Il y a presque une quinzaine d’années, le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa livrait une étude magistrale sur l’accélération du temps dans les sociétés modernes et ses conséquences. Depuis, le temps n’a cessé de s’accélérer et nulle part ailleurs que dans la technologie, cette tendance ne se manifeste de façon plus spectaculaire. Il est plus que jamais nécessaire de prendre la mesure de cette accélération sur les stratégies de recherche et de développement des entreprises, qu’il s’agisse de startup, d’ETI ou de grandes entreprises.
Dans la compétition mondiale pour la maîtrise des technologies, le délai du « go-to-market » est stratégique. Auparavant, on estimait qu’il fallait dix ans pour qu’une technologue devienne mature. Aujourd’hui, il n’est plus question qu’une entreprise, quelle que soit sa taille, mette cinq ans à développer une innovation. Et c’est encore plus vrai pour une startup de la Deeptech, qui doit consolider rapidement sa technologie tout en dégageant très vite du chiffre d’affaires et de la marge, faute de quoi elle s’expose à être dépassée par des concurrents ou à ne pas trouver les financements nécessaires à son développement, l’empêchant ainsi d’atteindre une taille critique. Dans l’intelligence artificielle par exemple, le rythme auquel sont dévoilées les nouvelles versions des modèles LLMs donne une idée assez précise de cette accélération vertigineuse, qui rend nécessaire des investissements en R&D pérennes et de plus en plus significatifs. Y compris pour les startups qui veulent rester dans la course.
Délais compatibles
Mais s’il est assez aisé de porter ce constat, il est plus difficile d’y répondre. Comment consolider sa technologie dans des délais compatibles avec les attentes du marché ? En matière de recherche et d’innovation, grâce aux contrats de recherche partenariale avec les grands laboratoires publics, l’accès aux technologies de niveau mondial est rendu possible pour toutes les entreprises. Le Réseau des Carnot lance une centaine de startups deeptech par an dans tous les secteurs clés de l’économie, ce qui fait vivre au quotidien la richesse de la recherche partenariale.
Ces contrats de recherche permettent aussi aux entreprises d’avoir un accès privilégié à de véritables plateformes technologiques pour tester et valider des innovations, des produits, des procédés, à des coûts maîtrisés, ce qui est un stade indispensable au développement et au déploiement d’une innovation. C’est un élément méconnu, mais très important de la chaîne d’innovation : l’environnement de test est une donnée essentielle pour la mise au point d’une technologie.
C’est d’ailleurs pour accélérer ce processus que l’Union européenne a créé les Testing and Expérimentations Facilities (TEFs), afin de donner aux entreprises l’accès à des plateformes techniques, de test et d’expérimentation, en particulier dans les technologies avancées, qu’il s’agisse de softwares, de hardware ou de robotique. Ces TEFs sont animés par les grandes infrastructures de recherche d’un certain nombre de pays européens comme les instituts Fraunhofer en Allemagne ou le Réseau des Carnot en France.
C’est de cette façon que l’on pourra amener les entreprises vers l’innovation, grâce à la collaboration avec des alliances de laboratoires de recherche et à des modes de coopération qui privilégient la rapidité, l’efficacité, la validation opérationnelle de toutes les dimensions de l’innovation appliquée à un produit ou à un service. Car le paradoxe est que les structures de recherche publique travaillent sur le long terme certes, mais c’est précisément grâce à la profondeur de leurs compétences dans les technologies clés qu’elles peuvent permettre aux entreprises de se mettre en position d’accélération.