La dissolution de l’Assemblée nationale a pris tout le monde de cours. Et l’instabilité politique qui en résulte a déjà provoqué de lourdes conséquences sur l’économie. Après l’annonce de la dissolution, le CAC 40 a chuté de 6,5 % en cinq jours. Au total, près de 160 milliards d’euros de capitalisation se sont envolés. Au-delà de ces conséquences immédiates, un changement de majorité pourrait faire émerger de nouvelles mesures fiscales, afin de faire face à la forte aggravation du déficit public, qui atteint 5,1 % du produit intérieur brut, contre 4,4 % initialement prévu. Les différents partis envisagent donc des solutions pour réduire la dette, notamment via la fiscalité. Mais des restrictions concernant les investissements étrangers pourraient également pénaliser de nombreuses startups. Sans compter les éventuelles réformes sur l’immigration et les difficultés à attirer des talents étrangers.

Investissements étrangers

Le Rassemblement national et Reconquête souhaitent notamment un contrôle accru des investissements étrangers. Le RN envisage d’interdire les intérêts étrangers à racheter des entreprises françaises de pointe du secteur numérique. Un sujet sur lequel s'attardent peu les autres partis. Pour France Digitale, cette mesure est problématique. « Nous avons vraiment besoin d'investissements étrangers. Il n’y a pas d’entreprises strictement françaises. Et pour entrer sur le marché américain ou asiatique, nous avons besoin de partenaires étrangers, donc il n’est pas raisonnable d’interdire ces investissements », estime Marianne Tordeux, directrice des affaires publiques chez France Digitale. La France est d’ailleurs la championne d’Europe avec 1194 projets d'investissements recensés en 2023, selon le baromètre EY.

Recrutement de talents

Le Rassemblement national et Reconquête font également de la lutte contre l’immigration leur cheval de bataille. France Digitale rappelle qu’une startup sur cinq a recours au French Tech Visa, qui permet d'accélerer les délais d’obtention des visas et permet aux résidents hors zone euro de venir travailler dans une startup. « Ce dispositif est notamment ce qui a permis de rendre attractive la France en dehors de l’Europe, souligne Marianne Tordeux. Nous avons beaucoup de développeurs originaires du Maroc ou de Tunisie car ils sont très bien formés. C’est aussi le cas des ingénieurs indiens, philippins ou américains. Et cela permet d’avoir des complémentarités de compétences. D’autant que la France fait partie des capitales mondiales de l’intelligence artificielle, et que nous avons besoin de talents étrangers pour conserver notre avance. »

Pour les startups, recruter des étrangers peut aussi être un bon moyen pour s’implanter dans un pays. Partoo, spécialisé dans l’amélioration de la visibilité en ligne pour les commerçants, a notamment recruté des talents étrangers à Paris pour s’implanter rapidement dans 50 pays. « Pour être une entreprise internationale, on ne peut pas être franco-francaise », poursuit Marianne Tordeux.

Fiscalité

Pour Les Républicains, il faut baisser les impôts de production et les cotisations sociales des entreprises, ainsi que les charges sociales salariales. Le programme Ensemble (Renaissance, Modem, Horizons, Parti radical, UDI) ne souhaite pas augmenter les impôts des entreprises et des particuliers et poursuivre également la baisse des impôts de production, notamment avec la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises pour toutes les entreprises d’ici 2027. Une mesure reprise par le RN et par Reconquête, qui envisagent également de supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés.

Le Front populaire n’aborde pas ces sujets mais parle en revanche de supprimer la taxe forfaitaire unique (flat tax) qui plafonne à 30% l’impôt sur les revenus du capital (dividendes, plus-value de cessions des actions). Il y a quelques années, ce prélèvement forfaitaire avait déjà été remis en cause pour un barème progressif semblable à celui de l’impôt sur le revenu. Pour France Digitale, « remplacer cette flat tax par un prélèvement progressif empêcherait les entrepreneurs de réinvestir dans d’autres projets. »

Emploi/salaire

Ensemble envisage d'augmenter le montant de la prime « Pouvoir d’achat ». Le but : permettre aux entreprises d'augmenter jusqu'à 10.000 euros par an, sans charge ni impôt, le montant de la prime de pouvoir d'achat qu'elles ont versé à 6 millions de salariés en 2023. Pour le Nouveau Front populaire, la priorité est à l’augmentation du SMIC. Actuellement fixé à près 1.400 euros net par mois, il passerait à 1.600 euros net. Une autre proposition de l’alliance des gauches vise à intégrer des avantages au sein des conseils d'administration, et le partage de la valeur, via l’actionnariat salarié.

Numérique/Innovation

Pour ce qui est de l’innovation, l’ensemble des partis politiques semblent être d’accord. Ils veulent accélérer les achats technologiques, en s’appuyant notamment sur l’Europe pour les achats publics.

Le Rassemblement national souhaite toutefois un recours exclusif à des fournisseurs français pour la commande publique dans les domaines militaires et de sécurité nationale et obliger l’hébergement des données des Français et des services publics en France ou dans l’UE par des opérateurs français ou européens. « Faire émerger des solutions françaises souveraines dans le cloud et la cybersécurité » est également une mesure du programme Reconquête.

La droite souhaite quant à elle doubler le budget de l’UE consacré à la recherche et l’innovation pour la période 2024-2027 tout en fixant l’objectif de 4 % du PIB européen consacré à la recherche et l’innovation d’ici 2030.

La plupart des partis s’accordent également sur leur volonté de financer l’innovation au travers la mobilisation de l’épargne des Français. Reconquête veut notamment « permettre aux Français d’investir sans aucune fiscalité dans les startups et entreprises innovantes en créant un Livret Innovation. »