Deloitte et I&S Adviser ont récemment publié un livre blanc qui met en avant le rôle clé que jouent les operating partners dans la création de valeur. « Chez Deloitte, nous nous sommes intéressés aux operating partners car le sujet de la création de valeur est devenu un sujet central pour les chefs d’entreprise et les fonds d’investissement. L’operating partner joue un rôle de sparing partner auprès du chef d’entreprise et ses équipes. Il intervient à des moments pivots du développement ou de la structuration qui sont de nature très différente selon la maturité de l’organisation et les défis de l’entreprise. Il peut notamment être une forme de courroie de transmission avec le monde du Private Equity en aidant le chef d’entreprise et ses équipes à répondre à de nombreuses attentes sur des sujets de performances, de reporting, de gouvernance, de M&A, d’IT et d’ESG », avance Laurent Jehanne, Managing Director de Deloitte Deal Transformation and Turnaround. Les conclusions montrent notamment que la présence des operating partners dans le secteur du Private Equity américain, 43 000 operating partners en 2022 contre 1500 en France, pourrait en partie expliquer les performances observées dans ce secteur aux États-Unis.
Une valeur ajoutée largement reconnue
Par ailleurs, d’après France Invest, lors de leurs sorties, les fonds de capital-risque observent une hausse du chiffre d’affaires de +18,3% chez les entreprises accompagnées par un operating partner, contre 10,3% pour celles qui n’en ont pas sollicité. L’EBITDA généré par ces mêmes entreprises est respectivement de +23,2% versus +11,9%. La valeur ajoutée des operating partners est déjà reconnue de manière assez consensuelle par l’écosystème et ces données viennent l’appuyer.
Mais comment fonctionnent les operating partners ? Chez Serena, l’accompagnement des startups est abordé de manière holistique, avec un duo de partenaires comprenant un partner invest qui travaille en étroite collaboration avec le board sur l’equity story, et un partner operating qui est le référent de l’entreprise pour la mise en œuvre du programme operating. Ce programme dit operating repose sur deux piliers : un soutien opérationnel sur mesure pour les fondateurs délivré par les Operating Partners, et la Serena Squad, un réseau de pairs pour leurs équipes afin de les outiller correctement pour relever les défis opérationnels.
« Quand une entreprise lève des fonds, particulièrement en early stage, les douze mois qui suivent sont une période charnière. En tant que partners operating, nous pouvons vraiment changer la donne en les accompagnant sur des sujets clés tels que l'identification des priorités dans la roadmap, la définition de l'organisation à mettre en place et la revisite du budget dans ce cadre, mais aussi la mise en place des forces de vente ou le recrutement de collaborateurs clés...», indique David Bitton, ancien startupper et head of operating chez Serena depuis quatre ans.
Dans les mois qui suivent l’investissement, lui et son équipe se rapprochent de la startup, et sur la base d’entretiens avec les personnes clés, redéfinissent la feuille de route, reprennent le business plan et donnent des pistes de réflexion aux startups. Une démarche, qui d’après David Bitton, est saluée par l’ensemble des participations. Et pourtant, les fonds français qui proposent des postes d’operating partners à temps plein restent extrêmement rares.
La question des operating partners, un sujet de taille de fonds et de culture
Des postes dont la valeur est reconnue par les entrepreneurs, recherchés par les candidats, et pourtant encore trop peu présents dans l’écosystème. En effet, d’après Sarah Huet, fondatrice du cabinet A Female Agency, en France, Serena et quelques autres fonds comme XAnge et Elaia, font vraiment figure d’exception, avec un modèle d’operating partners poussé. « Nous sommes très sollicitées au sein du cabinet par des candidates qui recherchent des postes d’Operating Partners, mais il y a un gros décalage entre l'offre et la demande, ces postes sont encore peu présents », partage Sarah Huet, « Ce type de poste va peut-être exister quand les fonds anglo-saxons vont s’étendre en France », nuance-t-elle.
« En France, les fonds n’ont pas la même taille qu’aux US, et il n’est pas toujours simple de se payer un operating partner à temps plein, s’il n’y a pas matière à l’occuper. Plus le fonds est gros, plus il est facile de faire du “in-house” », souligne Laurent Jehanne. « Ce poste a des difficultés à émerger, car cela a un véritable coût et les fonds recrutent en priorité côté investissement », confirme Sarah Huet.
Chez Serena, l’équipe compte sept personnes, une part importante sur l’ensemble de la société qui en compte trente. « C’est un effort pour la société de gestion, mais nous avons des encours et une largeur de gamme de fonds qui nous permet de payer une équipe qui peut intervenir sur l’ensemble des fonds, même les plus petits », commente David Bitton. « Ce choix est culturel. Serena est un fonds créé par des entrepreneurs pour des entrepreneurs. C'est dans l'ADN de toute l'équipe : l’argent ne suffit pas... pour maximiser les chances de réussite, il faut aussi accompagner les entrepreneurs sur leurs enjeux opérationnels », ajoute-t-il.
L’operating partner, sous quel format ?
En termes d’operating partners, le modèle par excellence semble être le fonds américain Andreessen Horowitz. « À mes yeux, nous ne sommes que deux fonds en Europe a vraiment avoir mis en place un modèle d’operating partners aussi poussé que celui des modèles américains : nous et le fond de VC allemand Project A », confie David Bitton.
Mais pour autant, cela ne veut pas dire que les autres fonds n’ont rien mis en place. « Il y a un modèle intermédiaire qui consiste à travailler pour le fonds et pour les startups, par exemple en marketing, mais c’est forcément moins efficace qu’un operating partner dédié aux participations », indique Sarah Huet.
Certains investisseurs mettent aussi en avant leurs capacités d’accompagnement opérationnel. « Nous pensons qu’essayer d’être à la fois investisseur au board et travailler opérationnellement avec les startups n’est pas possible. Le rôle du board est de définir les objectifs, celui des opérationnels d’imaginer les moyens pour les atteindre », commente David Bitton. « Beaucoup de fonds disent qu’ils font de l’operating, mais en réalité, ils n’ont pas d’équipe salariée. Tous les fonds ne peuvent pas s’offrir une équipe d’operating partners. Et pourtant, il me semble que l’impact d’une équipe avec différents profils et casquette aura forcément plus d’impact qu’un operating partner isolé », conclut David Bitton.