c’est déjà une réalité. Celle-ci se décline dans 3 domaines, explique Vincent Luciani, cofondateur et CEO d’Artefact, société spécialisée dans l’exploitation de la data et de l’IA, lors d’une table-ronde organisée par Maddyness avec Engie, le 20 juin. « Le premier est le self care, où l’IA aide le client à résoudre lui-même son problème. Le second est l’agent augmenté ; l’IA permet ici au conseiller de répondre à des sujets complexes et de mieux vendre. Enfin, l’IA est un excellent outil pour améliorer la connaissance client, identifier les irritants et former. » 

Des champs d’action dans lesquels les entreprises ont déjà déployé des solutions très concrètes, en témoignent quelques-unes des innovations utilisées dans le service client d’Engie. L’énergéticien dispose par exemple d’un outil qui enregistre, retranscrit et analyse les appels clients, afin d’améliorer aussi bien leur qualité que les produits. De quoi permettre également d’identifier les axes de progression par conseiller clientèle et lui proposer via l’IA des modules de formation personnalisés.

Des gains réels pour l’entreprise et le client

« L’IA est également très efficace pour proposer de la personnalisation de masse. Elle nous permet par exemple de personnaliser nos propositions d’actions pour les clients engagés dans ‘Mon programme pour agir’. L’IA met en exergue les actions qu’ils semblent les plus enclins à entreprendre au regard de leur historique. Puis elle propose aux clients les projets les plus adéquats selon leur profil pour qu’ils utilisent les points ainsi gagnés. Le taux d’engagement a ainsi significativement augmenté », illustre Claire Gerbaud Ndomba, directrice marketing, data et communication chez Engie.      

Outre mesurer le taux d’engagement, comment vérifier que l’IA bénéficie bel et bien à la relation client ? « Toutes les avancées actuelles en matière d’IA appliquée à la relation client visent à optimiser le ratio LTV/CAC, c’est-à-dire la « valeur vie client » (Life Time Value) par rapport au coût d’acquisition de ce client (CAC). Idéalement, il doit être supérieur à 3 et c’est un chiffre clé pour les professionnels du capital risque dans leur évaluation des startups de l’IA », répond Etienne Krieger, professeur à HEC Paris et spécialiste de l’innovation et de l’entrepreneuriat. 

Alors que l’utilisation de l’IA dans la relation client prend de l’ampleur, de premiers chiffres permettent également d’estimer les bénéfices apportés. « Cela permet un gain de satisfaction du service client significatif, de l’ordre de 20 % à 40 %, car le taux de résolution de problème augmente. De plus, l’IA permet des gains économiques importants, en diminuant le nombre d’appels grâce au self care et en réduisant la durée de traitement des appels et des dossiers », appuie Vincent Luciani.

Demain, encore plus d’IA ?

De quoi déclencher un enthousiasme certain, mais qui ne doit pas faire oublier quelques règles essentielles. « Nous envisageons chaque usage de l’IA sous le prisme de la sécurité, car l’IA c’est d’abord de la data, et son utilisation requiert un usage encadré. Ensuite, pas question de développer des usages qui ne soient pas réellement utiles, pour nos conseillers comme pour nos clients. Il y a tellement d’acteurs et de solutions qu’il peut être tentant de vouloir tester beaucoup de choses. Ce n’est pas notre ligne de conduite chez Engie », précise Claire Gerbaud Ndomba. 

Une assertion partagée par Etienne Krieger, qui rappelle l’importance de ne pas perdre la confiance des clients. « L’accroissement de la maturité technologique va rendre l’IA toujours plus efficace en matière de personnalisation, et les clients vont avoir des attentes de plus en plus fortes pour des solutions fluides, H24 et personnalisées. Mais cela ne doit pas faire oublier le respect des préoccupations éthiques, ni l’importance d’une intégration transparente avec les systèmes existants de l’entreprise. »

D’ici 6 à 12 mois, les innovations en matière d’IA devraient encore connaître une accélération. Vincent Luciani annonce des progrès en matière de qualité de la voix, d’empathie, ainsi que des IA capables de faire des actions, de produire non plus du contenu, mais des initiatives. « Nous sommes face à une véritable révolution industrielle, confirme Etienne Krieger. Nous allons assister à l’émergence de nouveaux fournisseurs de solutions verticales pour le service client, avec des startups qui développent des solutions d’IA sur des segments spécifiques, comme les TPE/PME. » 

Mais pour que ces solutions démontrent leur utilité, encore faut-il ne pas oublier un acteur essentiel de cette révolution : le collaborateur de l’entreprise. « L’humain est et doit demeurer au cœur de tout. Cela implique évidemment de former nos collaborateurs à l’IA, de leur donner l’occasion de développer de nouvelles compétences, comme prompter, mais aussi d’expérimenter l’IA dans un environnement sécurisé, car la sécurité doit présider à ces projets », conclut Claire Gerbaud Ndomba.