Pendant longtemps, l’assurance chômage a été un dispositif réservé aux salariés... En effet, n’étant pas considérés comme subordonnés à l’entreprise, les mandataires sociaux ne pouvaient pas en bénéficier par principe. Désormais, depuis le 1er avril 2022, la loi permet aux dirigeants de bénéficier de cette assurance chômage. Néanmoins, ses conditions étant très contraignantes, de nombreux dirigeants préfèrent se tourner vers des assurances privées.
« Le chef d’entreprise exerce son activité soit pour son propre compte en tant que patron, soit en tant que mandataire social désigné par les actionnaires dans de plus grosses structures : dans les deux cas, il n’est pas salarié », précise Ludovic Cohen, directeur des marchés assurance de personnes chez APRIL. « Même pour ceux qui cumulent un mandat social et un contrat de travail, l’assurance chômage ne reconnaît que rarement la réalité du contrat de travail : la couverture via un contrat individuel est recommandée voire encouragée par l’entreprise. »
Un chômage peu accessible pour les dirigeants
Pour bénéficier de l’assurance chômage traditionnelle, le dirigeant non salarié doit avoir cessé son entreprise suite à une liquidation judiciaire, un redressement judiciaire, ou une fermeture définitive, depuis le 1er avril 2022, due à une activité économiquement non viable, avec une baisse de revenus d'au moins 30 %. Il doit également avoir exercé une activité non salariée de manière continue pendant au moins deux ans dans la même entreprise et être activement à la recherche d'un emploi, inscrit à Pôle emploi. Attention : les PDG ou DG d’une SA, SAS ou SASU, tout comme les gérants majoritaires d’une SARL ou EURL, ainsi que les artisans ou commerçants peuvent cependant bénéficier d’une assurance chômage, étant considérés comme salariés.
De plus, le travailleur non salarié doit avoir perçu des revenus d'au moins 10 000 € par an au cours de l'une des deux années précédant la cessation d'activité, et ne pas disposer de ressources personnelles en dehors de l'activité non salariée supérieures au montant du RSA. Enfin, il doit être physiquement apte à l'exercice d'un emploi, résider en France, et ne pas percevoir une retraite à taux plein.
« Le maximum du régime général est de 26,30 euros par jour… soit environ 800 euros par mois ! C’est insuffisant », affirme Sonia Elmlinger, directrice générale de Lilycare. « Dans les pays anglo-saxons, les travailleurs indépendants ou mandataires sociaux mettent en place leur protection sociale et ensuite ne s'en préoccupent plus. Cette approche vise à protéger à la fois l'entreprise et la famille. En France, cette démarche est souvent négligée ou évitée en raison de notre culture latine. Les entrepreneurs français sont souvent totalement absorbés par le développement de leur activité et ne pensent jamais aux éventualités négatives. »
Des régimes complémentaires de protection
Afin de compléter un régime général peu favorable aux dirigeants, des contrats complémentaires peuvent être souscrits. Ces contrats, disponibles auprès de compagnies d’assurances, de courtiers en assurance ou d’assurtech, peuvent couvrir le chômage provenant par exemple d’une révocation, d’un redressement judiciaire, ou d’une dissolution anticipée.
Le coût de cette assurance varie entre 4 et 7 % de la rémunération brute moyenne, avec des tarifs adaptés en fonction de la couverture souhaitée. Le choix de la formule d'indemnisation peut aller de 50 % à 80 % du revenu net déclaré, sur une durée de 12 à 24 mois, selon les garanties choisies. Ainsi, la couverture d’une personne qui souhaiterait disposer d’une garantie de 50 000 euros par an coûtera environ 160 euros par mois. Ces coûts sont déductibles pour l'entreprise dans le cas d'un dirigeant salarié ou dans le cadre de la loi Madelin pour les travailleurs indépendants.
« Ne négligez pas votre protection sociale ! Soit vous êtes déjà couvert et il ne faut pas hésiter à refaire un point (besoins, rémunération, situation familiale, …) en remettant à plat vos contrats, dont fait partie la garantie chômage du dirigeant. Soit vous n’êtes pas couvert, et dans ce cas je vous conseille de réaliser une étude de vos besoins », affirme Sonia Elmlinger. « Nous prenons déjà suffisamment de risques en tant qu'entrepreneur, ce n’est pas la peine d’en rajouter ! »
Prévoir… surtout quand tout va bien !
L’assurance chômage comportant des délais de carence d'environ 12 mois, il est nécessaire d'anticiper sa mise en place, notamment en cas de levée de fonds. En effet, la dilution du droit de vote du dirigeant fondateur est une problématique qui doit être envisagée, notamment pour les cas de révocation ou de non-renouvellement du mandat.
« Nous avons eu le cas d’une startup à Nantes de 80 collaborateurs. Le dirigeant, au fil des levées de fonds, a vu sa participation diluée », se rappelle la directrice générale de Lilycare. « Après des chiffres moins bons, une après-midi a suffit pour que son mandat de dirigeant ne soit pas renouvelé! Or, comme mandataire social, il n’avait droit qu’au minimum légal de 800 euros mensuels !»
La sélection de la meilleure couverture peut nécessiter l’accompagnement d’un expert. En effet, il est nécessaire de bien calculer les besoins avant de souscrire un contrat, afin de ne pas payer pour une couverture excessive, tout en ayant conscience des exclusions ou des délais de carence.
« Mon meilleur conseil est de penser à la couverture chômage au même titre qu’une couverture sociale : quand tout va bien ! Les professionnels peuvent se tourner vers leur courtier de proximité pour bénéficier de conseils et trouver la solution la plus adaptée à leur besoin », conclut Ludovic Cohen. « En effet, au même titre qu’une prévoyance professionnelle, il y a une sélection en amont, financière en l’espèce… ce qui implique que si l’on souhaite se couvrir au moment des premières difficultés, le risque est qu’il soit déjà trop tard ! »