Gilles Henry se présente comme un expert du pliage. Il s’était en effet rendu compte de la magie du pliage lors du lancement de la Yoyo, une poussette qui s’était démarquée de la concurrence grâce à la possibilité de la plier en un geste et de la réduire à la taille d’un bagage cabine dans un avion. « Le pliage, c’est très puissant, confirme-t-il. C’est un créateur de valeur ajoutée mais aussi d’émotion. »
Gilles Henry n’avait pas de fonction opérationnelle dans cette société dont il a designé le produit phare. Il a donc cherché sa prochaine étape… Il a noirci des carnets avec de nombreuses idées, explorant comment réinventer des objets du quotidien, souvent en explorant encore et toujours le pliage. Pendant un temps, il a creusé la piste du lit parapluie pour continuer à travailler sur des objets de puériculture. Mais il a dû abandonner ce projet face à un marché ultra-concurrentiel.
9 ans de travail pour concevoir le vélo pliant Bastille
Le vélo s’impose alors comme étant le prochain chantier de Gilles Henry. En effet, l’inventeur a longtemps étudié ce mode de transport lors de la création de la Yoyo, s’inspirant du pliage de certains deux-roues pour créer sa poussette. Et Gilles Henry déteste les compromis : il n’est pas convaincu par les petites roues des vélos pliants existants. Sa création aura donc de grandes roues. Le vélo pliant Bastille était né.
Fort de son expérience avec la Yoyo, Gilles Henry se sent armé pour ce défi : « Je partais avec beaucoup plus d’expérience, avec un certain nombre d’acquis, de réflexes, de connaissances industrielles qui me permettaient d’aller beaucoup plus vite sur un projet comme celui-là. Même si c’est un peu comique de dire cela aujourd’hui puisque cela m’a tout de même pris neuf ans. » Il faut dire que l’entrepreneur ne s’est d’abord pas mis à temps plein sur ce projet, en attendant de trouver la solution la plus élégante pour son vélo.
Il commence par une phase de recherche très conceptuelle, puis il multiplie les maquettes en papier, en bois, il réalise un grand nombre d’équations pour vérifier ses hypothèses. Gilles Henry commence ensuite à réunir une équipe externalisée en 2017 pour produire les premiers prototypes.
En chemin, il fait la rencontre de Julien Leyreloup, cofondateur des Cycles Victoire :
« C’est un vrai spécialiste du vélo avec une fabrication de vélos d’exception à la main et sur-mesure. C’est de l’artisanat d’art. Il m’a parrainé du point de vue technique et il m’a beaucoup appris. »
En 2021, il recrute enfin son équipe, à commencer par Quentin Bernard, un ancien general manager EMEA de Devialet qui prendra le rôle de CEO de Bastille. « C’est vraiment le moment où j’ai structuré le projet et ça prend du temps. Surtout que je n’avais pas vraiment d’expérience d’entrepreneur, j’étais un inventeur, un actionnaire, mais devoir monter et gérer une boîte, c’était autre chose. »
Gilles Henry ne veut “surtout pas” créer une licorne
S’il a longtemps autofinancé le projet grâce à la Yoyo, la route de Gilles Henry croise aussi celle des fonds Eutopia et Ankaa Ventures avec qui Bastille va lever 10 millions d’euros. Questionné sur ses ambitions, Gilles Henry repousse très loin l’idée de vouloir créer une licorne. « Surtout pas ! », lâche-t-il spontanément. Il n’est pas séduit par l’idée de monter une boîte qui ne serait pas rentable et qu’il revendrait au bout de quelques années. Une vision de l’entrepreneuriat qu’il a d’ailleurs tout de suite partagé avec les fonds qui l’accompagnent.
« On a plusieurs fonds qui ont refusé d’investir chez nous parce qu’ils ne nous sentaient pas devenir une “multi-billion company” et effectivement, je ne veux pas suivre la trajectoire d’un VanMoof qui a levé presque 200 millions de dollars et qui a arrêté de s’occuper des vélos ou de leurs utilisateurs pour travailler uniquement pour leurs actionnaires. Avec Bastille, je veux créer une boîte qui soit à la fois humble, mais ambitieuse. On veut avancer à notre rythme, on veut avoir de l’impact, ce projet n’est pas ma danseuse après avoir gagné de l’argent avec la Yoyo, je veux faire un truc qui soit solide, pérenne, qui se développe pour avoir un beau succès, mais sans griller les étapes. »
Avec Bastille, Gilles Henry espère surtout insuffler de nouveau de la magie dans le quotidien des gens, après le succès de la Yoyo. « C’était assez fou ! Les deux tiers des gens qui viennent me voir me disent que la Yoyo a changé leur vie. »