Ce n’est un secret pour personne, l’écosystème français des startups est bien plus software que hardware. Néanmoins, certaines jeunes pousses tricolores font le pari de se positionner sur cette verticale. Et pour elles, le Computex de Taipei est quasiment une étape incontournable pour prendre une nouvelle envergure. Et pour cause, Taïwan est l’île des semi-conducteurs, avec le mastodonte mondial TSMC en guise de figure de prouve. Elle est aussi le berceau de nombreux fabricants informatiques, comme Acer et ASUS.
Par conséquent, se rendre à Taïwan peut se révéler efficace pour taper dans l’œil de ces poids lourds ou de leurs partenaires, et ainsi repartir de Taipei avec un carnet de commandes bien rempli. Cette année, ce sont 9 startups tricolores, emmenées par Business France, qui se sont envolées pour le Computex, ou plutôt l’InnoVEX, la partie du salon qui met à l’honneur 400 jeunes pousses lors de cette édition 2024 : AMI (Advanced Magnetic Interaction), Dracula Technologies, Energysquare, Iten, Lumiscaphe, Music Unit, Nanomade, Seal SQ et Wise Integration. Une délégation restreinte qui tranche avec celle du CES de Las Vegas, qui comptait cette année pas moins de 135 jeunes pousses pour défendre l’innovation à la française sur le Strip de «Sin City».
«C’est the place to be pour nous»
Visiblement, le Computex est très apprécié par les Tricolores qui y participent, puisque plus de la moitié de la délégation française de l’an passé est revenue à Taïwan cette année. «L’InnoVEX est plus à taille humaine que des salons comme le CES. Cet événement crée des vraies discussions qui débouchent souvent sur des partenariats. C’est ultra-qualitatif ! Beaucoup d’acheteurs viennent pour faire du business», relève Romain Gaillac, Startup Manager sur les verticales hardware, IoT et Fintech au sein de Business France, auprès de Maddyness.
Ce n’est pas Florian Couvin, co-fondateur de Wise-Integration, spécialiste de la miniaturisation des chargeurs, qui dira le contraire. Cette année, il vit son troisième Computex. Pour lui, venir à Taipei est un impératif, puisque si l’entreprise tricolore, spin-off du CEA-Leti à Grenoble qui a levé 15 millions d’euros en début d’année, réalise le design de ses produits dans l’Hexagone, elle les fabrique et les vend en Asie, surtout à Taïwan où elle dispose d’un bureau depuis deux ans. «C’est the place to be pour nous», reconnaît-il. Avant d’ajouter : «Le Computex est l’un des plus gros salons asiatiques, c’est encore plus gros que l’an passé. En plus, le nouveau directeur du Bureau français de Taipei (Franck Paris, ndlr) veut renforcer les liens entre la France et Taïwan.»
Une proximité immédiate avec les plus gros fabricants hardware
De son côté, Alexandre Chaigne, ingénieur du son et studio manager chez Music, spécialiste du son immersif, revient pour la deuxième année de suite à l’InnoVEX. Avec la technologie de sa société qui peut être intégrée dans tout type de périphérique (casque, smartphone, ordinateur…), il lui apparaît naturel d’être au plus près des géants mondiaux du hardware. «Au Computex, les fabricants sont là, et l’InnoVEX devient un vivier considérable pour ces entreprises. Cependant, nous ne sommes pas seulement là cette semaine. On en profite pour rester une vingtaine de jours sur place pour faire un maximum de rendez-vous business», indique-t-il. Autrement dit, les personnes qui viennent au Computex et les Taïwanais ne sont pas là pour tourner autour du pot. Ils sont là pour nouer des relations commerciales et ils le font tout de suite savoir.
Cette approche très directe pour faire des affaires plaît également à Alain Jutant, en charge des ventes et du développement business d’Iten, fabricant de mini-batteries à l’état solide. «En 2023, ça s’était très bien passé, il y a eu beaucoup d’intérêt à notre égard», confie-t-il. Avant d’ajouter : «A Taïwan, les gens sont plus ouverts sur le monde, c’est plus simple de faire du business par rapport à d’autres pays en Asie. Par exemple, les Sud-Coréens sont beaucoup plus sévères, c’est plus difficile de faire des affaires avec eux.»
Pour Iten, l’enjeu est de taille puisque la deeptech a inauguré sa première usine de micro-batteries près de Lyon il y a quelques mois. Celle-ci est capable de produire 30 millions de batteries par an. Mais la société, qui a levé 80 millions d’euros en 2022, voit déjà plus loin, puisqu’elle prépare le lancement d’une deuxième usine à Chalon-sur-Saône. Objectif : produire 100 000 batteries par jour à partir de 2026, puis un milliard par an à l’horizon 2030.
Un emplacement qui fait grincer des dents cette année
Si le Computex est donc un rendez-vous particulièrement utile pour décrocher de précieux contrats commerciaux, tout n’est pas rose cependant. En effet, Christian Brun, le directeur du marketing et des ventes d’AMI (Advanced Magnetic Interaction), société spécialisée dans le magnétisme et la magnétométrie pour offrir de nouveaux usages sur les ordinateurs et les tablettes, estime que l’emplacement de l’InnoVEX cette année est loin d’être idéal. «L’an passé, le salon était situé au rez-de-chaussée. C’était beaucoup mieux ! Cette année, il faut monter au quatrième étage du hall 2. Le trafic est plus faible, les gens ne savent pas forcément où est situé l’InnoVEX», déplore-t-il.
En effet, il faut vraiment vouloir aller à l’InnoVEX pour réussir à le trouver. La configuration des halls d’exposition du parc des expositions de Nangang, sur plusieurs étages, a de quoi vite déboussoler les visiteurs les moins habitués. Rien d’insurmontable bien sûr, mais cela laisse beaucoup moins la place à des rencontres improvisées au détour d’une allée.
Néanmoins, Christian Brun se réjouit d’être à Taïwan, un pays clé en Asie, qui occupe «une place centrale dans l’industrie informatique». Surtout qu’il estime que le secteur est à la croisée des chemins. «C’est une industrie qui va se transformer. Nous avons quelques doutes sur l’avenir du PC. Je pense même qu’il n’y en aura plus dans 10 ans», prédit-il. «De notre côté, on ne veut pas opposer analogique et numérique. On veut faire l’un avec l’autre. Ce n’est pas un hasard si nous avons été rachetés par BIC il y a 18 mois», ajoute-t-il.
Il reste encore quelques heures à AMI et aux huit autres startups tricolores pour faire du business lors de ce Computex 2024. Avec quelques gros contrats à la clé avec les plus gros fabricants taïwanais ?