Près de 70 %. C’est la proportion d’opérations de M&A qui échouent en raison de divergences culturelles. Cette réalité, révélée par une étude du European M&A Institute, en dit long sur le poids de la culture d’entreprise dans des opérations trop souvent perçues comme dépendant exclusivement d’éléments financiers et commerciaux. Pour décrypter le phénomène, l’agence TheDots consacre la deuxième édition de son étude Culture Code à l’impact du facteur culturel dans les opérations de M&A.

Objectif : rappeler son poids décisif et identifier les bonnes pratiques permettant d’en faire un vecteur de succès au cours des trois étapes du processus d’acquisition : la due diligence, la post merger integration (PMI) et l’embarquement des équipes.

« À chacune de ces étapes, la non prise en compte des potentiels écarts culturels entre l’entreprise qui rachète et celle qui est rachetée peut faire échouer l’intégration », explique Jennifer Moukouma, cofondatrice de TheDots. Elle rappelle que la culture d’entreprise résidant dans un ensemble de comportements « implicites » – mode de communication, pratiques managériales, rapport à l’erreur, feedback, etc –, les identifier et mesurer leur compatibilité avec ceux d’une autre entreprise peut s’avérer complexe. Pour y parvenir, le DRH doit, dès la phase de due diligence, s’appuyer sur les documents internes à sa disposition (modèle d’évaluation de la performance, grille de recrutement… ) afin d’appréhender le fonctionnement réel de l’entreprise en passe d’être rachetée indépendamment des déclarations « souvent biaisées » de ses dirigeants.

Convaincre pour embarquer

Une fois le deal acté et les divergences culturelles identifiées, vient le temps de la PMI, au cours duquel le DRH établit un plan d’action destiné à les réduire. Pour cela, pas question de passer en force. « Il faut prendre le temps de convaincre les collaborateurs, les traiter comme des candidats à qui l’on veut donner envie », poursuit la cofondatrice de TheDots pour qui cette étape est fondamentale et peut aller, selon la stratégie d’intégration choisie – partielle ou totale – de l’élaboration d’un simple socle commun à la fusion totale des équipes et de leur culture.

Dernière étape : celle consistant à embarquer les collaborateurs sous l’impulsion de managers qui devront aligner les pratiques pour éviter de voir émerger deux sous-cultures au sein de la nouvelle entité avec, à la clé, deux modes de décision, de communication, de reporting, etc. DRH de Qonto, Sarah Ben Allel confirme : ignorer les écarts culturels ou les minimiser comporte un vrai risque. Tout comme le fait de brûler les étapes.

L’erreur de timing de Qonto

Son entreprise en a fait l’expérience il y a deux ans à l’occasion du rachat de son concurrent allemand, Penta. « On a lu les valeurs et échangé avec quelques personnes et cela nous a paru suffisant alors qu’on était très différents, raconte-t-elle. Fin juillet, on annonçait le rachat et quelques jours plus tard, tout le monde, en France, était en vacances et personne n’était là pour préparer l’intégration de septembre. » Une erreur de timing qui suscitera des mécontentements sans impacter la fusion, mais lorsqu’en mars dernier Qonto se lance dans un nouveau rachat avec la startup française Regate, l’entreprise a retenu la leçon. « Cette fois, on a pris le temps nécessaire pour faire adhérer les gens au projet, poursuit Sarah Ben Allel. On leur a envoyé des questions tous les mois pour identifier les problématiques et réagi sur chaque point soulevé pour éviter de voir les écarts se creuser. » Pour elle aucun doute : dans les M&A, la dimension humaine est un facteur d’échec et de réussite essentiel qui exige de s’inscrire dans le temps long « pour ne sous-estimer aucun problème, sur-communiquer, écouter et ajuster ».