Créé en 1994, le FEI, Fonds Européen d’Investissement, est un pilier du non coté européen. L’institution investit dans tous types de fonds, du pré-amorçage jusqu’au pré-IPO, en passant par le capital-risque et le capital développement. Son activité de fonds de fonds inclut également des fonds d’infrastructure et des activités de crédit.
Chaque année, 5 milliards d’euros sont consacrés aux garanties bancaires et l’investissement en fonds de fonds représente également 5 milliards d’euros. Au sein de cette enveloppe, le capital-risque est la catégorie la plus pondérée avec 2,3 milliards d’euros par an d’engagement, suivi de l’infrastructure avec 1 milliard d’euros, du crédit privé, entre 300 et 400 millions d’euros, et du Private Equity/ LBO. Pour mieux comprendre la raison d’être et le fonctionnement du FEI, Maddyness s’est entretenu avec Uli Grabenwarter, responsable de l’activité equity et Nicolas Perard, senior investment manager, spécialisé sur les fonds technologiques.
Le FEI célébrera cette année ses 30 ans d’existence
Depuis ses débuts, le FEI a investi 22 milliards d’euros en capital-risque et 13 milliards d’euros en capital-développement, représentant environ 1300 fonds encore actifs et 300 liquidés. « La vocation du FEI est d’être l’organe de financement des PME européennes et de faire la promotion de l’écosystème de financement du capital-risque », introduit Uli Grabenwarter.
À l’origine détenu, à parts égales, par la Banque Européenne d’Investissement (BEI), la Commission Européenne et des institutions financières réparties à travers les États membres, le FEI a été restructuré en 2000. La BEI est depuis majoritaire à hauteur de 60%, la Commission Européenne, elle, détient 30% et le secteur financier les 10% restant. « Parmi les investisseurs institutionnels européens, le FEI est un animal un peu particulier, car sa structure repose sur des partenariats publics-privés », commente Uli Grabenwarter.
Ce changement de gouvernance coïncide avec l’évolution du rôle du FEI. « En 2000, quand j’ai rejoint le FEI, le capital-risque européen avait été presque détruit par la crise de la tech. À l’époque, on comptait moins d’une douzaine de fonds encore capable de lever dans ce contexte. Nous nous sommes donc demandés comment nous pouvions intervenir pour restructurer ce marché et ne pas être trop dépendants des fonds US », raconte Uli Grabenwarter. « En Europe, les institutionnels sont encore largement absents. La France fait partie des mieux lotis avec les initiatives Tibi. En Allemagne, en Scandinavie ou en Europe du Sud, les acteurs actifs se comptent vraiment sur les doigts d’une main », ajoute-t-il.
Le FEI, catalyseur de l’écosystème VC européen
En 2000, le FEI choisi donc d’aller au-delà du simple apport de capital et d’opérer en tant qu'investisseur catalytique pour reconstruire le marché du capital-risque européen. « Ce parti pris exigeait d’avoir des critères de sélection au moins aussi exigeants que ceux des institutionnels, pour démontrer, dans le temps, qu’investir de manière sélective dans le capital-risque européen permettait de générer du rendement », commente Uli Grabenwarter. Une démonstration qui a nécessité de la patience, mais qui a été concluante. « Aujourd’hui, les fonds cherchent à attirer le FEI, car c’est un marqueur de confiance. Beaucoup d’institutionnels ou d’investisseurs privés se basent sur les due diligences du FEI pour investir », partage Uli Grabenwarter.
Le FEI a réussi à contribuer à redorer le capital-risque européen, et à attirer des investisseurs privés (fonds de pension, gestionnaires d’actifs, compagnies d’assurances, family offices), pour qui il opère depuis des programmes d’investissement. « En 2017, nous avons commencé à proposer une plateforme d’investissement de fonds de fonds pour accéder au capital-risque européen », explique Uli Grabenwarter. « Par cette plateforme, notre rôle est moins à l’emploi du capital public, mais plutôt d’accompagner des institutionnels qui n’ont pas d’activité de fonds de fonds en propre. Le FEI peut leur donner accès à la crème de la crème des fonds, parfois sursouscrits, car il les a accompagnés dès la première heure », poursuit Uli Grabenwarter.
Le FEI, une structure qui mise sur la spécialisation et les first-time teams
Avec 80 personnes au sein de l’équipe d’investissement, dont 40 dans l’activité fonds de fonds de capital-risque, le FEI peut se permettre d’être très spécialisé. C’est ce qui le distingue de Bpifrance et des autres investisseurs privés. « Les investisseurs privés n’ont souvent qu’une ou deux personnes en charge de l’activité fonds de fonds. Au sein du FEI, nous sommes spécialisés sur des verticales comme les fonds climatiques ou la santé. Nous avons une structure qui ressemble presque plus à celle de l’investissement direct », détaille Nicolas Perard.
Cette organisation permet mécaniquement d’acquérir une connaissance plus fine de l’écosystème et d’être en contact direct avec les startups. « En général, nous connaissons les dossiers avant même que les fonds ne nous contactent. En plus des critères de sélection classique, nous consultons les meilleurs entrepreneurs pour avoir leurs avis sur les fonds », confie Nicolas Perard.
L’une des spécialités du FEI sont les “first time teams”. « Quand nous avons commencé, tous les fonds étaient littéralement des “first time teams. Beaucoup d’acteurs, à l’époque dépendants du capital public, ne le sont plus du tout aujourd’hui, c’était exactement notre objectif », commente Uli Grabenwarter. Des fonds comme Atomico, Partech ou Sofinova, ont bénéficié d’un investissement initial du FEI.
La France, l’un des principaux marchés pour le FEI
Le FEI a récemment lancé un mandat ETCI (European Tech Champions Initiative) de près de 4 milliards d’euros, pour financer une quinzaine de fonds de plus d’un milliard d’euros en Europe. Ce mandat est piloté par Nicolas Perard. « La France est le pays qui dénombre le plus de candidatures crédibles », commente-t-il.
La France est par ailleurs l’un des pays qui concentre le plus d’investissement du FEI, en fonction des années, entre 13 et 15%. « Notre allocation géographique reflète plus ou moins la taille des marchés », commente Uli Grabenwarter. « La France a affiché une volonté forte de s’établir comme une économie d’innovation avec des initiatives comme Business France, la French Tech, Tibi, etc..», ajoute-t-il. En 2023, 24 opérations ont été réalisées dans des fonds français pour un montant total de 674 millions d’euros.