Les sous-cultures sont un ensemble de rituels et comportements (façon de communiquer ou de reporter, process, codes vestimentaires…) qui, au sein d’une même entreprise, s’émancipe de la culture dominante pour générer un mode de fonctionnement « à part ». L’agence TheDots organisait le 20 juin dernier à Paris une conférence consacrée à ce phénomène visant à identifier les circonstances qui favorisent leur émergence ainsi que leurs potentiels effets sur le fonctionnement de l’organisation.
Surtout, elle analysait les ressorts à actionner pour que ces sous-cultures ne nuisent pas à la cohésion d’équipe et, au-delà, à la performance de l’entreprise, mais restent un atout sur lequel capitaliser. Car Antoine Denoix, fondateur et CEO d’AXA Climate (filiale du groupe Axa qui accompagne les organisations dans leur adaptation climatique), insiste : toutes ne sont pas à appréhender comme un risque.
Les sous-cultures : vecteur de créativité et de création de valeur
Le dirigeant y voit au contraire un vecteur de créativité à préserver. « Les sous-cultures c’est la diversité : pas celle imposée par les quotas et les rituels décrétés. Celle qui passe par la cohabitation de vues différentes et représente un moteur d’innovation et d’enrichissement collectifs, estime-t-il. C’est l’expression des singularités ». Celle des collaborateurs et celle des équipes. Raison pour laquelle, chez AXA Climate, on a fait de leur cohabitation un mode de fonctionnement clairement revendiqué. « Ici, non seulement on est une sous-culture d’AXA mais on fonctionne avec cinq sous-cultures identifiées, explique Antoine Denoix. Une par métier et par profil de collaborateurs : les activistes écolos pour la formation, les introvertis experts de la data pour l’assurance, les communicants tournés vers l’écoute pour le conseil, etc. Soit, au total, cinq sous-cultures bien distinctes qui cohabitent et nourrissent notre écosystème ».
Qu’elle soit liée à un profil « métier », à une implantation géographique, à un écart générationnel, ou qu’elle résulte d’une opération de M&A, l’émergence de sous-cultures dans une organisation est quasi-inévitable, estime Stéphanie Fraise, DRH d’OpenClassrooms et ancienne directrice de Talent Developpement de Blablacar. Pour elle, la question est : « comment faire pour qu’elles ne deviennent pas une menace » ?
Expliciter l’implicite pour éviter les contre-cultures
Premier impératif : détecter au plus tôt les risques éventuels d’incompatibilité culturelle. Au cours des entretiens d’embauche lorsqu’il s’agit de nouveaux arrivants et en amont de la phase d’intégration dans le cadre d’un M&A. « Chez Blablacar, on avait mis en place l’entretien "cultural fit" pour tester les valeurs du candidat. Et lors d’un M&A, la due diligence culturelle est essentiel pour identifier les possibles points d’achoppement », explique-t-elle. Elle cite notamment l’exemple du rachat de Ouibus par Blablacar et du « choc des cultures » qui s’en est suivi entre « d’un côté les méthodes de travail d’un grand groupe et, de l’autre, l’agilité d’un fleuron de la tech »…
Deuxième impératif selon elle : « expliciter l’implicite ». En clair : décrypter cet « héritage collectif » spontanément adopté en interne en nommant les valeurs qui le constituent et les comportements qu’elles induisent. Alors, on peut identifier les incompatibilités, les traiter, et permettre aux sous-cultures d’exister tout en alignant sur ce qui rassemble, explique Stéphanie Fraise. « Non pas pour produire des clones, insiste-t-elle, mais pour éviter qu’une sous-culture se transforme en contre-culture. » Et donc, en menace pour l’organisation.
L’impératif d’un socle commun
Pour cela, ériger la culture en doctrine et édicter des règles top-down auxquelles les collaborateurs obéissent sans adhérer serait contre-productif. Pour fédérer les sous-cultures et leur permettre de co-exister avec la culture dominante, les experts l’affirment : il faut « un socle commun ». Un ensemble de valeurs qui font la colonne vertébrale de l’entreprise et qui vont se matérialiser dans l’adoption de rituels partagés.
Chez AXA Climate, ceux-ci prennent la forme de deux réunions hebdomadaires. Une permettant à chacun de s’exprimer librement sur les sujets en cours, l’autre durant laquelle chaque collaborateur s’en voit attribuer deux autres avec qui échanger, dans une démarche de feedback ou de découverte de l’autre. « L’objectif de ces deux temps obligatoires est de créer du liant et des connexions entre les sous-cultures, explique Antoine Denoix. C’est ainsi qu’elles deviennent un moteur de créativité et d’innovation. » Un élément majeur d’attraction et de rétention des collaborateurs doublé d’un moteur de performance.