iAdvize évoluait sur un marché devenu stable, générant plusieurs dizaines de millions d’euros de revenu annuel récurrent, employant 200 collaborateurs, traçant son chemin dans le monde des outils conversationnels à destination des acteurs du e-commerce.

L’histoire d’iAdvize va pourtant connaître un avant et un après l’émergence des intelligences artificielles génératives. La scale-up s’est ainsi mise en ordre de bataille pour retrouver l’agilité de ses premières années dans l’espoir de faire partie des entreprises qui contribueront à cette transformation. Quitte à laisser derrière son exigence de rentabilité.

La genèse d’iAdvize, née d’un post-mortem

Julien Hervouet, aujourd’hui CEO d’iAdvize, a connu la grandeur et la décadence d’une startup quand il a assisté à l’explosion de Zlio. La startup, fondée par Jérémie Berrebi en 2005, a connu une rapide descente aux enfers quand Google a déréférencé brutalement l’ensemble des boutiques de e-commerce créées sur la plateforme. Du jour au lendemain, 85 % du trafic de Zlio s’est évanoui en même temps que 85 % des revenus.

« J’en étais le directeur produit et j’ai été voir Jérémie en lui rappelant que l’équation du commerce était simple : c’est notre audience multipliée par le taux de conversion multiplié par le montant du panier moyen. On ne pouvait plus jouer sur le premier paramètre, il nous en restait deux et il fallait donc optimiser de manière extrêmement significative le taux de conversion. »

Ce taux de conversion était de 2 % sur les boutiques en ligne alors même qu’il était entre 30 et 50 % dans un commerce traditionnel. Pour le CEO d’iAdvize, cette différence est liée à une vision initiale du e-commerce qui était très désincarnée. « On traitait des adresses IP, des numéros de carte de crédit… sauf que derrière, ce sont des personnes, qui ont des doutes, qui ont besoin de réassurance. On avait donc fait le pari de réintégrer cette dimension conseil pour améliorer la performance en ligne. »

Testée auprès de blogueurs en 2010, la solution réussit à remporter un appel d’offres de la Fnac quelques mois après son lancement. « Au-delà de la référence géniale, on a surtout pu démontrer l’immense impact économique et les bénéfices de l’humanisation des interactions clients, avec des taux de conversion multipliés par dix sur les visiteurs que l’on assiste. Puis le directeur relation client de Fnac a relayé, témoigné et partagé ses résultats, et nous avons pu signer tous les grands acteurs du e-commerce en France. »

Une trajectoire bousculée par l’IA générative

De 2010 à 2012, iAdvize passe de 0 à 10 millions d’euros de revenu annuel récurrent, ce qui la propulse très vite comme une entreprise rentable. La startup entre ensuite dans une phase de croissance et va connaître deux levées de 16 et 32 millions d’euros (notamment auprès d’IRIS, Bpifrance et Idinvest Partners), ce qui va lui permettre de sortir des frontières françaises et de se déployer en Europe puis aux États-Unis.

« De 2019 à 2023, on était entré dans une phase de standardisation où le marché s’était commoditisé. Quand on se lance en 2010, le taux d’équipement à des solutions comme iAdvize était inférieur à 2 %. En 2020, il est entre 70 et 90 % d’après les zones géographiques. »

Aujourd’hui, le marché entre dans une nouvelle phase avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générative (avec OpenAI et son ChatGPT en tête) que Julien Hervouet perçoit comme un véritable Big Bang. Auparavant, seul l’humain était en mesure d’apporter un conseil avec la qualité d’expérience attendue par l’utilisateur et l’impact économique associé.

« J’ai vu arriver ce tsunami, explique le CEO d’iAdvize. Et je me suis dit qu’il fallait se mettre à ramer très vite pour surfer cette immense vague, pour devenir l’un des acteurs qui se saisit du sujet de façon précoce pour accompagner cette transformation… sinon on allait regarder le train passer. »

90 % de résultats positifs avec l’IA

iAdvize fait donc immédiatement ses premières expérimentations fin 2022 en rejouant des conversations qui avaient eu lieu entre de vrais clients et conseillers sur leur plateforme. Le résultat annonce un changement de monde : dans 80 % des cas, les réponses de l’IA étaient aussi bonnes que celles d’un conseiller. Dans 10 % des cas, elles étaient même meilleures. Il ne restait donc plus que 10 % de mauvaises réponses, souvent nommées « hallucinations », inhérentes aux grands modèles de langage.

« Cela nous amène à un changement de paradigme gigantesque qui nous permet en fait de réaliser la vision initiale qui a fait naître iAdvize », partage Julien Hervouet. En effet, la startup s’est construite sur l’idée que le web devait devenir conversationnel pour s’adapter au mode de communication naturel de l’homme qui est la conversation.

L’ensemble des équipes basculent donc soudainement vers un produit augmenté avec l’intelligence artificielle. iAdvize propose ainsi aujourd’hui deux produits : un assistant complètement automatisé qui va répondre aux questions des clients de manière instantanée et précise. L’autre produit est à destination des conseillers. En effet, pour se prémunir des « hallucinations » de l’IA, iAdvize permet d’améliorer la productivité des conseillers en leur suggérant simplement des réponses à adapter. Le moyen de garder la main, tout en fluidifiant le travail au quotidien.

« Cela fait 15 ans que j’attends ce moment, lance Julien Hervouet. Quand j’ai démarré, on m’expliquait que la conversation était vouée à l’échec. » Aujourd’hui, iAdvize est prêt à passer à la vitesse supérieure, même si cela signifie investir massivement dans cette nouvelle phase, et renoncer à une rentabilité durement acquise. « On était rentable l'année dernière, annonce-t-il. Mais avec l'IA générative, on a fait le choix d'accélérer et donc de réinvestir à la fois sur le produit et la conquête de parts de marché. »