Il n’est pas rare, lorsqu’une startup française s’implante sur le marché américain, que le fondateur ou le CEO s’y expatrie, et parfois avec certains salariés. Qu’il s’agisse des fondateurs, de salariés passant de la France aux États-Unis ou de salariés recrutés directement sur le sol américain, il faut penser en amont à la politique salariale, aux statuts, aux avantages en nature et aux avantages financiers.
Une politique salariale solide et adaptée permettra de s’épargner quelques ennuis administratifs et financiers, mais aussi d’attirer et de fidéliser les talents. Il est d’autant plus important d’y réfléchir, qu’aux États-Unis, les salariés peuvent partir du jour au lendemain ! Les politiques de rétention salariale ont donc un rôle encore plus important à jouer.
Conseil n°1 : adapter le salaire
Aux États-Unis, le coût de la vie est bien supérieur à celui de la France, et cet écart s’est encore davantage accentué avec l’inflation qu’a connu le territoire américain ces trois dernières années. Dans une ville comme New York, il faut aller jusqu’à multiplier le salaire par trois. « Quand on dit cela, les fondateurs nous prennent parfois pour des fous, mais c’est pourtant la réalité », partage Yoann Brugière, cofondateur d’Orbiss, cabinet spécialisé dans le développement des entreprises aux États-Unis. « La situation géographique doit vraiment être prise en compte. Si on est à New York ou San Francisco ou dans une petite ville du Colorado, le coût de la vie est très différent », précise encore Christophe Cazes, Head of Finance & People chez Mindee, une startup accompagnée par le cabinet Orbiss lorsque sa maison-mère est devenue américaine. Aux États-Unis, certaines entreprises ont parfois même des grilles de salaire en fonction des localités.
Comme ces startups sont souvent sous investisseurs, il faut trouver les bons arguments pour convaincre les fonds. « Dans le cas de Mindee, Y Combinator était derrière et ils connaissent le marché, mais quand il n’y a aucun actionnaire américain au board, conscient de ces données de coût de la vie, il est parfois difficile de convaincre que le salaire du fondateur doit être multiplié par trois », avance Yoann Brugière. « L’une des solutions peut aussi être de discuter avec des chasseurs de tête sur place pour avoir une idée du marché », ajoute Christophe Cazes.
« Les marchés sont vraiment différents, il ne faut pas essayer de se fier aux organismes qui estiment le coût de la vie, ils sont de moins en moins pertinents », souligne Yoann Brugière. Il conseille de regarder les données de marché américaines pour déterminer les salaires. Il faut prendre en compte le coût de l’immobilier, mais aussi le statut du salarié.
« En France, les charges sociales sont plus importantes, mais en contrepartie, il y a beaucoup d’avantages sociaux comme l’école et la santé. Aux États-Unis, tout est payant, le lycée français par exemple ou la santé coûtent très cher », souligne Yoann Brugière.
Enfin, concernant la structuration du package, notamment pour les fonctions commerciales, elle est en général similaire à celle pratiquée en France, avec environ 50% en salaire et 50% en commission. « Quand on est implantés en France et aux États-Unis, cela permet de loger tout le monde à la même enseigne et donc d’avoir une certaine cohérence », commente Christophe Cazes.
Conseil n°2 : choisir le bon statut pour les salariés qui partent aux États-Unis
Quand une filiale ouvre aux États-Unis, une partie des salariés migre de la France vers les États-Unis. Se pose alors la question du statut à donner à ces salariés, qu’ils soient les fondateurs ou des C-levels. Les deux options les plus fréquemment utilisées sont le détachement et le contrat local.
Le statut de “détaché” permet de garder les charges sociales françaises, ainsi, les salariés ne perdent pas leurs avantages, tels que la sécurité sociale ou la retraite, en venant aux États-Unis. « Le statut de détaché est problématique à plusieurs niveaux. Il oblige à faire deux bulletins de paye, car le salarié doit tout de même payer des impôts sur le revenu aux États-Unis. Or, souvent, les sociétés les plus jeunes n’ont pas accès aux logiciels capables de faire cela. Elles doivent donc faire des retraitements manuels, propices aux erreurs, qui peuvent leur faire perdre du temps et de l’argent », partage Yoann Brugière.
Ce statut peut donc convenir aux très grands groupes qui ont accès aux logiciels adéquats, mais pour les startups post série A ou série B, Orbiss conseillera systématiquement des contrats locaux, avec des charges payées aux États-Unis. « Si on veut garder les avantages français, dans ce cas, il vaut mieux, en complément, se diriger vers la Caisse des Français de l’Étranger, c’est un organisme qui vient remplacer l’URSSAF pour les Français travaillant à l’étranger et qui donne les mêmes avantages qu’à un salarié avec un contrat français », conseille Yoann Brugière. « Il y a un petit coût supplémentaire, mais sur le long terme, c’est beaucoup plus simple et c’est bien mieux pour le dirigeant », confirme Christophe Cazes.
« Les deux fondateurs de Mindee qui sont venus aux États-Unis ont aujourd’hui des contrats locaux. Seul l’un des deux est à la CFE, car après, cela dépend des envies et des besoins de chacun », ajoute-t-il.
Conseil n°3 : penser aux avantages en nature
Aux États-Unis, on paye moins de charges sociales, environ 8% pour le salarié et 8% pour l’employeur contre respectivement 23% et 23% en France. Mais ces charges n’incluent pas la retraite, l’assurance santé, etc. l faut donc bien prendre tout cela en compte lors de la définition du salaire.
« Une assurance santé va coûter entre 600 et 1200 dollars par mois, la société va abonder l’épargne retraite sur le principe du “matching”, et doit donc budgéter entre 500 et 1000 dollars par mois », détaille Yoann Brugière.
Il faut aussi garder en tête, qu’aux États-Unis, tout avantage en nature est par défaut taxable. « Si la société paye, par exemple, l’école pour les enfants, une allocation logement ou un cabinet d’avocat, le salarié va, par défaut, être taxé dessus. Pour éviter un suivi régulier de l’entreprise et de potentielles erreurs, il vaut mieux prendre cela en compte dans le salaire de base », alerte Yoann Brugière.
Conseil n°4 : considérer les stock-options comme un must-have
« Aux États-Unis, les stock options sont un must-have », déclare Christophe Cazes. Si l’intéressement au succès de la startup via des actions gratuites ou des BSPCE devient de plus en plus important en France, aux États-Unis, il est systématique, et représente une véritable composante du salaire. « Les stock options peuvent constituer un avantage compétitif en matière d’attraction de talents. Souvent, ils sont même attribués à l’ensemble des salariés », poursuit-il.
Pour les stock options aussi, il faut s’assurer qu’ils ne soient pas considérés comme un avantage en nature taxable.
« Pour cela, le mieux est de les attribuer au tout début quand la valorisation est proche de zéro, et de revoir les contrats de stock options/BSPCE avant l’immigration aux USA, afin de s’assurer qu’ils soient aussi “qualifiant” aux Etats-Unis», conseille Yoann Brugière.
« Nous recommandons également de mettre en place des programmes pour faire connaître les stock options qui sont souvent mal compris par les salariés afin de ne pas générer de frustration », ajoute-t-il.