La vitalité de l’écosystème quantique en France ne se dément pas. Nouvelle illustration avec le tour de table de 18 millions d’euros réalisé par la startup C12. Dans le cadre de cette opération, la société, qui ambitionne de développer des ordinateurs quantiques de nouvelle génération, a pu compter sur le soutien de Varsity, fonds early-stage lancé par des anciens de Société Générale et Serena, EIC Fund, bras armé de l'Europe pour financer les deeptechs européennes, ou encore Verve Ventures. Des investisseurs historiques, comme 360 Capital, Bpifrance via son fonds Digital Venture et BNP Paribas Développement, ont également pris part à cette levée de fonds. Celle-ci vient s’ajouter un tour de table de 10 millions de dollars bouclé en 2021.

C12 a vu le jour en 2020 sous l’impulsion des frères jumeaux Pierre et Matthieu Desjardins. Spin-off du laboratoire de physique de l’École Normale Supérieure de Paris, la jeune pousse tricolore s’attèle à concevoir et fabriquer un ordinateur quantique à grande échelle et tolérant aux erreurs.

Dans ce cadre, l’entreprise se distingue par un procédé innovant pour aboutir à des qubits de haute qualité. «Les qubits sont piégés grâce à l’utilisation de nanotubes de carbone, ce qui les protège des perturbations de l’environnement. Nous sommes les seuls au monde à savoir faire ça», assure Pierre Desjardins, co-fondateur et CEO de C12. «Tout comme le silicium a établi les fondements de l'informatique classique dans les années 1950, nous avons la ferme conviction que le carbone détient la clé pour libérer le potentiel extraordinaire de l'informatique quantique», ajoute de son côté Nader Sabbaghian, Partner chez 360 Capital.

«Nous contrôlons nos qubits de la même manière qu’IBM»

Avec son approche, la startup espère faire la différence sur un marché de l’informatique quantique qui est entré dans une nouvelle dimension ces dernières années, notamment sur fond de course à la suprématie quantique entre des mastodontes comme Google et IBM. C12 entend notamment s’appuyer sur sa nouvelle levée de fonds pour réaliser une opération quantique particulièrement ambitieuse être deux qubits distants.

«Dans notre architecture, nous avons fait en sorte que les qubits puissent être mis n’importe où sur une puce quantique. C’est un jalon significatif pour notre technologie. Dans la roadmap technique d’IBM, l’une des étapes mentionnées est de travailler sur une architecture de ce type», observe le patron de C12. Avant d’ajouter : «Nous contrôlons nos qubits de la même manière qu’IBM.»

«Nous n’aurons aucun complexe lorsque nous serons les premiers sur la Lune !»

Dans le cadre de son développement, C12 a franchi un cap important en octobre 2023 avec l’inauguration de sa première ligne de production de processeurs quantiques à Paris. Baptisée «Quantum Fab», elle comprend plusieurs laboratoires, dont une salle blanche pour la fabrication de puces semi-conducteurs, et doit permettre à la jeune pousse française de faire un pas décisif pour fabriquer ses premiers produits quantiques. A l’heure actuelle, elle planche notamment sur des puces quantiques de 1 à 2 qubits.

«Cette course technologique ressemble à celle des programmes pour aller sur la Lune. Pour l’instant, nous avons juste décollé de quelques dizaines de mètres. Mais nous n’aurons aucun complexe lorsque nous serons les premiers sur la Lune !», lance avec enthousiasme Pierre Desjardins.

De premières briques ont été posées dans ce sens avec la signature de premiers accords avec des industriels français en chimie et en optimisation. C12 a même été retenu pour le programme Proqcima lancé en mars 2024 par le ministère des Armées, en collaboration avec le Secrétariat Général Pour l’Investissement (SGPI), pour aboutir à deux prototypes d’ordinateurs quantiques universels de conception française à horizon 2032.

Un émulateur quantique lancé en 2023

Après de premières années encourageantes, la société tricolore espère passer la vitesse supérieure dans les prochains mois pour devenir un leader européen des ordinateurs quantiques. «Nous sommes certains que nous n’allons pas fabriquer un ordinateur quantique tous seuls. On se base sur beaucoup d’autres briques développées par d’autres acteurs», indique le co-fondateur et CEO de C12.

La société, qui compte actuellement 45 collaborateurs issus de 18 pays, espère convaincre d’autres partenaires industriels à se greffer à son projet, après avoir dégainé un premier produit en 2023, en partenariat avec OVHcloud. Baptisé «Calisto», il s’agit d’un émulateur quantique constitué de 13 qubits pour explorer les opportunités offertes par les technologies quantiques. Air Liquide s’en est notamment servi pour simuler des réactions chimiques. Et ce n’est qu’un début alors que le monde technologique n’a d’yeux actuellement que pour l’IA générative. Mais l’informatique quantique est la prochaine grande révolution technologique annoncée de ce siècle.