Investisseur, mentor, CEO de la Femme Digitale… Delphine Remy-Boutang est tout cela. Ces activités ont un but commun : encourager les femmes à prendre plus de place dans le monde de la tech. Après une carrière à Londres chez IBM, Delphine Remy-Boutang rentre en France avec le sentiment de tout avoir à recommencer. Elle lance alors The Bureau, cabinet de conseil spécialisé en social média, et en parallèle la Journée de la Femme Digitale. Depuis un an, elle a complété ses activités avec une société d’investissement, Arver, “100% femmes, 100% tech”. 

Delphine Remy-Boutang met aussi en lumière les femmes à travers ses livres. À l’approche des Jeux Olympiques, elle publie une série de portraits de femmes entrepreneures : “Athlètes de l’innovation, les femmes à la conquête de la tech”. Pour elle, être entrepreneur, c’est être athlète, être marathonien, soit performer sur le temps long. 

Maddyness : Vous avez créé la Journée de la Femme Digitale, en 2012, puis une société d’investissement en capital-risque, Arver, avec cette thèse : 100% Femmes, 100% tech. Pourquoi cet engagement ?

En 2012, je rentrais en France après 15 ans passés à Londres chez un géant mondial de la tech. Je rends ma voiture de fonction, je rentre en France, j’achète un scooter. Je n’avais pas de réseau, je devais complètement redémarrer. 

J’étais souvent invitée dans des événements pour raconter la transformation d’IBM en social business que j’avais menée pendant 6 ans. C’est comme cela que j’ai décidé de créer un évènement à côté de The Bureau — agence de conseil en social média fondé par Delphine Remy-Boutang, ndlr —. Donc, j’ai co-fondé la Journée de la Femme Digitale. Au départ, c’était une demi-journée et puis, au fil des ans, c’est devenu un accélérateur de croissance pour les femmes de la tech en Europe, en Afrique et au Canada plus récemment. 

Nous avons 150 000 membres actifs dans le monde. L’idée était vraiment de faire émerger des rôles modèles, de réunir les femmes et le numérique. 

Pour changer le monde, il faut commencer par changer la façon dont il est financé. 98% des fonds d'investissement, dans le capital risque, vont aux hommes et non aux femmes. Je le vois, dans les tours de table, etc. Tous les analystes sont de jeunes hommes de moins de 30 ans, blancs, diplômés de grandes écoles. Il y a forcément un biais. 

Parmi toutes les startups à impact françaises, 27% sont créées par des femmes. Il y a bien une accélération, en particulier ces cinq dernières années : les femmes passent à l’action et elles entreprennent. L’impact à toujours été un sujet féminin. Aujourd’hui, les fonds d’investissement cherchent à investir dans ces sujets, c’est une bonne nouvelle pour les femmes. 

Mais il faut faire attention à ce que nous gardions la main sur ces sujets. Rappelez-vous, au départ les métiers du numérique étaient des “petits métiers”, puis ce sont devenus des postes à enjeux, alors les hommes se sont emparé de ces métiers. C’est l’esprit du prix Margaret, lancé en 2013, inspiré de ces figures de l’ombre, ces codeuses. Le prix tire son nom de Margaret Hamilton, directrice de la division software engineering qui a développé les logiciels embarqués du programme spatial Apollo de la NASA.  

Il faut faire attention à ce qu'il ne se passe pas la même chose sur les sujets d’impact. Il faut bien qu'on garde nos sujets et notre leadership. Il faut qu'on reste au pouvoir.

Comme un athlète, avez-vous un coach ? Quelle est votre routine ? 

J'ai un coach, c'est mon mari ! Je suis végétarienne depuis plus de 15 ans. J'essaie de me coucher tôt. Je me lève tôt. Je fais beaucoup de sport, entre 4 et 6 heures de yoga par semaine. J’essaye de pratiquer 2 à 3 heures par semaine. 

Être entrepreneur, c’est donc bien mener une vie d’athlète. Je me lève de à 5 heures du matin, je travaille jusqu’à 7 heures. Ensuite, de 7 heures et demie à 8 heures et demie, je réponds à tous mes mails, pour partir à mon premier rendez-vous à 8 heures et demie. C'est sportif ! 

D’ailleurs, je vais à tous mes rendez-vous en basket et je mets mes talons juste avant ! Je ne me déplace qu’en vélo ou à pied. Cela me donne un temps de réflexion… Et puis je participe aussi à des cocktails et des dîners, il faut toujours montrer la meilleure image de soi possible, car c’est la première impression qui marque. C’est d’ailleurs ce que j’avais appris à l’école des ventes, la première impression est celle qui reste. C’est difficile de revenir dessus. 

Comment faites-vous pour jongler entre vos activités ? 

Justement, je ne jongle pas. Je ne crois pas qu'une femme puisse faire 10 choses à la fois. Surtout pas dans les affaires. C'est un mythe. Quand je travaille sur quelque chose, je le fais puis je ferme le sujet. Je fonctionne de plus en plus comme ça. 

J'ai beaucoup de dossiers. Je suis investisseur et j'investis dans plusieurs entreprises, je suis au board de plusieurs entreprises. L’une d’elle est basée à Los Angeles donc je réalise des calls entre 22h et 23h.

C'est de la préparation, comme un athlète. J'aime bien être dans ma bulle avant les rendez-vous pour vraiment prendre le temps de me préparer, d’être au calme. On n'est pas bons quand on court. 

Quand on est investisseur, on ne donne pas juste de l’argent. On apporte des conseils, on accompagne, nous sommes présents quand les choses vont bien mais également quand ça va mal.