En France, 25 % des défaillances d'entreprises seraient dues à des retards de paiement, ce qui en ferait la première cause de faillite selon une étude de l'Union nationale des huissiers de justice (UNHJ). Depuis le début de l’année, déjà 40% des défaillances d'entreprise seraient causées par les impayés.

Il y a quelques temps, Jamespot, spécialisée dans les réseaux sociaux d’entreprise, a bien failli en faire les frais. « Aujourd’hui, nous avons une trésorerie solide et faisons travailler 50 salariés. Mais lorsque nous étions 15, un paiement de la part d’un client pouvait conditionner le versement de tous les salariés. C’était très anxiogène », confie Alain Garnier, le dirigeant, qui a été obligé d’emprunter de l’argent auprès de la banque pour avoir suffisamment de trésorerie. « Désormais nous payons des intérêts pour compenser les délais des grands groupes qui font des bénéfices colossaux… », s’agace-t-il.

Les impayés représentent deux mois de trésorerie

Depuis que la société est née, en 2005, Jamespot a toujours été victime de nombreux impayés. « Nous travaillons avec des ETI, des grands groupes. Et les entreprises françaises payent très mal, c’est culturel », estime le dirigeant, qui précise que le délai de paiement moyen est de 150 jours au lieu de 45 jours légalement. En Allemagne, il est de trois jours. « Les grosses sociétés veulent faire courir leur trésorerie, sauf que ça provoque des réactions en chaîne », souligne Alain Garnier. Aujourd’hui, Jamespot réalise 5 millions d’euros de chiffre d’affaires et enregistre 800 000 euros d’impayés. « Cela correspond à deux mois de trésorerie chez nous. Et c’est une somme qui nous manque en permanence. »

Selon Rachel Hourlier, la dirigeante de Gcollect, une fintech spécialisée dans le recouvrement, « la question des impayés concerne toutes les entreprises. On considère qu’1 à 3 % du chiffre d’affaires des sociétés n’est jamais rétribué.» Le marché de l’impayé en France est de 59 milliards d’euros. « Parmi eux, 4,8 milliards ne sont jamais confiés au marché du recouvrement et sont la cause de faillite », assure-t-elle. Selon la spécialiste, environ 80 % de TPE/PME ne s'équipent pas de solution de recouvrement. D’abord parce qu’elles n’en ont pas les moyens, mais aussi parce qu’elles ne savent pas vers qui se tourner ou ont peur d’entacher leur image si elles font appel à un huissier.

Demander 30 % d'acompte

Pour les petites entreprises, Rachel Hourlier préconise donc de peser le pour et le contre avant de signer avec un grand groupe. « L’idée est d’anticiper, de se poser les bonnes questions avant la vente et de savoir si on peut attendre plusieurs mois avant d’être payé. » Si ce n’est pas le cas, les petites sociétés peuvent aussi demander un acompte. « On conseille aux startups de demander 30 % dès la signature du contrat. »

Autre préconisation : toujours faire signer des devis, afin qu’il n’y ait pas de contestation possible en cas de facture impayée. « On conseille également de s’orienter rapidement vers un professionnel du recouvrement et de ne pas perdre trop de temps avec les relances. Il ne faut pas rester seul et en parler autour de soi pour se faire aider », poursuit-elle.

Les impayés freinent la croissance

« Quand on paye quelqu’un à faire des relances, on ne le paye pas à aller chercher des clients, ça freine la croissance », confirme Alain Garnier. Selon lui, c’est aux pouvoirs publics d’agir. Mais même lorsque les grands groupes sont sanctionnés, les amendes ne sont pas assez dissuasives. « SFR avait été condamné pour ses pratiques. Mais finalement, le montant de l’amende était dérisoire », souligne Alain Garnier.

D’autant que ces pratiques freinent l’économie au sens large. « Si demain les grands comptes payaient tout ce qu’ils devaient à leurs fournisseurs, la croissance française changerait du tout au tout », estime Alain Garnier. Car même les entreprises en croissance freinent leur développement parce qu’il leur manque du cash. « Avec les 800 000 euros que je n’ai pas, je pourrai embaucher des commerciaux ou faire plus de marketing. »